Ce dimanche, lors d’une opération exceptionnelle, le cargo a pris la direction de Brest pour y être démantelé. Le monstre de rouille prend le même chemin que celui d’une longue lignée de bateaux poubelle qui ont échoué dans le port sétois depuis une vingtaine d’années.
Drames humains, équipages abandonnés, mobilisation exemplaire, chaines de solidarité des gens de mer… Les bateaux poubelle ont régulièrement marqué les esprits, à Sète, notamment dès 2003, en lien avec la volonté d’interdire en Europe les navires les plus dangereux. Il y a presque dix ans, tour à tour, ils terminent là leur vie, avec la majesté des survivants. Avec leurs noms exotiques, il y eut l’Edoil, abandonné au fond du port pendant cinq ans.
C’est à peu près à cette époque qu’est née une mythologie bien locale : celle des navires sales. Des bateaux poubelles. Mangé par la rouille, mal en point, chimiquier, bétaillers, etc. Certains avaient été mis aux enchères. Saisi une puis deux fois, l’Edoil, 684 tonne d’acier, le fut… “à la bougie” au tribunal de Montpellier !
Pris en charge par un navire semi-submersible
Dès potron-minet, hier samedi, c’est un autre fantôme de rouille, le Rio Tagus, un vraquier mal entretenu, de plus de 40 ans, qui a été remorqué depuis son emplacement quai Paul-Riquet, à Sète, vers le port de commerce où il a été pris en charge par le navire semi-submersible Yacht Express, arrivé hier dans les eaux sétoises. Dans un radier. A bord du Yacht Express, le Rio Tagus va désormais rejoindre Brest afin d’être déconstruit par la société bretonne Navaleo, qui a remporté l’appel d’offres lancé par la Région Occitanie en 2021 pour le démantèlement du navire à Brest.
Dix-huit mois de procédures…
Abandonné dans le port de Sète depuis plus de dix ans, le Rio Tagus est un cargo de 80 mètres de long pour 14 mètres de large datant de 1979. Face à l’abandon du navire par son nouveau propriétaire et malgré les tentatives de conciliation du port avec lui, la Région Occitanie a engagé une procédure d’expulsion auprès du tribunal administratif. Après 18 mois de procédure, la Région a obtenu l’autorisation, par décision du 21 novembre 2020, d’assurer le démantèlement aux frais et risques du son propriétaire.
Annulation d’un premier convoi il y a un an
Après l’annulation du premier convoi en juin 2021 en raison d’un problème d’assiette du cargo, les services portuaires de la Région et l’entreprise Navaleo ont travaillé sans relâche ces derniers mois pour stabiliser la coque du Rio Tagus et sécuriser son transfert. Celui-ci a pu se dérouler sans encombre au petit matin ce samedi 25 juin avec le remorquage du navire vers le quai H du port de commerce, où se situe le Yacht Express, arrivé hier à Sète.
Le navire a ensuite été chargé dans le radier du Yacht Express, qui repartira en soirée direction Brest. A son arrivée, le Rio Tagus sera immédiatement transféré vers la forme de radoub de l’entreprise Navaleo, où les travaux de déconstruction pourront démarrer. C’est cette dernière qui avait remporté l’appel d’offres lancé par la Région Occitanie en 2021 pour le démantèlement du navire.
“La longue attente des Sétoises et Sétois prend fin, c’est une véritable satisfaction”
“Après plus de 10 années passées à Sète, explique-t-on du côté de la Région Occitanie, propriétaire du port de Sète, le Rio Tagus a enfin quitté ce samedi matin son emplacement quai Paul-Riquet et va être démantelé. La longue attente des Sétoises et Sétois prend fin, c’est une véritable satisfaction”. La présidente Carole Delga a tenu “à féliciter et remercier l’ensemble des équipes portuaires de la Région, qui ont préparé pendant des mois cette opération délicate, ainsi que la capitainerie, les pilotes lamaneurs et les remorqueurs du port de Sète, qui par leur implication et leur professionnalisme, ont été gages de la réussite de cette opération”.
Star 1, Edoil, Vassili…
Avant le Rio Tagus, il y eut le Star 1, le Florenz (pavillon du Panama), l’Edoil, donc, immatriculé, lui, aux îles Grenadine puis à Tonga (rebaptisé Manolis 1), le Vassili Belokonenko (Russe)… Les quais de Sète, une vraie mappemonde. Il y aura ensuite d’autres bateaux stoppés par le centre de sécurité des navires pour des déficiences et des arriérés de salaires.
Saisie conservatoire, jugements répétés devant la justice… L’Edoil avait été classé en 2002 parmi les 66 bateaux à hauts risques en Europe, il y a dix ans : au moins 30 déficiences techniques jamais réparées…
Olivier SCHLAMA