Sciences : Deux chercheuses d’Occitanie au palmarès du prix “jeunes talents” L’Oréal-Unesco

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Afin de valoriser de jeunes chercheuses prometteuses et de favoriser leur carrière, la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’Unesco a dévoilé,  pour la 18e année consécutive, le nom des 35 doctorantes et post-doctorantes (dont deux en Région Occitanie) récompensées du Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science.

En effet, malgré de nets progrès en faveur de l’inclusion des femmes dans les filières scientifiques, les obstacles auxquels elles font face restent une réalité aujourd’hui. Les femmes ne représentent encore que 43% des étudiants dans les formations scientifiques universitaires. Pire, en 2024 elles ne représentent par exemple que 22% des doctorants en Mathématiques, un niveau encore plus bas que dix ans plus tôt.

Combattre des “stéréotypes solidement ancrés”

“Les femmes sont encore aujourd’hui largement sous-représentées dans les doctorats scientifiques. Cette réalité cache de nombreuses disparités et le fossé est encore plus criant dans certaines filières, comme les mathématiques ou la physique, notamment en raison de stéréotypes solidement ancrés et de l’impact négatif de la réforme du lycée de 2019. Nous devons lever ces freins et donner envie aux filles de se lancer dans ces matières dès le plus jeune âge. L’Académie des sciences est fière d’être partenaire du prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science qui contribue à relever ce défi” souligne Alain Fischer, président de l’Académie des sciences et président du jury du Prix Jeunes Talents France 2024.

Issues de toutes les régions de France métropolitaine et d’outre-mer et travaillant dans des disciplines variées, les 35 jeunes scientifiques récompensées lors de cette 18e édition ont été sélectionnées parmi près de 800 candidates par un jury de plus de 40 membres de l’Académie des sciences, représentant l’excellence en matière d’évaluation scientifique par des pairs. Biologie, physique, chimie, mathématiques, informatique, ingénierie, sciences de la Terre et de l’Univers : dans un ou plusieurs de ces domaines, les lauréates ont su démontrer une expertise remarquable, au sein des différents organismes de recherche publique.

Une meilleure représentativité

des femmes dans la science

inciterait davantage de jeunes filles

à s’engager dans ce domaine,

en leur montrant

qu’elles y ont une place légitime”

Elles incarnent l’excellence scientifique française et s’engagent, à travers leurs recherches, pour éclairer à la lumière de nouvelles connaissances un avenir plus juste et durable. Ainsi, la mathématicienne Solenne Gaucher s’attaque aux biais des algorithmes, une problématique centrale à l’heure de l’intelligence artificielle. L’océanographe Noémie Coulon se penche, quant à elle, sur un autre sujet d’actualité : l’impact du changement climatique sur les espèces marines.

Venue du Maroc, Jehanne Aghzadi s’est consacrée à l’amélioration du suivi des maladies neurodégénératives aux États-Unis avant de poursuivre ses travaux en France. Dernier exemple parmi les profils de cette année : l’immunologiste Marie Materna a identifié les dix premiers humains présentant un déficit complet en une molécule clé de l’immunité, illustrant ainsi l’importance de la recherche fondamentale pour la mise au point de nouveaux traitements.

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Des parcours semés d’embûches

Pourtant, malgré ces parcours remarquables et des progrès significatifs ces dernières années, les femmes restent sous-représentées dans les carrières scientifiques. Elles ne représentent que 29% des chercheurs en France, contre 31,7% au niveau mondial.

“Le parcours de chaque femme qui cherche à mener une carrière de haut niveau est semé d’embûches. Pour les femmes scientifiques, il existe encore davantage d’obstacles. Dans certains domaines qui semble toujours réservés aux hommes, elles sont confrontées à des préjugés tenaces et elles manquent de soutien tout au long de leur carrière. Le moment de la thèse ou du post-doctorat est crucial pour les encourager à persévérer dans cette carrière de chercheuse” explique Alexandra Palt, vice-présidente de la Fondation L’Oréal qui poursuit : “Avec ce prix, nous cherchons à la fois à récompenser l’excellence scientifique de ces femmes et à leur donner les moyens de façonner le monde de demain. Il s’agit de leur offrir une plateforme pour devenir des citoyennes visibles, dotées d’un leadership incontestable, et ainsi inspirer les générations futures.”

La remise du Prix aura lieu ce 9 octobre, à Paris, dans les murs où siège l’Académie des sciences. Créé en 2007, le Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science récompense chaque année de brillantes doctorantes et post-doctorantes, à un moment charnière de leur carrière scientifique. Grâce à ce prix, les 35 Jeunes Talents rejoignent la plus grande communauté de femmes scientifiques dans le monde avec de plus de 4 400 chercheuses originaires de plus de 140 pays. Un réseau précieux pour favoriser la collaboration scientifique, s’inspirer et se soutenir face aux obstacles.

En leur accordant une dotation significative (15 000 € pour les doctorantes, 20 000 € pour les post-doctorantes) et en les accompagnant à travers un programme de formation au leadership, la Fondation L’Oréal et ses partenaires affirment leur engagement envers l’avenir des sciences et la place des femmes au sein de ces disciplines.

