Pour Frédéric Potier, délégué général de Régions de France, présidé par Carole Delga, le sondage Ifop de Régions et Peuples Solidaires marque “une adhésion très large de nos concitoyens à un renforcement des pouvoirs locaux”. Si l’Etat centralisateur se recentrait sur ses pouvoirs régaliens et qu’il transfère les autres aux régions, cela permettrait de mieux dépenser l’argent public. Sans risque pour l’unité du pays : “Nous pouvons être viscéralement attachés à la République et à ses valeurs et à nos régions, à leur culture et leur identité. Il ne faut pas les opposer. Que l’on soit Occitan, Breton ou Savoyard.”
Certes, ce sondage commandé à l’Ifop par l’association Régions et Peuples Solidaires et rendu public hier arrive à un moment de ras-le-bol général ; à un moment où la Corse veut son autonomie et où une loi doit être présentée en octobre -ou pas… Où les irrédentismes se refont, partout, une santé… Mais ce sondage, “qui n’est plus l’apanage des régionalistes”, est avant tout riche d’enseignements pour l’ensemble des régions de France.
“Adhésion très large de nos concitoyens à un renforcement des pouvoirs locaux”
Pour Régions de France, présidée par Carole Delga, “sa principale conclusion est d’attester une adhésion très large de nos concitoyens à un renforcement des pouvoirs locaux et à une nouvelle étape vers plus de décentralisation”. Et : “Cette fibre régionaliste tient, selon l’IFOP, à un net rejet de l’organisation centralisatrice des pouvoirs publics en France.” Ou : “Les résultats montrent également que la demande de décentralisation n’est plus l’apanage des seuls militants régionalistes, mais devient une revendication transpartisane et intergénérationnelle.” Et le temps est venu pour une nouvelle étape : “Cette enquête vient conforter les analyses et propositions des présidents de Régions qui plaident de longue date pour donner une nouvelle impulsion ambitieuse à la décentralisation”. Et enfin : “Cet appel à un changement radical de méthode, fondé sur la confiance envers les territoires collectivités pour mener des politiques de proximité en faveur des citoyens, reste d’une parfaite actualité.”
71 % des citoyens sont favorables à ce que la France renforce considérablement le pouvoir des régions

Que dit-il, ce sondage ? Que l’on décèle une aspiration croissante des Français à une décentralisation renforcée qui “passe par une dévolution du pouvoir plus importante vers les régions”. Les chiffres qui l’étayent ? 68 % des Français estiment dans ce sondage que les collectivités locales n’ont pas assez de pouvoir par rapport à l’État, soit une progression de 18 points depuis 2012 (50 %). Deuzio, 71 % des citoyens sont favorables à ce que la France renforce considérablement le pouvoir des régions, notamment chez les habitants de territoires à forte identité comme l’Alsace (86 %), la Catalogne (79 %), la Bretagne historique (78 %) et la Corse (76 %). Enfin, 73 % des Français soutiennent la possibilité des Régions à adapter les lois nationales pour tenir compte des réalités locales, une mesure plébiscitée en Corse (à 84 %) à l’heure où l’octroi d’un pouvoir normatif à la Collectivité de Corse est au cœur des discussions autour du projet d’autonomie de l’Île.
“Fibre régionaliste qui tient à un net rejet de l’organisation centralisatrice des pouvoirs publics en France”
Ce n’est pas tout. Ce sondage met en évidence une “remise en cause, explique encore l’Ifop, du redécoupage régional afin de mieux tenir compte des réalités hitosriques et culturelles.” Ils sont ainsi 68 % à approuver l’idée d’un redécoupage de “certaines grandes régions pour tenir compte des réalités culturelles et historiques”, notamment dans les départements alsaciens (84 %), bretons (72 %), savoyards (69 %). Trop de normes… “La Guyane, ce n’est pas le Béarn ; le Béarn, ce n’est pas l’Alsace et l’Alsace ce n’est pas la Bretagne”, pose Frédéric Potier, délégué général de Régions de France (et Béarnais) et ancien conseiller Outremer de Manuel Valls, à Matignon.
