Municipales : Pour un maire, l’envie de rempiler est plus forte que les plus fortes des contraintes

1er tour élections législatives après dissolution, 30 juin 2024. Photo : Olivier SCHLAMA

À quatre mois des municipales, deux chercheurs de Sciences Po sortent une enquête éclairante : près de 6 maires sur 10 disent vouloir rempiler. Même si “beaucoup de maires en sortent éprouvés, parfois désabusés”. L’accès aux services de santé s’impose comme le thème de campagne le plus important, suivi de l’urbanisme.

Est-ce ce goût, dit-on inimitable du pouvoir qui les pousse à vouloir garder leur fauteuil…? La réponse est aussi claire que massive : 57,8 % des maires-candidats sondés sont prêts à se représenter les 15 et 22 mars prochains contre 49 % à la même période en 2019, avant les municipales de 2020, il est vrai en pleine crise du covid. L’enquête du Cevipof pour l’Association des maires de France (qui prépare son congrès le 18 novembre) démontre, si besoin, que la crise des vocations n’est pas prête de toucher l’ensemble des premiers magistrats des quelque 36 000 communes de France et de Navarre. À quatre mois des élections municipales, ces maires-candidats se disent plutôt satisfaits de leur mandat. Alors-même que les contraintes administratives et financières deviennent de plus en plus insupportables.

3 774 maires ont répondu complètement

On votera en 2020 pour les municipales… Encore un effort ! Photo D.-R.

Le Cevipof a posé, dans une grande enquête nationale 65 questions, entre le 1er octobre et le 29 octobre 2025 auprès de 33 345 maires dont 3 774 ont répondu complètement (1). Les données, disent les auteurs de l’enquête, les professeurs à Sciences Po Henri Bono et Martial Foucault, qui n’ont pas répondu à nos demandes d’interview, seraient représentatives de l’ensemble des communes de moins de 30 000 habitants.

Y a-t-il de quoi se féliciter de cette vitalité démocratique, même si l’on constate encore 400 démissions de maires – quatre fois plus qu’il y a 20 ans, avec comme principale cause, les dissensions au sein du conseil municipal ? En 2008, comme en 2020, 68 % des maires sortants s’étaient portés candidats (26 % annoncent qu’ils ne seront pas candidats et 16 % restent indécis). Ce pourcentage sera-t-il atteint ou dépassé en 2026 ? On peut l’imaginer. Il y a cinq ans, la crise du  covid a été suivie “par une longue période d’intervention de l’État dans tous les domaines”, avec une guerre à gérer en Ukraine ; une inflation colossale comme des prix de l’énergie. Sans oublier la crise politique et budgétaire actuelle qui auront, sans nul doute, des répercussions locales.

Pourtant, “beaucoup de maires en sortent éprouvés, parfois désabusés”

Les deux professeurs écrivent encore : “En 2019, nous avions parlé d’incertitude et de résignation pour qualifier l’état d’esprit des maires à quelques mois du scrutin de 2020. Six ans plus tard, le volontarisme des maires a souvent pris le pas sur leur résignation sans pour autant faire fi d’interrogations sur leur pouvoir d’agir. Si le mandat municipal qui s’achève a été celui de nombreuses secousses extérieures, beaucoup de maires en sortent éprouvés, parfois désabusés. Et pourtant, près de 60 % d’entre eux envisagent de repartir en 2026, comme si, malgré les blessures, le sens du mandat et l’envie d’agir continuaient de l’emporter sur le découragement.”

Et encore : “En face, les citoyens n’accordent aucun blanc-seing. Ils attendent des résultats visibles : des services qui fonctionnent, des espaces publics entretenus, de la sécurité et de la tranquillité publiques, des réponses concrètes sur l’écologie et le cadre de vie au quotidien. Autrement dit, ils jugent l’action publique à l’échelle du trottoir, de l’école, du bus. Les municipales de 2026 diront si les maires parviennent à transformer cette envie de continuer en démonstration d’efficacité, dans ce “dernier kilomètre” où se joue désormais la crédibilité de la politique.”

Près de 9 maires sur 10 estiment que “la situation financière de leur commune est saine” !

En 2020, pendant les précédentes municipales, à Sète. Ph. Olicier SCHLAMA

Autre enseignement, plus un maire est âgé, plus il renonce facilement à se représenter. L’enquête pointe un âge pivot autour de 65 ans, “qui pèse défavorablement sur la poursuite des responsabilités municipales. Avec un âge moyen de 60 ans pour les maires élus en 2020, il n’est guère surprenant que la tranche des 50-59 ans affiche aujourd’hui le niveau d’engagement le plus élevé”.

Avec des constats généraux étonnants, contrairement à ce que pourraient dire les chambres régionales des comptes pour certaines villes : dans une drôle d’auto-évaluation, près de 9 maires sur 10 estiment que “la situation financière de leur commune est saine {mais quel maire se renierait ?}, soit une amélioration de plus de 10 points de pourcentage comparé à 2022, année de gestion de la crise énergétique”. Mieux : “En moyenne, les maires considèrent que la situation de leur commune s’est améliorée au cours de leur mandat. En effet, ils n’étaient que 82,7 % en septembre 2020 (contre 88,8 % en septembre 2025) à témoigner d’une situation financière « saine » pour leur commune”. Il y aura du grain à moudre pour les opposants !

L’accès aux services de santé s’impose comme le thème de campagne le plus important

Et demain quels seront leurs thèmes de campagne à ces maires prêts à rempiler Les enquêteurs ont proposé sept thèmes. L’accès aux services de santé s’impose comme celui le plus important : 52 % déclarent que cette thématique sera “très importante” et 32 % “importante”. Avec un pic auprès des maires de communes de 5 000 à 10 000 habitants. Suivent les enjeux liés à l’urbanisme (40 % ), et la voirie et les infrastructures (38 %). La question agricole et celle du vieillissement de la population sont dépendante de la taille de la commune. Par exemple, la problématique des personnes âgées (dépendance, établissements d’accueil) est jugée trois fois plus importante dans les très petites communes (38 % pour les
communes de moins de 100 habitants) que les communes moyennes (14 % pour les communes de 9 000 à 30 000 habitants). Le ratio est presque
identique pour la question agricole.

Sinon, à part ça, combien coûte une campagne ? “En moyenne, explique l’enquête, rapporté au nombre d’habitants, le coût d’une campagne avoisine les 2,3 euros par  habitant et une médiane de 1 € par habitant. Lorsque l’on regarde la distribution du coût moyen par taille de population, on constate que le coût par habitant est plus élevé dans les petites communes (3 € par habitant) et tend vers 1 € par habitant pour les plus
grandes.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) “Les résultats présentés ont été redressés afin de les rendre représentatifs de l’ensemble des communes de moins de 30 000 habitants (plus de 99 % des communes). Le faible nombre de communes de plus de 30 000 habitants empêche toute analyse statistique robuste. De plus, les dynamiques des plus grandes communes, plus politisées avec plus d’enjeux, sont différentes du reste des communes. L’enquête comportait cinq volets ayant trait à l’intention des maires de se représenter en 2026, aux conditions d’exercice de la fonction (conciliation du mandat avec une activité professionnelle, évolution du régime indemnitaire…), le volume et la nature des violences à l’endroit des maires, les enjeux de la gouvernance territoriale et les contours de la future campagne municipale.”

À lire également sur Dis-Leur !

Les municipales, c’est sur Dis-Leur !

Municipales 2026 : La parité hommes-femmes étendue aux petites communes

Citoyenneté : Aux origines des élections municipales