Grande inquiétude et perte de sens pour un secteur exsangue, au bout du rouleau, qui tient pourtant une place centrale dans la société : aide au plus fragiles, médico-social, droits des femmes mais aussi culture, sport amateur, environnement. Erwann Favre, délégué régional du Mouvement associatif, le dit : 700 structures associatives peuvent très vite disparaître en Occitanie. Quelque 13 000 emplois sont menacés, à cause des financements en baisse.
La moitié des Français font partie d’une association, d’un club sportif… La moitié ! Les associations irriguent la démocratie. Un habitant sur quatre, soit 1,5 million de personnes en France, sont bénévoles dans une association, dont 600 000 le sont régulièrement, chaque semaine (1). “C’est la force citoyenne des assos présentes dans tous les secteurs d’activité” : Erwann Favre est le délégué régional du Mouvement associatif. Il est le porte-parole naturel du monde associatif en grande souffrance qui fait (encore) vivre 1,9 millions de salariés -souvent chichement payés – et mobilise quelque 20 millions de bénévoles.
Département de l’Hérault, Métropole de Toulouse…

À cause des coupes budgétaires drastiques, en 2025, toujours plus importantes, de la part de l’Etat et des collectivités. Dont certaines sont en baisse “catastrophique” comme celles du département de l’Hérault qui a supprimé jusqu’à 100 % des aides aux assos culturelles ; de la Métropole de Toulouse (- 40 %) ou le département de la Haute-Garonne. Des baisses qui, le plus souvent, ont été annoncées brutalement et qui n’ont pas été anticipées. « Peu à peu le monde associatif est vidé de son essence », souffle Erwann Favre. C’était tout le sens de la mobilisation nationale le 11 octobre dernier où des manifs ont été organisées dans plus de 70 villes à travers le pays sous le slogan #ÇaNeTientPlus.
700 structures et 13 000 emplois menacés en Occitanie
En résumé, “un financement sur deux est en baisse dans le monde associatif par rapport à 2024”, selon une étude du Mouvement associatif, qui fédère quelque 700 000 structures, qui dit que “70 % des associations qui emploient des salariés déclarent que le montant de leur fonds propres restent en septembre 2025 fragile ou nul ». Pire, la Fédération des acteurs des solidarités, elle, livre un triste calcul : “Un quart des associations (soit plus de 900 actrices du secteur social ou médico-social) sont menacées de disparition en France”. Erwann Fabre confirme : “Les Restos du Coeur, les centres sociaux, etc., alertent, comme le font beaucoup de réseaux associatifs, sur une grande inquiétude : 30 % des assos employeuses interrogées ont moins de trois mois de trésorerie et 5 % n’en ont pas du tout : soit 700 structures associatives – tous secteurs confondus – qui peuvent disparaître en Occitanie. Et 13 000 emplois associatifs menacés.” Au niveau national, on parle de 186 000 emplois menacés dans l’ESS, comme l’expliquait Benoît Hamon à Dis-Leur ! Depuis janvier, un peu partout dans l’Hexagone, 500 structures ont été liquidées dans l’indifférence générale, deux fois plus qu’il y a trois ans.
Et tous les financeurs des assos actent une baisse. De sorte qu’il est donc “impossible de se “rattraper aux branches”, celles d’autres financeurs.” Parallèlement, le modèle associatif est toujours promis à une évolution de ses ressources. “Cela fait 20 ans que j’entends que le modèle économique doit devenir davantage hybride et qu’il faut arrêter de vivre au crochet de l’argent public. Mais c’est faux ! Les subventions publiques ne représentent plus que 20 % des budgets, dont le pourcentage chute chaque année.”
“Les acteurs publics considèrent les assos non plus comme un partenaire mais comme un prestataire”