Plus loin, 80% des Alsaciens (contre 55% des Français) appuient la création d’une nouvelle région Alsace hors du Grand Est, contre 68 % en 2019, marquant une progression significative en à peine une demi-douzaine d’années (+ 12 points).
L’Ifop montre qu’il existe une vraie “fibre régionaliste qui tient à un net rejet de l’organisation centralisatrice des pouvoirs publics en France”. À ce titre, 90% des Français considèrent que l’État central est trop déconnecté des réalités locales,
un sentiment quasi-unanime qui transcende tous les clivages sociologiques et politiques. Que 82% des citoyens estiment que l’activité des médias se concentre trop sur Paris et pas assez sur le reste du territoire, dénonçant un centralisme médiatique perçu comme déséquilibré. Et que seulement 35 % des Français considèrent que les besoins de leur région sont bien pris en compte par le gouvernement national, un taux qui chute à 24 % en Catalogne et 29 % en Bretagne et dans l’espace occitan. Cela va de pair avec cet “attachement particulier à son territoire : 27 % des Français se sentent avant tout attachés à leur région, contre 23 % en 2011 et 2001.” Et 41 % des sondés se disent autant attachés à leur région qu’à la France.
Un moyen de faire des économies, de mieux dépenser, c’est de transférer des compétences aux collectivités”

Frédéric Potier, délégué général de Régions de France, explique les résultats de ce sondage par le fait que “nous vivons dans un pays largement bloqué ; il y a encore beaucoup de réflexes centralisateurs, jacobins et malgré des décennies de décentralisation, il y a encore beaucoup de leviers de pouvoirs concentrés à Paris. Dans les ministères”. Des jacobins qui s’inquiètent de ce sondage imaginant que davantage de régionalisme, c’est moins de France unie.
Frédéric Potier réagit : “Je ne crois pas qu’il faille brandir ce risque de disparition de la France par rapport à ces demandes de décentralisation de pouvoir”, dit-il. “Au contraire, des territoires forts avec des capacités d’adaptation et des budgets plus importants, cela permet à l’Etat central de se recentrer sur des compétences sur lesquelles il est très attendu. Sécurité, défense, l’international, la justice… Et en termes de coûts de fonctionnement, on rejoint l’actualité. Un moyen de faire des économies, de mieux dépenser, c’est de transférer un certain nombre de ses compétences aux collectivités. Je ne crois pas au risque du délitement de la France”.
Attachés à la fois à la République et aux régions
Quant à la “remise en cause du redécoupage régional pour tenir compte des réalités historiques et culturelles”, défendu à 70 % par les personnes sondées, est-ce un début d’irrédentisme…? “C’est une demande assez classique, comme en Alsace, par exemple. Mais nous n’adhérons pas à cela, à Régions de France. Là, il y aurait un risque de fragmentation du pays. Et en plus on perdrait l’intérêt des grandes régions qui sont quand même une force de frappe financière et une capacité à gérer des projets compliqués comm les fonds européens, d’avoir une réflexion en matière de transport et structurer une vraie politique à l’échelle d’une région.”
Frédéric Potier conclut : “Nous pouvons être viscéralement attachés à la République et à ses valeurs et à nos régions, à leur culture et leur identité. Il ne faut pas les opposer. Que l’on soit Occitan, Breton ou Savoyard.” Ça s’appelle le fédéralisme.
Olivier SCHLAMA
👉 UN DON POUR SOUTENIR NOS JOURNALISTES !
L’information a un coût. En effectuant un don, vous réduisez, en plus, votre impôt en soutenant les journalistes indépendants de Dis-Leur ! à partir de 1 € et défiscalisé à 66 % !
Après notre premier prix un concours national organisé par le ministère de la Culture en 2018 devant 500 autres medias, après l’installation de bandeaux publicitaires en 2019, après avoir été agréés entreprise de presse, nous lançons en collaboration avec le syndicat de la presse numérique (Spiil) un appel aux dons. Merci pour votre générosité et merci de partager largement !
À lire également sur Dis-Leur ! nos chroniques occitanes
Total Festum : “On sent un renouveau des cultures occitane et catalane”