Exposition : Sur les traces des momies, au Museum de Toulouse

Momie de femme égyptienne. Photo François-Louis PNS - Museum de Toulouse

La thématique des momies choisie pour la nouvelle exposition temporaire du Museum de Toulouse, dépasse la question de l’égyptologie. Qu’il s’agisse de momies artificielles, témoins de rites funéraires anciens, ou de momies naturelles formées par l’action du gel, du sel, de la tourbe ou même de l’ambre, cette exposition s’intéresse à la conservation des corps, qu’ils soient humains ou animaux. Elle se penche également sur les techniques de conservation contemporaines et pose les questions éthiques et déontologiques liées à la conservation des restes humains.

Le choix du Muséum est loin d’être anodin. Programmer une exposition sur les momies, c’est questionner l’humanité sur son rapport au temps, à la recherche d’éternité et à la mort.

Les momies nous interrogent sur notre rapport à la mort

Ecorché Talrich. Photo Lisa COCRELLE – Museum de Toulouse – Réalisée sur le modèle de sa propre anatomie, cette pièce représente le corps du sculpteur parisien Jules Talrich. Cette version miniature était produite pour les besoins de l’enseignement de la médecine. Le modèle initial, grandeur nature, a été présenté à l’Exposition universelle de 1867.

C’est la première fois qu’une telle exposition est présentée à Toulouse. Par la diversité des thématiques abordées, Momies, corps préservés, corps éternels s’ouvre sur de nombreuses disciplines : archéologie, anthropologie, thanatopraxie, médecine légale, ethnologie, biologie, génétique, sociologie…

Certes, la momification évoque en premier lieu cette pratique de l’Égypte ancienne consistant à préparer le corps des défunts afin d’assurer leur conservation dans le temps. Mais saviez-vous que ce rite funéraire apparaît dans d’autres cultures et civilisations, notamment en Amérique du Sud ? Que la nature peut elle aussi faire surgir des momies ?

Humaines ou animales, qu’elles soient artificielles ou naturellement conservées grâce à des conditions climatiques particulières, les momies nous interrogent sur notre rapport à la mort, nos croyances en un au-delà, notre désir universel d’éternité.

Lizard skin fragment and spider… une araignée conservée dans l’ambre, c’est aussi une momie… Photo Arthuer MICHALSKI

Evoquée par toutes les civilisations, la mort reste pourtant taboue

Autant de thèmes explorés par l’exposition à travers un vaste champs de disciplines scientifiques (archéologie, anthropologie, thanatopraxie, médecine légale, ethnologie, biologie, génétique, sociologie…), et grâce aux nouvelles technologies utilisées pour explorer les momies et la conservation des restes humains.

Les Cuchimilcos sont des sculptures féminines ou masculines présentes dans les tombes Chancay, dont la fonction serait d’accompagner les morts dans l’au-delà. En terre cuite, de couleur crème rehaussée de détails bruns, elles disposent d’une coiffe et leurs parties génitales sont apparentes. Elles arborent toujours la même posture d’ouverture des bras, en signe d’offrande ou d’accueil. Photo Daniel MARTIN – Museum de Toulouse

“Depuis des millénaires, nos sociétés humaines dans toute leur diversité, à travers le temps et l’espace, se sont interrogées sur ce qu’il advenait des vivants après leur mort. Le choix du Muséum est donc loin d’être anodin. Programmer une exposition sur les momies, c’est questionner la mort…” souligne Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse.

Il poursuit : “En quelques décennies, nos sociétés ont connu de profondes mutations dans l’appréhension de la mort et de la fin de vie. L’émergence des soins palliatifs, les débats autour de l’euthanasie, le développement significatif de la crémation et des contrats obsèques, tous ces sujets donnent lieu à des débats passionnés. Paradoxalement, la mort reste taboue, soit par la dissimulation, soit par l’excès…”

L’année 2022, avec cet anniversaire symbolique de la découverte de la tombe de Toutânkhamon, c”était affirme M. Duranthon “l’année où ces questions devaient être abordées au Muséum. Car aujourd’hui, dans le contexte troublé que nous traversons, oser parler de la mort, c’est donner la possibilité de la comprendre au delà du questionnement individuel et d’interroger notre rapport collectif au cycle de la vie.”

“Les spécimens et objets de collection recueillis par les musées sont des prolongements des êtres vivants sur la planète au-delà de leur mort physique. Avec l’avancée des techniques de conservation et des recherches scientifiques, les restes humains ou d’animaux peuvent être préservés de façon pérenne. Les motifs de ces conservations sont nombreux, tout comme les questions éthiques qui en découlent. Ainsi, nos collections deviennent un lien entre le monde des morts et celui des vivants”, souligne quant à elle Isabel Nottaris (directrice adjointe du Muséum).

Une exposition partagée en 4 grandes “zones”

Temps suspendus, temps éternels, temps corrupteurs ou préservateurs… Le rapport à la course du temps est en filigrane tout au long du parcours de
l’exposition. Il fait écho à nos questionnements sur notre nature et plus largement sur la vie. Pour autant, le fil conducteur de l’exposition n’est pas chronologique
mais plutôt narratif. Il s’organise en quatre grandes zones :

Zone 1 : La question des momies pose immédiatement celle de la mort et de la conservation des corps. Car la destinée de la grande majorité des corps sans vie est bien la décomposition. Les corps conservés sont donc des exceptions aux processus naturels les plus courants.

Zone 2 : Quand on évoque les momies, on pense immédiatement à l’Égypte antique. Mais cette manière de préparer les corps des défunts est également attestée dans de nombreuses cultures et civilisations, pour lesquelles la préservation physique des morts fait partie intégrante de la dynamique sociétale, rituelle ou religieuse.

Photo François-Louis PONS – Museum de Toulouse . Cette main témoigne de l’évolution du statut des restes humains dans les musées. Signalée dans l’inventaire de la collection de minéralogie de Picot de Lapeyrouse en
1823, elle fut classée dans la catégorie des combustibles en raison du bitume qui aurait servi lors de l’embaumement.

Zone 3 : Les momies ne sont pas toutes artificielles, loin s’en faut. Certaines sont naturellement momifiées par l’action du froid, de la sécheresse, du manque d’oxygène, de la salinité ou de l’acidité des milieux. Ces momies naturelles sont de véritables capsules temporelles, nous offrant une fenêtre sur le passé de nos ancêtres ou sur les modes de vie d’espèces pour certaines éteintes aujourd’hui.

Zone 4 : Cette exposition se propose aussi de présenter l’histoire et l’évolution des techniques de conservation modernes utilisées par les préparateurs anatomiques, les équipes de conservation muséale ou par les héritiers des embaumeurs du
passé : les thanatopracteurs.

Un accent particulier est porté sur le public adolescent, avec des médiations adaptées pour comprendre les enjeux liés à la vie et à la mort, le rapport au corps, à la santé et plus largement à la question de l’identité.

Philippe MOURET

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