Le délégué régional confie encore : “Nous gérons un dispositif unique en France, Prev’asso lancé avec le soutien de la Région Occitanie il y a quatre ans, lors de la crise covid. Il vise à accompagner les associations qui emploient des salariés et qui sont au bord d’une procédure judiciaire. C’est leur seul interlocuteur en cas de crise. Même si on est sur une pérennisation de l’emploi de 87 %, il y a quand même des pertes.”
Erwann Fabre va plus loin : “On fait de plus en plus porter le modèle économique sur la vente de prestations et de services et surtout sur la contribution des usagers. Cela soulève un problème démocratique. Nous considérons que les assos ne sont que des citoyens regroupés pour couvrir des besoins non couverts par la puissance publique. Donc, c’est un prolongement de l’action collective d’intérêt général. C’est à travers nous donner les moyens aux citoyens de s’occuper des autres citoyens d’un territoire. C’est aussi une autre manière de faire de la démocratie et produire du consensus. Et ce qui se passe depuis 20 ans c’est que les acteurs publics considèrent les assos non plus comme un partenaire mais comme un prestataire. » Or, ajoute-t-il, “et on perd tout le sens de l’action d’une asso et le coût social qu’il y a derrière”. Sans oublier les augmentations de cotisations, des clubs sportifs, par exemple.
“On voit monter la montée des radicalités”
Cela a aussi un effet sur la jeunesse. Il explique : “Les moins de 35 ans, c’est la classe d’âge qui s’engage le plus dans le pays. Mais eux pensent que ce n’est pas du consensus qu’il faut produire mais de la rupture. Du coup, ils intègrent des associations sans salariés pour garder leur liberté de parole ; soit dans des collectifs informels comme Extinctions Rébellion et autres pour défendre des causes sociales et environnementales et parfois cela passe par la violence, malheureusement, parce qu’ils sont exaspérés. Et les corps intermédiaires que nous sommes en tant qu’associations, sont de plus en plus niés par la puissance publique. Aujourd’hui, nous faisons de plus en plus de lien entre cette forme de maltraitance et une détérioration du fait démocratique. Et on voit monter la montée des radicalités.”
L’étape d’après, c’est au-delà des licenciements, de ne pas remplacer les départs, le risque c’est de voir des associations arrêter totalement”

Après les manifs le week-end dernier un peu partout en France, la mobilisation se poursuit autrement. “On sent de plus en plus de désespérance et de colère avec de plus en plus de gens qui sont prêts à tout arrêter, relate Erwann Fabre. Avant, malgré les baisses de financement, les associations essayaient de tenir. De maintenir leurs activités, quoi qu’il arrive. Pour la première fois, pour les associations, ça ne tient plus. Les activités ont baissé leurs activités. L’étape d’après, c’est au-delà des licenciements, de ne pas remplacer les départs, le risque c’est de voir des associations arrêter totalement. Certains commencent à évoquer une grève nationale. A force d’interpeller, on a l’impression de pisser dans un violon. On alerte depuis des années et on nous prend pour des râleurs. Le jour où les assos vont arrêter, où les gens vont-ils se rencontrer ? Au café, très bien ; lors des événements de la collectivité ? OK. Mais, au quotidien ? Tout ce truc qui tient le vivre-ensemble se délite.” Sans parler de la contribution sociale et sociétale infinie des assos.
“Nous demandons qu’il n’y ait pas de baisse des aides”
“Nous demandons à qu’il n’y ait plus de baisse des aides. Ensuite, nous demandons le retrait du contrat d’engagement républicain : c’est un texte de loi datant de quelques années sur le séparatisme. On est tous d’accord là dessus. Mais il y a des articles qui rendent les présidents d’assos des propos que peuvent tenir leurs membres. C’est terrible. On a une asso qui a prêté ses locaux à Extinction Rébellion qui a organisé une formation à la désobéissance civile. Le préfet de région a retiré ses subventions à l’association, la Maison de l’économie solidaire, au motif qu’elle n’a pas respecté l’engagement républicain et le cadre légal...”
Olivier SCHLAMA
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(1) On compte en France 1,4 million d’associations que 21 millions de bénévoles font vivre. Le total des budgets associatifs est de l’ordre de 123 milliards d’euros, soit trois points de PIB pour 1,9 million de salariés (11 % des salariés du privé).
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En Occitanie, on compte 160 000 associations actives et près de 570 000 bénévoles. C’est aussi quelque 15 000 associations employeuses et 175 000 salariés pour environ 137 000 équivalents temps plein.
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