Du parc arboré aux anciennes cellules des moines cisterciens, l’exposition “Jardins imaginaires” se présente comme “une invitation au dépaysement des sens et à une relecture de notre rapport à la nature.” Plongé dans l’univers de chaque artiste, le visiteur est ainsi invité à déambuler de jardin en jardin, “cultivant la confusion entre réel et imaginaire, entre artifice et état sauvage, entre belle nature et réalité.”
Chacun des treize artistes invités a donc investi un espace de l’abbaye de l’Escaladieu, afin d’en faire “son jardin”… Le projet trouve ainsi un écrin particulier au sein d’une abbaye, ces lieux d’exception étant, en général, pensés et construits sur le principe du cloisonnement et de la clôture des espaces.
Treize artistes pour autant de “jardins”
En effet, si le paysage peut être perçu comme une fenêtre ouverte sur l’horizon, le jardin se définit comme un lieu clos où la nature est ordonnée. Promesse d’évasion, de bien-être, de reconnexion avec l’essentiel, “il questionne le pouvoir de l’homme
à façonner la nature tout en recherchant une harmonie avec elle sans parvenir à contourner l’artifice.”
Avec, pour chacun, l’invitation à s’introduire au coeur de leur créativité dans des “installations-jardins”. Tel l’exemple d’Ursula Caruel, diplômée des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence et de l’École Supérieure des Arts Appliqués et Textiles de Roubaix, qui vit et travaille à Montpellier. Passionnée de botanique, elle étudie les processus de croissance du vivant pour en dupliquer la nature créative.
Elle défend un art local et nomade, où “l’identité du paysage et la question de la mise en vie du dessin sont primordiales.” Son processus de création “passe par l’observation du végétal environnant les lieux où ses installations sont présentées.” En 2017, le Musée du Bois de la Haute-Garonne a exposé son travail sur les arbres. En 2020, le salon DDESSIN Paris présentait ses œuvres au sein de la pépinière d’artistes et ses dessins de pommier sont entrés dans les collections du Mobilier National. Enfin, en 2022, la DRAC Occitanie a soutenu son projet de collection internationale d’art végétal.
Treize artistes, comme autant de boutures qui s’épanouissent dans ces “Jardins Imaginaires” de l’abbaye d’Escaladieu. Avec chacun leurs essences d’inspiration, leurs sources de couleurs, leurs racines aux quatre coins du monde. Telle Claude Como qui vit et travaille à Marseille, mais est habitée d’une référence africaine pour “tenter de retrouver la puissance d’une nature qui progressivement disparaît, à l’heure des changements climatiques.”
Ses souvenirs d’enfance en Afrique l’ont marquée et elle cherche à restaurer ce lien avec une végétation luxuriante : “Je suis dans un rapport contemplatif à la nature depuis mon enfance. J’ai grandi en Côte d’Ivoire, au milieu d’une nature puissante, vierge, envahissante, et parfois inquiétante”, témoigne-t-elle. Et pour cela, elle crée une symphonie de formes végétales qui prolifèrent le long des murs, une nature sauvage aux couleurs chatoyantes et au toucher réconfortant, mais aux dimensions inquiétantes…
le jardin exprime
toujours une dimension
poétique et imaginaire”
Luxuriance africaine, ou simplicité zen de l’installation, signée Dominique Ghesquière, qui s’inspire de l’esprit des karesansui, ces jardins secs japonais composés de pierres, de roches et de sable, l’artiste représente l’eau par de délicates vaguelettes en porcelaine… Exhubérance de la brésilienne Duda Moraes répondant au minimalisme de Marie-Hélène Richard pour son “Jardin en suspension.”
Comme le précise Philippe Prêvot (ancien directeur du service Patrimoine de Bordeaux-Métropole), qui donnera une conférence sur l’histoire des jardins le 24 juin (15h) en l’abbaye ; “L’histoire des jardins renvoie sans détour à celle de l’Homme. Elle en reflète les pratiques, la culture, les savoirs, les utopies, les caprices et les modes. Qu’il soit médiéval, de l’âge baroque, paysager ou vivrier, le jardin exprime toujours une dimension poétique et imaginaire, dans le cadre d’une nature artificiellement organisée. Les plantes, les arbres et le relief sont les notes d’une musique aussi fragile que peut l’être son créateur…”
De nos jours, le jardin devient un véritable terrain d’expression artistique et un produit de consommation. Qu’en sera-t-il de ses formes et de son univers sensoriel en ce XXIe siècle ? L’abbaye de l’Escaladieu en donne sans doute une version multiple, sensorielle, éblouissante. A découvrir, en tout cas !
Philippe MOURET
Le dimanche 16 juillet (15h), conférence de Paul Dur (médiateur scientifique aux Jardins du Muséum de Toulouse), qui abordera le sujet de la biologie des plantes, du rapport que nous entretenons avec elles, de leur présence dans les jardins du monde. Aux Jardins du Muséum de Toulouse, une zone est dédiée aux plantes cultivées dans le monde entier : “L’histoire de l’humanité est étroitement liée à celles des plantes. Elles nous habillent, nous vêtissent, nous soignent, nous nourrissent, et bien plus encore..;” Conférence précédée à 11 h d’une visite guidée de l’exposition « Jardins imaginaires.
Information et réservation au 05 31 74 39 50 – abbaye.escaladieu@ha-py.fr
www.abbaye-escaladieu.com. Horaires d’ouverture, du lundi au dimanche 10 h – 18h15 – Tarifs : adulte 5 €, enfant (6 à 17 ans) 2 €; Famille (2 adultes + 2 enfants) 12 €
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