Missionnés par le Pacte pour le climat, le Montpelliérain Florian Fiquet et le glaciologue Pierre René sont sans appel : Ossoue (Vignemale), l’un des derniers glaciers des Pyrénées, fond à vue d’oeil. En 2034, il aura, comme les autres, disparu. Appelant au réveil des consciences.
Fallait-il encore une preuve alors que le réchauffement s’éprouve un peu plus chaque jour… ? Le Montpelliérain Florian Fiquet, créateur de contenus et “aventurier engagé”, a été missionné par le Pacte européen pour le climat (1) pour mieux “capter l’attention des gens sur ce sujet. Il y a un manque d’intérêt, voire un rejet des gens sur les conséquences du réchauffement. L’idée, c’est d’essayer de les embarquer en passant par ce genre d’expédition.”
“Les glaciers des Pyrénées sont condamnés. Mais on peut faire en sorte que l’on puisse en sauver ailleurs…”

Pourquoi donc en passer par une expédition à Ossoue, sur l’un des derniers glaciers des Pyrénées géants de la régulation thermique ? Il répond par un plaidoyer aux citoyens : “Le glacier illustre parfaitement le changement climatique qui devient très concret, très visible. Quand on va sur place et que l’on compare avec une photo d’archives, on a quelque chose de très visuel pour toucher les gens en plein coeur. Selon une étude, alors que l’on prévoyait une survie des glaciers des Pyrénées jusqu’en 2040 ou 2050, la dernière limite est 2034. Dans même pas dix ans… Cela a dépassé toutes les prévisions. On est un peu des lanceurs d’alerte. Les glaciers des Pyrénées sont condamnés. Mais on peut faire en sorte que dans les Alpes ou d’autres parties du monde, on puisse en sauver. Là c’est très simple, il faut diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Chaque petit geste peut aider : ne pas forcément prendre la voiture, l’avion… chaque kilo de CO2 émis, c’est 15 kg de glace qui fond sur Terre. Les glaciers nous donnent un cap, en quelque sorte, de ce qu’il faut faire. Une direction à suivre.”
Ossoue : coups de boutoir mortels des canicules
Sur le terrain, la dure réalité s’impose. La canicule rapide en juin suivie de très fortes chaleurs estivales sont des coups de boutoirs mortels. Qui n’ont pas laissé de doutes quant aux conclusions des mesures qui seront menées les 11 et 12 octobre du glacier d’Ossoue (Vignemale), le plus grand des derniers des Pyrénées s’étalant sur 22 hectares, dans les Hautes-Pyrénées. Elles ont révélé une fonte estivale record depuis 2002, à égalité avec 2023, confirmant la disparition à court terme des glaciers pyrénéens. En compagnie du glaciologue Pierre René, fondateur de l’association Moraine, ils tirent le signal d’alarme.


Ces mesures sont les dernières que l’on ait pu faire, avant d’entrer dans l’hiver, en 2025, baptisée dans l’indifférence générale année internationale de la préservation des glaciers. Leur expédition conjointe dans les Pyrénées a permis de recueillir de nouvelles données sur le glacier d’Ossoue. Ce même glacier, symbole de désespérance, a perdu “l’équivalent de 3,25 mètres d’eau sur l’ensemble de sa surface par rapport à octobre 2024. Cette valeur est près du double de la moyenne annuelle (-1,87 mètre d’eau), et la quatrième plus déficitaire depuis 2002”.
“Ce glacier a déjà perdu 220 mètres de longueur, 50 mètres d’épaisseur et près de 60 % de sa surface depuis le début des relevés réguliers il y a 24 ans. Cette nouvelle mesure confirme la tendance. Nous pouvons aujourd’hui estimer qu’il aura totalement disparu non pas d’ici 2050, mais dès 2034 selon une étude des glaciologues espagnols”, alerte Pierre René, glaciologue et fondateur de l’association Moraine.
Expédition pour éveiller les consciences
Ces mesures avaient été précédées par deux temps forts dont un hommage in situ au glacier d’Ossoue, fin août, pour justement marquer cette année spéciale, certes, un peu dans l’indifférence générale. Dans ce cadre-là, il y a aussi eu un ramassage, mi-septembre, de déchets, dits historiques, sur le glacier du Boum en Haute-Garonne – disparu en 2023 – qui sont apparus au fur et à mesure de sa fonte… “Il n’y a plus qu’un grand champ de cailloux ; on voit toute l’empreinte de l’ancien glacier ; on s’y est retrouvés avec des pratiquants de ski d’été de Luchon qui en faisaient jadis dans les années 1980-1990 sur ce glacier… De voir un paysage qui disparaît, c’est très marquant”, maugrée Florian Fiquet.

