Chronique : Lettre ouverte à “nos très chers radars”

“Vous et moi, cela fait maintenant 14 ans que nous faisons la route ensemble. Je me souviens même de ces souvenirs de vacances que vous m’avez laissés pour un petit kilomètre/heure de trop… En prévision d’un éventuel oubli de mon appareil photo, vous étiez là, sur le bord de la route, pour rectifier mon oubli et me prendre en photo. Avec une efficacité redoutable et une capacité incontestable à ne pas griller vos ampoules, vous avez flashé près de 21 millions de fois l’an passé”. Les radars ont généré plus de 800 millions d’euros de recettes pour l’Etat. Quant à sauver des vies…

Chaque année, un automobiliste sur deux, en moyenne, reçoit un billet doux de vous, comme une carte postale qu’il reste à timbrer, comme un appel en PCV… Car le billet doux, c’est nous, automobilistes, qui le mettront de notre poche.
L’an passé, le cap des 800 millions d’euros que vous avez générés a même été dépassé. Il est vrai, très “chers” radars, que vous avez encore quelques rares supporters, engagés au service du “politiquement correct”, choqués au discours du “radar qui sauve des vies”. Vous avez en France bonne presse et vos défenseurs, prêts à tout pour sauver le “soldat Radar”, n’hésitent pas à intoxiquer les médias par leurs discours d’outre-tombe, avec l’aval de journalistes trop soucieux de paraître le plus lisses possible, quitte à accepter la propagande scandaleuse délivrée sur nos écrans et nos radios.
Il est vrai qu’avec près d’un milliard d’euros rien que grâce à vous, la classe politique s’accorde souvent à vous trouver des vertus que vous n’avez sans doute pas. Si l’association 40 Millions d‘automobilistes ne tentait pas par tous les moyens de dénoncer les abus constants de votre présence, sans doute aurions-nous déjà dépassé ce fameux milliard.
Toujours avide du plus d’argent, la Sécurité routière n’hésite pas à imaginer la privatisation de vos cousins, mobiles et cachés dans la plaque d’immatriculation de voitures de sociétés privées ou bien encore la quasi-interdiction des outils d’aide à la conduite communicants afin de laisser les automobilistes se faire flasher davantage.
En France, vous n’avez pas de marge de tolérance, contrairement à l’idée reçue. Juste une marge technique de pondération, imposée par vos fabricants afin de prévenir les erreurs éventuelles de calibrage. C’est sans doute pourquoi, dans votre grande intolérance, 90% des automobilistes que vous condamnez à la perte de point(s) ET à une taxe sur le droit de rouler le sont suite à un excès de vitesse involontaire de leur part.
Aucun pays européen n’exerce la même intolérance. Aucun autre pays, pourtant bien meilleurs que nous en Sécurité routière, ne sanctionne autant les petits excès involontaires, car ces pays n’ont pas décidé de transformer les radars en impôt !

(…) “n’évitant plus le moindre accident sur nos routes…”

Et puis j’avoue, mes petits radars, que vous commencez à agacer de plus en plus de monde, si bien que la Cour des comptes elle-même est venue pointer du doigt le delta entre votre efficacité à collecter de l’argent et votre inefficacité à sauver des vies. Alors que vos recettes explosent avec une hausse de 11% de votre rentabilité, le nombre de tués stagne depuis 2012…
Cinq ans sans la moindre trace de votre efficacité à sécuriser nos routes. Pendant ce temps, mes très chers radars, des centaines de victimes du téléphone au volant s’additionnent, des milliers de victimes des drogues et de l’alcool au volant auraient pu être évitées. Et vous, pendant ce temps-là, vous flashez à la recherche du kilomètre/heure de trop. Vous flashez à tour de bras, remplissant votre mission de renflouer les caisses de l’État, subventionnant vos ardents défenseurs, mais n’évitant plus le moindre accident sur nos routes occitanes, de moins en moins entretenues, faute de moyens… Paraît-il…”

Pierre CHASSERAY

Directeur général de 40 Millions d’automobilistes.