Montpellier : Au bout d’une terrible odyssée, ils ont su créer une Famille au Grand Coeur

Devant le local de l'association, rue Boussairolles à Montpellier... Photo Ph.-M.

“Ces dernières années, les demandes d’asile en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre n’ont cessé d’augmenter” souligne l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) citée dans une étude de mai 2020… Or en France, l’asile n’est pas toujours facile à obtenir pour les migrants LGBT. Un groupe de réfugiés se sont organisés pour proposer un lieu d’accueil, de soutien et d’entraide… Un avenir, tout simplement !

“Au Mali il n’y a pas de loi contre l’homosexualité. Mais rien ne nous protège. Si le quartier l’apprend le rejet social est total est on est en danger de mort et la police n’intervient pas pour vous aider. La seule solution c’est de quitter le pays pour essayer de trouver là où on sera enfin acceptés”, explique Namory…

“Partir c’est une question de survie…”

Pour Thomas, originaire du Liberia et président de Famille au Grand Coeur“on ne peut pas rester. Ce n’est pas la pauvreté, c’est qu’on ne peut pas vivre librement ce que nous sommes. En Afrique toute personne LGBT est en danger. On est attaqués, agressés, tués… Partir c’est une question de survie…” (*)

“J’ai été agressé trois fois dans mon pays, témoigne Hamid qui vient de Sierra Léone. Là bas c’est un crime d’être homo (**). Si on est pris, c’est dix ans de prison et si on y échappe mais que ça se sait, on est en danger de mort. C’est terrible, impossible de rester…” Au Nigeria, Peter est parti lui aussi pour échapper à la mort : “Pour les homos, il y a des tas d’obstacles dans la vie quotidienne. Et le rejet de la famille. On peut aussi être emprisonné avec de fortes probabilités d’être tué en prison…”

De droite à gaucje : Hamid, Peter, Gevorg, Namory, Amidu, Mikael, Fombah, et
Thomas, le président de l’association. Photo Ph.-M.

Ils sont huit autour de la table et le récit de chacun ressemble à celui de son voisin. Malgré quelques différences, des parcours plus ou moins chaotiques entre leur pays d’origine et la France, les milliers de kilomètres parcourus entre peur, danger, humiliations, ont fini par les rapprocher et les réunir dans ce lieu unique, dans lequel ils reconstruisent leur vie et leur avenir.

Mettre en commun leurs expériences et leurs compétences

C’est à Montpellier que leurs destins se sont croisés. Au sein de la fondation Le Refuge (qui propose un hébergement temporaire et un accompagnement social aux jeunes de 14-25 ans victimes de LGBT-phobies). d’abord, avant qu’ils ne décident de prendre eux-même leur destin en mains…

Ainsi depuis le 4 mars 2021 est officiellement née à Montpellier l’association Famille au Grand Coeur. Une dizaine de réfugiés et demandeurs d’asile ayant quitté leur pays pour fuir les violences et persécutions à l’égard des personnes LGBT, soutenus par une poignée d’associatifs locaux qui mettent en commun leurs expériences et leurs compétences afin d’aider d’autres jeunes (de 18 à 25 ans) qui connaissent l’exil pour les mêmes raisons…

Un lieu our se retrouver, échanger, progresser… Photo Ph.-M.

Gevorg est arménien et vice-président de la “Famille.” Il a choisi de ne pas rentrer dans son pays après ses études en France, un ancien petit-ami ayant révélé son homosexualité à sa famille. “J’ai décidé de ne pas rentrer, car les LGBT ne sont pas acceptés en Arménie. Je veux pouvoir vivre normalement et cela ne serait pas possible là-bas”, explique-t-il.

Trouver maintenant des familles d’accueil…

Un lieu pour se retrouver, pour renouer des liens sociaux. Pour organiser l’hégerment aussi. L’idée étant de développer un réseau de familles d’accueil qui pourraient recevoir (pour une durée de six mois) les jeunes primo-arrivants, le temps qu’ils s’intégrent à leur nouvel environnement.

“Etre reçu dans une famille française, c’est un avantage, en particulier pour l’apprentissage de la langue. C’est une bonne façon de faciliter l’insertion, de faire découvrir le mode de vie, les règles de vie de ce pays”, souligne l’équipe.

“Avec tout ce que nous avons subi dans nos pays d’origine, nous avions perdu l’espoir. Ici on retrouve la vie, le lien social, on retrouve l’espoir et on est très reconnaissant enevers la France pour tout ça. Bien sur il peut exister parfois de l’homophobie, mais on se sent quand même en sécurité”, insiste Mikael, qui vient lui aussi du Libéria.

Démarches pour obtenir l’asile : “Comment prouver l’intime ?”

Un local équipé pour répondre à tous les besoins… Photo Ph.-M.

Depuis ses presque 4 mois d’existence, Famille au Grand Coeur commence à se faire connaître. D’autres associations d’aide aux réfugiés ont noué des contacts reconnaissant que les personnes LGBT peuvent avoir besoin d’une prise en charge spécifique. Notamment afin de préparer leur dossier d’asile et les entretiens très particuliers qui les accompagnent…

En effet, comme le souligne une étude récente sur les demandes d’asile en raison des orientations sexuelles : Comment prouver l’intime ? Et de préciser que “la spécificité de cette protection envers les personnes LGBT oblige les autorités de l’asile à un effort pour dépasser les stéréotypes et les conceptions traditionnelles avec lesquelles s’évalue la preuve de l’intime de populations provenant de contextes culturels éloignés de ceux ayant cours en Occident.”

Accèder à l’étude complète : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=19753

Reçus au ministère de l’Intérieur sur le sujet des demandeurs d’asile

Sur un plan pratique, des commerçants apportent également leur soutien. L’un d’eux ayant notamment fourni un emploi saisonnier à l’un des jeunes gens. Une mobilisation qui implique également une avocate parisienne spécialiste de ces questions.

On peut noter enfin, la reconnaissance que constitue le fait que Thomas le président de l’association, ainsi que deux autres membres aient été reçus au ministère de l’Intérieur par l’adjointe au chef du département de l’accueil des demandeurs d’asile et réfugiés pour présenter l’association et échanger sur la question des demandeurs d’asile.

Les jeunes sociétaires de Famille au Grand Coeur ont su prendre leur destin en mains et on ne peut que souhaiter que d’autres mains se tendent, désormais, afin que la “Famille” s’agrandisse (voir en note ci-dessous, l’accès à la page Facebook de l’association)…

Philippe MOURET

(*) Lire à ce sujet sur le site InfoMigrants : Africains et homosexuels : L’exil pour seul horizon.
(**) Carte des pays qui criminaisent les personnes LGBT : : https://www.humandignitytrust.org/lgbt-the-law/map-of-criminalisation/
Page Facebook de l’association : Famille au grand coeur | Facebook