Ainsi, pendant 17 jours, Florian Fiquet a parcouru les Pyrénées à pieds, alternant trek en solitaire et rencontres avec des acteurs de terrain. “Cette fonte est une réalité visible et mesurable. Elle illustre le dérèglement global de notre climat. Les Pyrénées, à court terme, seront dépourvues de glaciers. C’est un signal d’alarme pour nous tous”, constate Florian Fiquet. “On se rend compte du poids de l’homme sur le climat…”
Au-delà de la disparition des paysages glaciaires, ce sont des écosystèmes, des ressources en eau, des activités humaines et des équilibres géologiques qui sont affectés. “Les glaciers stabilisent localement le climat en renvoyant le rayonnement solaire. Leur disparition, c’est la perte d’un climatiseur naturel et la déstabilisation des affleurements rocheux mis à jour”, explique encore Pierre René. La disparition des glaciers pyrénéens est désormais inévitable à moyen terme, mais il reste des enjeux fondamentaux : préserver les derniers glaciers agir pour protéger les écosystèmes primaires qui émergent suite à leur disparition.
“Les glaciers sont les lanceurs d’alerte du climat”

Dans les Pyrénées, 90 % des zones glaciaires sont déjà déglacées et en cours de recolonisation par de nouveaux écosystèmes. À ce titre, l’État français s’est engagé à tendre vers 100% de protection des zones glaciaires françaises ou leurs résidus d’ici 2030. “En Haute-Garonne, une concertation est en cours pour créer un espace protégé des glaciers. Même sans glace, ces territoires restent essentiels ; ils abritent des écosystèmes en formation et mérite une protection forte”, concluent conjointement l’ambassadeur du pacte européen pour le climat et le glaciologue. “Les glaciers sont les lanceurs d’alerte du climat. Leur fonte accélérée est le témoin que nous avons déjà franchi la limite planétaire climatique. Il est encore temps de réduire notre impact. Protéger ces territoires, c’est préserver la nature de demain”, reformule le premier.
Pyrénées : un glacier disparaît chaque année
Les Pyrénées étaient dominées de 100 glaciers, en 1850. En 2023, à peine 15 s’élevaient vers le ciel. “Combien restent-il de glaciers dans les Pyrénées ? Il en disparaît un par an depuis 2000”, affirme le glaciologue au CNRS, à Toulouse, Étienne Berthier, qui a participé à une étude publiée dansNature en février dernier, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Il en reste une quinzaine, dont quatre “gros” (pour ce massif), dont un côté français, celui d’Ossoue, au pied du Vignemale, et trois côté espagnol : l’Aneto ; la Maladeta et le Mont-Perdu, près de la frontière franco-espagnole. Ils perdent de la glace à peu près comme les glaciers alpins. Et leur durée de vie est estimée, aujourd’hui, entre dix à quinze ans. À raison d’une perte de glace entre 1,5 mètre à 2 mètres d’épaisseur par an depuis 2000. La fin de vie d’un glacier agonisant peut durer ; cela peut être un petit corps de glace recouvert de rochers qui le protègent, en quelque sorte. Mais un glacier de taille suffisante (au moins 0,1 km2 même si cette limite varie) ; qui a des mouvements ; des crevasses, il n’y en aura plus d’ici dix à quinze ans.”
Les glaciers sont le deuxième facteur d’élévation du niveau de l’océan mondial, après le réchauffement des océans”

La fonte est vertigineuse : à titre de comparaison, en 1850, on comptait une centaine de glaciers sur 20 à 23 km2 ; 24 glaciers en 2011 sur 2,9 km2 ; en 2016, 19 glaciers sur 2,4 km2 ; en 2020, 16 glaciers sur 2,3 km2. Et, en 2023, 15 glaciers se partageant à peine 1,4 km2… Le réchauffement explique clairement le recul des glaciers et leur disparition. Les Pyrénées ont ainsi perdu 39 % de leur volume en 25 ans.
Glaciologue au CNRS, à Toulouse, Étienne Berthier est définitif : sous l’effet du réchauffement climatique, “les glaciers (hors calottes polaires) ont perdu en moyenne 273 milliards de tonnes de glace par an entre 2000 et 2023, dit-il, dans un post sur Linkedin. C’est l’équivalent de 50 centimètres de glace recouvrant chaque année la France métropolitaine et fondant vers l’océan. Les pertes s’accélèrent passant de 169 milliards de tonnes de glace par an entre 2000 à 2005 à 410 milliards entre 2018 à 2023. Un accroissement d’un facteur 2,5. Les glaciers sont le deuxième facteur d’élévation du niveau de l’océan mondial, après le réchauffement des océans.”
Olivier SCHLAMA
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À propos du Pacte européen pour le climat. “Le pacte européen pour le climat donne l’occasion aux citoyens, aux communautés et aux organisations de participer à l’action pour le climat dans toute l’Europe. En s’informant sur le changement climatique, en élaborant et en mettant en œuvre des solutions et en se mettant en relation avec des ambassadeurs tels que Florian Fiquet pour multiplier les effets de ces solutions. Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, le pacte pour le climat vise à devenir un espace dynamique pour partager des informations, débattre et agir face à la crise climatique.” www.climate-pact.europa.eu/about/about-pact_fr