Deux de ces têtes pensantes représentent brillamment la Région Occitanie. La première habite et travaille à Toulouse (Haute-Garonne). Ses recherches portent sur la biologie cellulaire. La deuxième est originaire de Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées). Elle y retourne régulièrement voir sa famille. Elle étudie la chimie physique. Entretiens :

Julie Puyo-Fourtine est doctorante au Laboratoire de Biochimie Théorique (LBT), CNRS, Institut de Biologie Physico-Chimique (IBPC), Université Paris-Cité;

Enthousiaste et optimiste, Julie Puyo-Fourtine se découvre une passion pour la recherche dès sa première année d’études en chimie. Depuis, et en particulier grâce un stage effectué à la Louisiana State University, elle se spécialise dans la chimie théorique et plus particulièrement la dynamique moléculaire. Aujourd’hui, Julie Puyo-Fourtine mène une thèse portant sur la compréhension des interactions entre les ions (comme le calcium et le magnésium) et les acides nucléiques (ADN / ARN). En parallèle, elle s’investit avec enthousiasme pour atteindre un objectif : rendre la science plus accessible à tous, et en particulier aux jeunes filles.

Quels sont les enjeux de vos recherches et leurs applications ?

Photo © Fondation L’Oréal – Richard PAK

Mes travaux de recherche aideront à mieux comprendre le fonctionnement de systèmes biologiques complexes, tels que l’ADN et l’ARN, en interaction avec les ions. Cela inclut l’amélioration des modèles décrivant ces interactions et l’étude des mécanismes chimiques modulés par les ions. Ces derniers jouent des rôles biologiques importants, par exemple, dans la régulation de l’expression des gènes, mais restent difficiles à modéliser. À long terme, mes résultats pourraient déboucher sur des applications en biotechnologie.

Pourquoi avez vous choisi une carrière scientifique ?

Fille de fleuriste et de menuisier, je n’étais pas prédestinée à me tourner vers le milieu scientifique. Mon intérêt pour les sciences est né de ma volonté d’explorer l’inconnu et de contribuer à l’avancée des connaissances. Lors de ma licence, j’ai eu très rapidement l’occasion de côtoyer l’univers des laboratoires qui m’a attirée. J’ai aussi rencontré des enseignants qui m’ont transmis leur passion pour la chimie théorique et qui m’ont conseillé et encouragée à différents stades de mon parcours.

Que peuvent apporter les femmes en science ?

Une meilleure représentativité des femmes dans la science inciterait davantage de jeunes filles à s’engager dans ce domaine, en leur montrant qu’elles y ont une place légitime. Cela favoriserait également une présence accrue de femmes dans des équipes majoritairement masculines, améliorant ainsi la dynamique et l’équilibre des équipes de recherche. Un équilibre au sein des équipes est essentiel pour favoriser l’inclusivité et la diversité des perspectives, nécessaires à un environnement de recherche enrichissant.

Oportune Kpotor est doctorante à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) ; Inserm, Université Toulouse III – Paul Sabatier.

Originaire du Togo, où elle a effectué ses premières études universitaires, Oportune Kpotor est habituée à relever les défis. Malgré les obstacles qui se sont dressés sur son chemin elle n’a pas renoncé à poursuivre ses études. Son ambition : faire de sa passion pour l’innovation pharmacologique son métier. Elle mène actuellement un doctorat à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, à l’Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires, sur une maladie rare et très peu étudiée, la myopathie centronucléaire, qui entraîne une faiblesse musculaire évolutive.

Quels sont les enjeux de vos recherches et leurs applications ?

Photo © Fondation L’Oréal – Clémence LOSFELD

J’étudie la myopathie centronucléaire liée au chromosome X, une forme très grave de myopathie. Mon objectif est de comprendre les mécanismes biologiques affectés par la maladie, notamment le développement anormal des cellules musculaires squelettiques. Ces cellules, responsables des mouvements volontaires comme marcher ou bouger les bras, sont fortement altérées par cette pathologie. Cela engendre de graves symptômes : faiblesse et dégradation des muscles, douleurs, difficultés de coordination, conduisant à des complications mortelles. Dans le futur, mes recherches pourraient permettre de développer de nouvelles thérapies pour les patients.

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ?

Dès mon plus jeune âge, j’ai été curieuse de comprendre comment les choses fonctionnent, que ce soit en observant la nature ou en réalisant des expériences scientifiques à l’école. Au fil du temps, cette curiosité s’est transformée en une passion pour la recherche et l’innovation. La perspective que mes travaux de recherche pourraient contribuer à améliorer la santé et le bien-être des personnes me procure une grande satisfaction personnelle et la confiance nécessaire pour poursuivre des études scientifiques.

Dans votre parcours, avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?

Convaincu de l’importance de l’éducation des jeunes filles, sujet alors controversé en Afrique, mon père m’a constamment encouragée à poursuivre mes aspirations. Il prônait l’excellence, me répétant : “Fais-le bien ou ne le fais pas !” Son soutien indéfectible a nourri ma confiance, me permettant de poursuivre des études scientifiques. Cependant, en France, j’ai été confrontée à des préjugés sexistes et racistes, minimisant mes compétences. Intégrer le monde scientifique, c’est m’engager aux côtés de femmes qui combattent ces stéréotypes pour un monde plus juste.