Réfugiés/SOS Méditerranée : “Cette plate-forme solidaire des collectivités, un levier politique…”

Photo : Fabian Mondi, SOS Méditerranée.

Anne Hidalgo, Carole Delga, entre autres, ont témoigné de leur soutien, y compris financier, à l’ONG dont le navire Ocean Viking, a pu reprendre la mer. SOS a lancé une plate-forme solidaire des collectivités qui est, selon sa DG, Sophie Beau, “un levier politique, montrant que des élus français sont prêts à prendre leurs responsabilités”.

Deux jours après l’opération du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire au col du Portillon, dans les Pyrénées, qui entendait lancer une opération anti-migrants, suscitant un tollé général, c’est la force du symbole qui s’est imposé ce jeudi davantage que le symbole de la force pour sauver des réfugiés fuyant leur pays en guerre, quitte à mourir en Mer. SOS Méditerranée a lancé une plate-forme des collectivités solidaires, unique en son genre. Alors même que le navire de l’association vient de sauver 120 personnes d’un canot pneumatique au large des côtes libyennes, dont quatre enfants, le plus jeune n’ayant qu’un mois.

31 799 personnes secourues depuis 2016

“Il ne s’agit pas de remplacer l’Etat. Il faut que les Etats les plus proches de ces drames nous ouvrent leurs ports. Cette plate-forme, c’est un levier politique, montrant que des élus français sont prêts à prendre leurs responsabilités. La défaillance de l’Etat français et de l’Europe ne sont pas acceptables…” Directrice générale de SOS Méditerranée, Sophie Beau a précisé les contours d’une initiative inédite à mettre à l’initiative du département de Loire-Atlantique, de la Région Occitanie et de la Mairie de Paris, notamment, qui ont officiellement lancé ce 21 janvier 2021 La plate-forme des collectivités solidaires avec SOS Méditerranée. Son but : fédérer un maximum de communes, de départements et de régions autour de la mission de sauvetage de l’ONG qui a déjà secouru 31 799 personnes depuis 2016.

Vingt-sept collectivités dans la plate-forme solidaire

Actuellement, “vingt-sept collectivités, dont deux conseils régionaux et 17 communes (1) aident financièrement SOS Méditerranée pour un montant total de 800 000 € en 2020”, a détaillé François Thomas, le président. Dont 255 000 € depuis le début pour la Ville de Paris après 100 000 € pour 2020 (sans oublier par ailleurs 30 M€ pour l’aide aux réfugiés et 80 M€ en faveur des mineurs isolés) ; de la Région Occitanie : 75 000 € (après 60 000 € en 2020, plus 1 M€ par an pour, par ailleurs, l’accueil des migrants). La Loire-Atlantique a apporté 500 000 € en 2019 et 250 000 € en 2020 et s’engage à verser 200 000 € par an à l’association dont le président a espéré qu’un jour SOS “ait les moyens d’affréter un jour un second navire même si, malgré tous nos efforts, ils ne seront jamais à la hauteur des besoins…” SOS Méditerranée revendique un budget de 8 M€ par an pour mener à bien ses opérations, “dont 90 % sont apportés par des particuliers”.

Le président de SOS a entamé : “Notre navire, l’Océan Viking a pu repartir (il était bloqué en Sicile, Ndlr) après cinq mois de blocage ; il est prêt à répondre aus appels de détresse. Depuis 2014, plus de 20 000 hommes, femmes et enfants sont morts noyés en Méditerranée en tentant la traversée sur des embarcations de fortune. Et encore c’est un chiffre officiel qui n’est pas exact ; il y a bien sûr de nombreux autres disparus qui n’ont pas pu être comptabilisés. Le sauvetage des vies humaines est un devoir moral et républicain.”

La mobilisation des collectivités est une nécessité pour porter cet appel plus haut et plus fort et lutter contre les infox sur les ONG de sauvetage”

François Thomas, président de SOS Méditerranée

“C’est un devoir inconditionnel. Nos opérations sont de plus en plus difficiles. Nous nous battons pour sauver des vies et garder cet espace ouvert en Méditerranée.” Or, poursuit-il, “depuis 2015, nous remarquons un désengagement crescendo des Etats et de l’Europe, comme s’ils niaient ce problème en détournant le regard. Or, la loi comme la morale nous enjoignent de continuer à intervenir. La mobilisation des collectivités est une nécessité pour porter cet appel plus haut et plus fort et lutter contre les infox sur les ONG de sauvetage”, a encore expliqué François Thomas, le président de SOS Méditerranée. Il a ajouté : “Cette initiative a une ambition de développement européen car nous sommes tous concernés par ce drame humanitaire, sans pour l’instant une réponse européenne conjointe.”

