Immatriculation ST 133447 – Nom : L’Amitié – C’est un navire qui a eu son heure de gloire sur le littoral languedocien, mis à l’eau en 1981 par Bernard Pierson, actif militant de la lutte contre la vivisection. D’un esthétisme très particulier, mi-navire, mi-engin du capitaine Nemo, l’objet flottant est couché sur le flanc et tenu hors d’eau par ses amarres. Si personne n’intervient, il pourrait disparaitre à jamais… Or son concepteur et capitaine vient de refaire surface, pour une nouvelle aventure humaine !
… Retour en arrière, année 1959 à Montpellier, Bernard a 28 ans, il travaille à la sécurité sociale. À ses heures perdues, il fait du chant au conservatoire avec semble-t-il un certain succès, puisqu’il est invité à poursuivre ces études à la capitale. « J’avais une voix puissante et jolie, me disait-on. J’ai pesé le pour et le contre et me suis dit, timide comme j’étais, que je me voyais mal aller me faire applaudir dans les théâtres. J’étais promis au vedettariat, moi le grand timide ! Je me voyais mieux travailler avec mes mains qu’à chanter dans des théâtres. J’avais envie de voyager »…
Quand tout commence…
Son idée est simple : « Voyager, faire le tour du monde, comme tout le monde, rencontrer des gens, voir des paysages. » mais il lui faut un navire, qu’à cela ne tienne, il va le construire. « J’ai construit le bateau directement au bord du Lez avec du matériel rudimentaire. Je me suis fait souvent voler le matériel. J’ai tout fait seul, à mon idée. Je n’avais jamais travaillé le fer. J’ai dû inventer des méthodes pour pouvoir me débrouiller seul, avec de grosses pièces très lourdes. »
Effectivement, la forme de l’embarcation est surprenante. Un sous-marin pour naviguer ? « J’ai choisi la forme du bateau pour sa robustesse et pour sa vitesse. Cette originalité a fait l’admiration des passants et aussi des constructeurs. Un employé qui se met à construire un sous-marin, c’est rare ! Il a toutes les qualités possibles et imaginables ».
“J’ai voyagé et vécu dedans pendant 14 ans”
Il y a ce que l’on appelle des marins d’eau douce, qui ne quittent jamais leurs attaches et ne larguent jamais les amarres, ce n’est pas le cas de Capitaine Bernard. « Je suis allé jusqu’à Terneuzen aux Pays-Bas. J’ai fait la France, la Belgique, la Zélande. J’ai été en Italie, en Espagne où j’ai eu l’honneur du plus grand journal : La Vanguardia. Je me suis rendu également en Yougoslavie, en Allemagne, au Luxembourg. »
Un navigateur au long cours : « L’Amitié a été mon habitation principale. J’ai voyagé et vécu dedans pendant 14 ans. Je le faisais visiter un peu partout jusqu’à 2 h du matin parfois dans les grands ports. Les gens donnaient ce qu’ils voulaient pour la visite (de même que pour les livres). Cela me faisait vivre. Je longeais les côtes et je le faisais visiter dans chaque port. Je naviguais sur les rivières et canaux européens. »
Constructeur, navigateur… mais aussi un humain engagé !
Capitaine Bernard n’est pas seulement un marin, il est aussi son propre constructeur « j’en ai construit 5 autres après celui-ci. Je les ai construits dans mon jardin et les ai transportés à Palavas sur mon camion. Ils ont été fabriqués en stratifié, matériau beaucoup plus léger. Le plus petit doit faire 1,80m et le plus gros de la série en stratifié est dans ma cour à moitié couverte. Tous ont l’allure d’un sous-marin et sont très rapides, environ 100km/h. Ils sont maintenant sur le toit-terrasse de ma maison et dans le garage. […] Mon « chouchou » […] a un moteur de 40 chevaux. Parfois, je vivais dedans, installé sur le toit de ma maison. »
Voir du pays n’est pas sa seule motivation. « Comme aujourd’hui, j’avais envie de transmettre mes messages, construire un monde meilleur. Pendant mon voyage, j’ai écrit à tous les chefs d’Etat, François Mitterrand, Giscard d’Estaing, et plus tard Sarkozy et François Hollande. Ils m’ont tous répondu, je suis copain avec François Hollande.»
Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui empruntant les routes de l’Hérault, dans les années 80-2000 ont connus, garé le long des axes à grand trafic ou sur des ronds-points, son camion blanc, bardé de messages peints en rouge « Non à la vivisection » ou « on tue des jeunes ».
Ressusciter L’Amitié
Aujourd’hui L’Amitié est en mauvaise position sur sa berge ce qui navre Bernard. Il a « le projet de le ressusciter […] J’aimerais à travers l’Amitié laisser une trace de mon passage sur Terre et surtout des messages que j’ai toujours tenu à transmettre : construire un monde meilleur et la protection des animaux. »
Ses idées sont précises « Je souhaiterais pouvoir le restaurer, l’exposer et le faire visiter, proposer mes livres contre une libre participation. Je voudrais le peindre en bleu/blanc/rouge. Pour l’exposition, là où ça sera possible et visible. J’ai 88 ans et demi, disons bientôt 90 ans. Il me faut faire un boum, mais je ne sais pas encore comment ? »
Bernard exprime et transmet son enthousiasme pour ce nouveau projet aussi sur son compte Facebook, où il écrit « Je suis très content et ému de constater que je ne suis toujours pas mort, et même en bonne santé, très jeune dans ma tête, malgré mon grand âge qui est de 88 ans et demi ! Chose curieuse, je fais encore et toujours des projets à long terme. Exemple : actuellement, étant stimulé par l’ensemble des gens qui m’envoient des messages de sympathie, j’ai celui de retaper L’Amitié »
Que ce soit “un travail d’équipe !”
Bernard a néanmoins une requête qui lui tient à cœur. « L’important est que je puisse participer aux travaux et que je puisse les conduire. Je n’aimerais pas que d’autres prennent les décisions à ma place sans m’en parler. » Il tient à ce que ce soit « Un travail d’équipe avec les personnes qui me soutiennent. Il faudrait surtout qu’on m’aide à me rendre sur place car c’est peu accessible pour moi avec le fauteuil roulant (trajet de la maison de retraite à Palavas puis le passage pour accéder au bateau) car mon genou droit me fait défaut. »
Jean-Jacques FLANDE
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