Il y a des expositions qui marquent l’histoire d’un lieu… Qui sont comme un moment suspendu dans le temps, avec un avant et un après. C’est le cas de la Rétrospective Boisrond au musée Paul-Valéry, proposée tout au long de l’été (et même jusqu’au 6 novembre). Le nouveau directeur, Stéphane Tarroux, ne pouvait mieux inaugurer son entrée en fonctions qu’avec ce voyage chronologique en 114 tableaux, à travers 40 ans de peinture…
Il n’est pas toujours facile de parvenir au fragile équilibre entre l’intime et l’universel d’une oeuvre et de la partager avec le plus grand nombre sans en affadir la portée. C’est le pari réussi de cette expo-événement au musée Paul-Valéry, qui retrouve ainsi sa vocation première de lieu ouvert à tous, pour tous, sans négliger pour autant la plus grande exigence esthétique…
“L’envie de bousculer le monde de l’art conceptuel…”
François Boisrond n’est pas un inconnu à Sète. Il avoue même : “Sète a changé ma vie. je suis heureux à Sète !” Une déclaration qui fait d’abord référence à sa rencontre, à la fin des années 70, avec Hervé Di Rosa. “Je l’ai connu aux Arts déco. Il est devenu mon ami et m’a présenté Robert Combas. On a commencé à faire de la peinture en dehors de l’école…”
On entre ainsi dans le premier des six “temps forts” qui constituent, à travers autant de salles, le parcours de cette rétrospective déclinée en 114 tableaux. Des premiers pas de la Figuration Libre jusqu’aux toutes dernières toiles, encore inconnues du public.
François Boisrond se souvient de cette époque, du début des années 1980 : “Il y avait une vraie vitalité, dans la continuité du mouvement punk. L’envie de bousuler le monde de l’art, de l’art conceptue qui manquait singulièrement de chair…” C’est alors que la “bande des quatre” (Combas, Di Rosa, Blanchard, Boisrond) participe avec quelques autres à l’exposition Finir en beauté, à Paris. “Du jour au lendemain, se souvient l’artiste, il y a eu un engoueent médiatique qui nous a propulsés sur le devant de la scène…” La Figuration Libre était née !
De la “vie quotidienne d’un parisien” au “Passion” de Godard
Au musée Paul-Valéry, le visiteur entre ainsi de plain-pied dans une peinture expressive, vibrante, qui emprunte à l’art brut, à la BD, au Pop-Art, au cinéma… Puis il monte l’escalier menant à la mezzanine du musée pour passer dans les années 90, le second “temps fort” de l’expo, dans “le quotidien d’un parisien”. Le peintre apparaît plus encore, s’échappant de la stylisation extrême de ses débuts. On est frappé par la lumière émanant de Qu’est-ce qu’ils tournent ? (1989)…
Suivent ainsi les périodes (“Tout l’univers des Arts”, “Biennales et musées” et “Passion”) qui scandent les étapes d’une vie, les interrogations du peintre sur le statut même de la peinture et de sa relation aux artistes qui l’ont précédé (Manet, Watteau, etc), l’apparition et l’adoption des outils numériques… Au fil des toiles, Boisrond se dévoile, montre ses interrogations, ses recherches, son évolution…
Dans “Passion” (série éponyme du film de Jean-Luc Godard) ouvre son questionnement à la transposition du cinéma en peinture. Retournant ainsi la démarche du film qui était une réflexion sur la transposition de la peinture dans un film de cinéma…
Maîtres d’antan et technologie HD
Enfin, le voyage se clôt par “vers les Maîtres : uniformes et vie des saints”… François Boisrond n’a pas cessé d’évoluer, proposant ici des ambiances et des matières proches des maîtres d’antan, mais en s’appuyant sur les plus récentes technologies, pour un rendu quasi photographique.
Ainsi, à tous ceux qui oseraient dire que “tout a déjà été fait en peinture”, sa réponse est brève, mais intense et tient en deux mots : SA peinture… Et ce n’est pas fini, puisqu’il avoue : “Mes derniers tableaux sont comme un aboutissement… Qui ouvrent de nouvelles perspectives pour la suite.”
Philippe MOURET
Au coeur du musée, au coeur de la vie…
François Boisrond aime transmettre, montrer, illustrer… Professeur à l’école nationale des beaux-Arts de Paris, il aime aussi le dialogue avec le public. Ainsi, en juillet et au mois de septembre, il sera en résidence au musée Paul-Valéry, dans un atelier mis à sa disposition dans les salles. il partagera ainsi les étapes successives de son travail, jusqu’à son aboutissement. l’atelier n’est pas recréé, mais réellement transporté. Et “les visiteurs auront accès à un lieu considéré trop souvent comme mystérieux, alors qu’il est un lieu de travail et un espace de sociabilité, ce que doit être aussi un musée.”
Curiosité : la présence sur un mur d’une tente d’alpiniste. Cette même tente que l’artiste avait installée dans une salle de Beaubourg pour les 30 ans du Centre Pompidou, où il avait réalisé six toiles…
Ces expos qu’on n’oubliera pas :
Expos : Au MIAM, “l’aventure utopique d’une humanité sans marges”
Exposition : La “Déconniatrie”, une affaire sérieuse pour Les Abattoirs
Exposition : Hyacinthe Rigaud, un parfum de Versailles flotte sur Perpignan