Remboursement remis en question : Les stations thermales, de la cure à la crise de nerf

Thermes de Balaruc les Bains, 2021. Photos : Olivier SCHLAMA

En France comme en Occitanie, première pour le thermalisme, les cures sont un moteur économique. Le gouvernement, qui recherche à réaliser des économies, pourrait en limiter le remboursement à seulement 15 %, soit à peine 200 M€, alors que la filière génère 4,8 milliards d’euros… Le P.D.-G., Didier Calas, en explique toute l’aberration. Une pétition a été lancée.

On s’était habitués, depuis 30 ans, à entendre les tenants des 95 stations thermales de l’Hexagone crier régulièrement au loup, sans que la situation ne change au final. Ainsi, on se disait que cette attitude était avant tout préventive et que rien ne pourrait entamer les bases de cette économie aux nombreux atouts, dont celui de n’être pas délocalisable. Avec une eau – et parfois une boue – dont on connait les bienfaits depuis les Romains et qui, finalement, réduit la consommation de médicaments et de personnels (para)médicaux…

Devant les députés dès ce lundi dans l’Assemblée

Didier Calas. DR

Cette fois, malgré le procès en illégitimité gagné ; malgré les différends rapports de la Cour des comptes qui défendent malgré tout cette économie qui doit évoluer, certes ; et même venant de sa déclinaison régionale évoquant un écosystème “fragile” dont Dis-Leur vous a parlé ICI. Malgré, aussi, le lobbying pourtant intense de parlementaires pro-thermalisme à l’Assemblée ; les pas moins de 42 études sur le service médical rendu et les retombées économiques, les cures thermales risquent de prendre un coup mortel. Car leur remboursement pourrait passer de 65 % comme aujourd’hui à seulement 15 % de remboursement par la Sécu. Cette affaire-là est sérieusement étudiée par les parlementaires, à la faveur du vote du budget, qui reprend ce lundi.

Occitanie, première région thermale de France

D’importance, pour les 95 stations thermales de l’Hexagone dont 28 se situent en Occitanie. Des stations qui ont doucement remonté la pente de la crise du covid. Rivalisant d’aménagements pour attirer une clientèle plus large, proposant des cures médicales et mini-cures. Et des espaces bien être de plus en plus attirants. Des stations de plus en plus complexes comme les Fumades, près d’Alès, dans le Gard (30 M€ investis) ou Luchon (40 M€). Quant à Balaruc-les-Bains, elle fait vivre un dialogue social poussé pour in fine une meilleure expérience client qui pourrait faire des émules, comme dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Un décret pour éviter le vote des députés ?

Thermes de Balaruc les Bains, 2021. Photos : Olivier SCHLAMA

Didier Calas est le P.D.-G de la première station thermale de France (51 200 curistes), Balaruc-les-Bains, employant 395 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 41 M€ dont un résultat net de plus de 3 M€. Les retombées économiques de cette seule station s’élève, selon la chambre régionale des comptes, à plus de 12 M€ par an. Il dit, juste avant de se rendre au Congrès des maires de France à Paris ce lundi : “Dans ce pays, une très grande majorité des députés et des sénateurs connaissent les territoires et sont contre le déremboursement des cures. Trois amendements avaient été déposés, les trois ont été massivement rejetés par le Parlement. Or, nous avons appris que le gouvernement avait un projet de décret sous le coude, dit celui qui fait partie du Conseil national des établissements thermaux. Avec ce décret, qui prévoit le remboursement de 65 % à 15 % des cures, longues maladies comprises, plus besoin d’en passer par le Parlement pour le faire exécuter ! D’où le tollé général.”

“On estime entre 70 % et 80 % de baisse du nombre de curistes, une catastrophe”

Conclusion, “on a fait nos calculs entre stations et on estime entre 70 % et 80 % de baisse du nombre de curistes, une catastrophe. A Balaruc, en trois semaines, par exemple, le curiste qui a parfois de petits moyens, se rend trois fois à Sète et mange quatre fois au resto… Le gouvernement ne réfléchit qu’en termes d’économies à court terme. En outre, il ne tient pas compte des bienfaits médicaux !” Pour l’Etat, ce serait une économie totalement marginale, de l’ordre de 200 M€ de remboursement alors que, selon l’Observatoire de l’économie des stations thermales, cofinancé par l’Etat et la Fédération des stations, l’activité thermale génère 4,8 milliards d’euros de retombées économiques ! Ils perdront donc 3 milliards d’euros ! C’est une aberration. Ces soi-disant 200 M€ d’économisés, le seront peut-être mais les curistes qui ne viendront plus iront davantage chez le toubib, le kiné… Et génèreront des dépenses de santé. Ce gouvernement est complètement hors-sol. C’est pourquoi, nous faisons signer une pétition que nous avons bien sûr nous-mêmes signée.” (ci-dessous).

Elle a été lancée par Denis Fégné, député des Hautes-Pyrénées, président du groupe d’études thermalisme à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme, Fondateur des Journées parlementaires du thermalisme, Thierry Dubois, Président du Conseil national des Etablissements Thermaux (CNETh), Julien Dubois, maire de Dax et président du Grand Dax, président de l’Association nationale des maires de communes thermales (ANMCT).

149 000 curistes en Occitanie, 1 700 emplois directs

Image d’illustration par Freepik

Au lendemain de l’assemblée générale de la Fédération thermale d’Occitanie, il y a quelques jours, l’élue régionale chargé du thermalisme, Florence Brutus, évoque sur les réseaux sociaux un bilan parlant de cette année thermale. “L’Occitanie, c’est la première région thermale française, avec près de 149 500 curistes en 2024, près d’un tiers de la fréquentation nationale, soit + 3,8 % par rapport à 2023. » Florence Brutus évoque les 1 700 emplois directs ; les 6 millions de nuitées liées au thermalisme ; les 145 M€ de retombées économiques directes, et les 1,25 milliard d’euros de chiffre d’affaires généré par la filière (direct, indirect et induit).”

La Région Occitanie au soutien

Thermes Luchon. Photo cabinet d’architecture Coste.

Car, depuis 2019, la Région Occitanie soutient fortement “cette filière d’excellence à hauteur de 10,7 M€ pour les projets des établissements thermaux, 35 M€ pour les communes thermales, 215 000 € à la Fédération Thermale, dont le financement d’une étude pour l’Institut du Thermalisme. Ces investissements traduisent une conviction forte : le thermalisme n’est pas un atout du passé. C’est un levier d’avenir, au croisement de la santé, du bien-être et du développement durable”.

Alors que les débats nationaux autour du déremboursement des cures thermales suscitent de légitimes inquiétudes, conclut-elle, “la Région reste pleinement mobilisée pour défendre la pérennité économique de la filière, l’égalité d’accès aux soins, et la vitalité de nos communes thermales. Nous devons continuer à parler d’une seule voix pour valoriser la pertinence médicale, environnementale et territoriale du thermalisme”.

Olivier SCHLAMA

Retrouvez la pétition nationale ICI 

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