Le président du département de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet, a exhorté au “devoir de fraternité. Nous avons un devoir à agir quand l’Etat est défaillant, quand l’Europe est défaillante. À nous, collectivités, d’ouvrir les yeux des Etats.”

On n’ouvre jamais les bras assez grands. Ces gens n’ont pas d’autre choix que traverser la Méditerranée”

Carole Delga, présidente de la région Occitanie

Pour sa part, la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, a dit : “Nous avons voulu être dans ce sillage d’une force collective. On n’ouvre jamais les bras assez grands. Ces gens n’ont pas d’autre choix que traverser la Méditerranée. Le réchauffement climatique, ma misère, les guerres… Il faut les accueillir avec générosité”, contrairement à ceux qui veulent “stigmatiser les migrants comme vient de le faire Génération identitaire au col du Portillon… Nous avons un devoir d’humanisme, un devoir d’inconditionnalité du sauvetage en mer. Cette plate-forme va connaître une très forte mobilisation. Nombreux sont ceux qui vont aider SOS à faire évoluer la position de l’Etat et de l’Europe. A coeur vaillant, rien d ‘impossible !” La présidente de l’Occitanie a ajouté que, en substance, “si besoin est, le navire de SOS Méditerranée pourrait un jour trouver refuge à Sète ou dans l’un des ports de la Région, si l’Etat le permet…” Comme l’avait proposé, lors d’une précédente crise, Jean-Claude Gayssot, président du port de Sète.

Cette action fait penser à nos propres photos de famille ; tous ces flux de population, de femmes, d’enfants qui ont jadis essayé de trouver refuge pour une vie meilleure…”

Anne Hidalgo, maire de Paris

La possible candidate à la présidentielle et actuelle maire de la capitale, Anne Hidalgo a alors pris la parole : “Paris, c’est historique, est une ville-refuge qui s’est construite avec beaucoup d’immigration, de gens qui cherchent leur liberté, du travail. Nous sommes des citoyens du monde”, a-t-elle dit en rappelant son combat avec l’Etat français dès 2015 qui a finit par fermer le centre de réfugiés un moment ouvert Porte de la Chapelle. “On nous a dit, à l’époque que l’opinion publique n’est pas prête à l’entendre. Eh bien ça se travaille. Les gens sont généreux. Nous avions même travaillé à une proposition de loi pragmatique. En vain. Les réfugiés sont là. Il faut arriver à les accueillir dignement On a essayer de me caricaturer sur ce sujet (…)”

La maire de Paris a ajouté une touche émotionnelle faisant référence à la retirada espagnole “à nos propres photos de famille ; tous ces flux de population, de femmes, d’enfants qui ont jadis essayé de trouver refuge pour une vie meilleure. J’y suis très sensible, aussi, à titre personnel. Je suis née non loin de Gibraltar. Je me sens concernée par ces bateaux échoués et ces morts en Méditerranée. Il faut porter ensemble cette responsabilité.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Parmi les premiers à participer à cette plate-forme solidaire, on trouve les conseil régionaux d’Occitanie et de Bretagne, les villes de Paris, Montpellier, Lille, Saint-Nazaire, Grenoble, Nantes, Pantin ou encore les départements de l’Hérault, des P.-O., de Loire-Atlantique, de la Nièvre, de Haute-Garonne, Ille-et-Villaine, entre autres.
  • SOS Méditerranée est une association civile européenne de sauvetage en mer constituée de citoyens mobilisés pour porter secours à celles et ceux qui fuient l’enfer des réseaux de traite humaine en Libye. Depuis le début de ses opérations en février 2016, SOS Méditerranée a secouru plus de 31 000 personnes avec l’Aquarius puis l’Ocean Viking. Le quart d’entre-elles étaient mineures. L’association est basée en France, en Allemagne, en Italie et en Suisse. Elle a reçu le Prix Unesco Houphouët-Boigny 2017 pour la Recherche de la Paix.
  • Par ailleurs, de nombreux élus ont publié ce jour une tribune de soutien à SOS Méditerranée

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