Agde : Lutter contre l’érosion en s’inspirant de… la mangrove !

La société Seaboost teste au Grau d’Agde un procédé basé sur le bio-mimétisme. Des pieux, des modules en béton et bois pour freiner les tempêtes qui emportent le sable et érode anormalement la plage. Une première mondiale.

Des racines et des arbres. La société Seaboost a réinventé un système mimant ce qui existe dans la nature, la mangrove, qui n’apparait que sous les tropiques, l’affublant d’un acronyme : Pégase (Protection contre l’érosion de la plage de Grau d’Agde et sauvegarde des écosystèmes). Ce projet pilote, qui vise à protéger le rivage contre l’érosion des plages, large d’une trentaine de mètres, est composé de quarante modules qui seront équipés d’instruments de mesures pour en suivre l’évolution.

La plage du Grau d’Agde a reculé spectaculairement

Une fois la méthode validée, l’ouvrage final sera érigé en 2023. Il occupera toute la largueur de la plage du Grau d’Agde, soit deux cents mètres. Cette plage a, en effet, spectaculairement reculé d’au moins vingt mètres sur une période de trente ans. À cause une évolution des conditions météo, sans doute due au réchauffement climatique. C’est aussi l’une des conséquences des aménagements que l’homme a faits, en l’occurence des digues, qui ont changé la circulation de l’eau.

Les palétuviers permettent la formation d’un écosystème qui leur est totalement inféodé ; c’est l’une des principales nurseries en milieu tropical. Des crabes. Des algues…”

Julien Dalle, directeur de projet chez Seaboost

Ce système qui mime le comportement de la mangrove est constitué de modules cylindriques de deux mètres de haut chacun, en béton et bois, qui sont posés sur des pieux plantés à 150 mètres-200 mètres de la plage, sous deux mètres d’eau. “C’est une innovation que nous avons brevetée et qui est une première mondiale, certifie Julien Dalle, directeur de projet chez Seaboost. Nous l’avons appelée Tower. C’est un projet qui a une petite histoire. Notre coeur de métier, à Seaboost, c’est l’ingénierie écologique en milieu marin. Nous intervenons habituellement sur des sites qui ont été dégradés, aménagés, contaminés, etc., pour créer les conditions permettant un retour de la vie. Les écosystèmes de mangrove sont “ingénieurs”, comme on dit. Les palétuviers, par leur présence, catalysent, permettent la formation d’un écosystème qui leur est totalement inféodé, souligne-t-il. Par exemple, c’est l’une des principales nurseries en milieu tropical. Des crabes. Des algues. Des coquillages. Tout un environnement se structure autour des palétuviers. Comme autour des herbiers de Posidonies ou des récifs coraliens.”

Les mangroves atténuent 70 % de la houle

Julien Dalle, directeur de projet chez Seaboost, souligne les qualités singulières des mangroves : “Ces palétuviers ont aussi des fonctions écologiques : ils captent du carbone, filtrent les eaux par leur système racinaires et luttent contre l’érosion et les phénomènes climatiques extrêmes. Une mangrove atténue les événements climatiques majeurs, par exemple 70 % de la houle sur une distance de 100 mètres dont l’essentiel dans les dix premiers mètres.” Fort de ce constat, Seaboost cherche à reproduire cet effet-là. Façon biomimétisme.

Lauréat d’un appel à projets Avenir Littoral

Concrètement, pour amortir une partie de l’énergie des vagues et des courants importants, Seabbost a commencé à poser des pieux pour “rétablir l’équilibre sédimentaire : un peu plus de sable se dépose et un peu moins de sable s’en va”. Tout sera installé en 2023. Pourra-t-on se baigner près de l’ouvrage ? “On ne sait pas encore mais elle sera interdite près du projet pilote”, dit-il.

Le procédé a été lauréat de l’appel à projets Avenir Littoral 2020 de la région Occitanie, dans la catégorie visant à lutter contre l’érosion et la submersion marine. Et qui a permis de recevoir une subvention de 200 000 € de la Région pour un coût total de 530 000 € (250 000 € en autofinancement et Total énergie 80 000 €).

Cinq ans d’études ont été nécessaires

Pour mettre au point ce système, Seaboost a fait des études avec des experts de la mangrove. Pour comprendre quels sont, explique encore Julien Dalle, directeur de projet chez Seaboost, “les paramètres et les complexités des racines, leur rugosité, leur porosité. les diamètres racinaires, la tortuosité du milieu, le ratio d’occupation de la colonne d’eau… Les racines, par exemple si on les dispose de manière homogène ou chaotique, on a finalement assez peu de différences. On a ensuite testé ces paramètres en laboratoire et par simulation numérique. Ce qui nous a permis de trier les qualités de cette mangrove et de les prioriser par ordre d’importance dans le système. Ce qui nous a pris cinq ans…”, précise-t-il.

Le suivi de ce système pilote est prévu pendant une année. Sur l’évolution des sédiments, notamment ; on va mesurer la hauteur des vagues avant l’ouvrage et après sa pose ; comment le sédiment s’accumule ou pas autour de l’ouvrage. Car, à l’échelle du pilote, qui est trop petit (une trentaine de mètres de large), “on n’aura pas ou peu d’effets sur la reconstitution de la plage, à court terme”.

Olivier SCHLAMA

  • Le système Tower se veut plus aisé à déployer et moins coûteux qu’un ouvrage traditionnel, comme un digue, un brise-lame ou un boudin géotextile. Il est conçu pour accueillir la vie animale locale, grâce à la complexité du réseau racinaire qu’il reproduit, favorable à l’installation et au développement de la vie, ce qui n’est pas le cas des ouvrages traditionnels opaques et moins complexes.
  • Chaque module est ancré sur un pieu. Ainsi, ils sont indépendants et auto-stables, au contraire des ouvrages traditionnels dont les éléments sont jointifs et reposent les uns sur les autres pour assurer la stabilité de l’ensemble. Ça présente plusieurs avantages : si un élément souffre d’un désordre accidentel, ça n’impacte pas le reste de l’ouvrage. La performance reste ainsi globalement maintenue et l’opération d’entretien est ponctuelle. Il est possible de constituer un ouvrage discontinu, ce qui permet d’optimiser le compromis entre budget et performance technique. La plasticité de l’ouvrage permet également de “jouer” avec les processus de réfraction et diffraction, et d’améliorer ainsi la performance de chaque module pris isolément.

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