Carole Delga : “Faire de l’Occitanie le partenaire européen privilégié du Japon”

Visite de Keihanna Science city (technopole) et accueil par ATR (Advanced Telecommunication Research) Ph. Arthur-Perset. Region Occitanie

La présidente de la Région, Carole Delga, explique l’importance des relations économiques, touristiques et culturelles mais aussi dans la biotech, l’aérospatial ou l’agroalimentaire avec le Pays du Soleil Levant mis en valeur lors de la 6e Quinzaine du Japon, manifestation unique en France. Déjà, quelque 250 entreprises régionales sont accompagnées vers ce marché et 28 entreprises japonaises sont installées en Occitanie. Une relation qui “va s’amplifier”, confie Carole Delga.

Vous êtes allée au Japon. Qu’en avez-vous retenu ? Pourquoi est-ce un pays “à la mode”, selon vous ?

Carole Delga : Le Japon n’est pas une mode : c’est une relation exigeante. Ici, tout repose sur le temps long, la confiance et la réciprocité. Depuis 2016, nous avons noué un partenariat solide : cinq déplacements officiels, un bureau permanent de la Région à Tokyo, le Club Japon Occitanie, des partenariats constants entre nos acteurs institutionnels, environ 250 entreprises régionales accompagnées vers le marché japonais…

Ce qui m’a frappé lors de mon dernier déplacement officiel, c’est le respect accordé à l’Occitanie. On y reconnaît une région engagée, crédible, capable d’avancer avec constance. Nous sommes identifiés comme une région pionnière dans plusieurs domaines, à l’image de l’éolien flottant. Les Japonais viennent chercher notre expertise, celle de Port-La Nouvelle, notre savoir-faire dans la structuration d’une filière d’avenir. Et nous, nous nous inspirons de leur rigueur et de leur sens du collectif.

La Région Occitanie multiplie les efforts vers le Japon : missions pour promouvoir l’export, le tourisme, la culture et l’attractivité économique. Une Quinzaine du Japon en Occitanie est aussi organisée. Pourquoi est-ce si important d’avoir des relations aussi saillantes avec ce pays ?

Carole Delga : Parce que c’est un marché stratégique : le Japon est la 4e puissance mondiale et un partenaire fiable. L’Occitanie représente déjà près de 13 % des exportations françaises vers l’archipel et affiche un solde commercial positif d’environ 470 M€, à contre-courant du déficit national. C’est un levier direct pour

Studio Toei, Visite du décor de tournage Eigamura, également parc d’animation, Kyoto. Ph. Arthur Perset, Region Occitanie

nos entreprises et donc pour l’emploi. Cette relation irrigue aussi notre territoire : 28 entreprises, japonaises y sont implantées, comme par exemple APEM dans le Tarn-et-Garonne, représentant près de 3 500 emplois directs. A la Région, notre mission est d’ouvrir des portes, d’appuyer le développement de nos entreprises, d’attirer des investisseurs et en faire bénéficier nos habitants. Avec la Quinzaine du Japon, nous faisons vivre cette coopération sur d’autres plans – notamment culturel. Si nos liens sont si forts, c’est parce que ce pays est un ami sur lequel nous savons compter.

Des acteurs japonais d’avant-garde choisissent l’Occitanie : Astrocale (start-up/acteur spatial japonais) a implanté un centre à Toulouse, renforçant ainsi les liens Japon-Occitanie dans le spatial. Y en a-t-il d’autres ou est-ce qu’il s’agit d’un secteur où vous aimeriez qu’il y en ait d’autres ? Pourquoi ?

Carole Delga : L’arrivée d’Astroscale à Toulouse montre que des acteurs japonais de premier plan considèrent l’Occitanie comme un écosystème de rang mondial dans le secteur du spatial. Notre filière spatiale est unique en Europe : des grands industriels comme Airbus, le CNES, Aerospace Valley, et des pépites comme Héméria, Look Up Space ou Share My Space.

Et ce n’est pas un cas isolé. Nous travaillons avec Prodrone, qui envisage une première implantation européenne en Occitanie, ou encore avec Horiba qui renforce ses liens historiques avec Montpellier. Cela confirme que l’Occitanie n’est pas seulement attractive mais qu’elle inspire confiance et ouvre des perspectives industrielles très concrètes et créatrices d’emplois.

Est-ce à mettre en rapport avec les liens industriels existants et concrets – des géants et pôles (Airbus, filières aérospatiales) multiplient partenariats et hubs technologiques au Japon ?

La présidente avec le PDG de Prodone, Shunsuke Toya. Ph. Arthur Perset, Region Occitanie

Carole Delga : Oui, très clairement. Nos liens avec la préfecture d’Aichi, l’un des centres industriels majeurs du Japon, jouent un rôle déterminant sur ce point. Les grands groupes japonais savent qu’en Occitanie cohabitent une filière aéronautique de rang mondial, un pôle spatial complet et une dynamique très forte sur les mobilités et l’énergie décarbonée. C’est ce qui a permis d’avancer sur des projets communs, où le Japon vient s’inspirer de notre retour d’expérience. L’Occitanie est identifiée comme un territoire sérieux, capable de transformer une coopération institutionnelle en partenariats industriels concrets.

Allez-vous intensifier les relations avec le Japon ? Comment ? Y-a-t-il des projets qui vont bientôt éclore ? Un parc à thème… ?

Carole Delga : Oui, nous allons amplifier le mouvement. Cette coopération repose sur la durée, et c’est cette constance qui est reconnue par les Japonais. Cette année encore, nous avons accueilli l’association japonaise des ports et Flowra sur l’éolien flottant, nous renforçons aussi les échanges culturels autour de la Villa Kujoyama, du CRAC, ou encore avec Tokyographie.

Et puis il y a la Quinzaine du Japon en Occitanie, qui rassemble plus de 300 événements dans 40 villes : c’est unique en France. Notre objectif est clair : faire de l’Occitanie le partenaire européen privilégié du Japon, dans l’économie, la culture et l’innovation. Et ce que je peux vous dire, c’est que l’Occitanie entend rester un partenaire européen majeur pour le Japon.

L’Occitanie peut-elle (veut-elle) y capter des marchés dans l’agroalimentaire, la tech ou autre chose ?

La présidente avec Chris Blackerby, chef d’exploitation (COO) d’Astroscale. Ph. Arthur-Perset. Region Occitanie

Carole Delga : Oui, et nous le faisons déjà. Dans l’agroalimentaire, nos produits se font remarquer : la coopérative Jeune Montagne, que nous accompagnons depuis plusieurs années sur le marché japonais, a conclu un accord avec les magasins épiceries Kaldi et distribuera son aligot dans tout le pays prochainement. Cette année au Foodex, le plus grand salon agroalimentaire d’Asie, nos artisans – Maison Pécou, La Cuillère Gourmande ou encore Papilles Cocktails – ont mis en lumière notre marque Occitanie Sud de France.

Dans la tech’ et la biotech’, nous avons aussi des fleurons qui s’exportent : Cilcare a levé 40 M€ auprès d’un investisseur japonais pour développer de nouveaux médicaments contre les pathologies auditives, et VOGO, spécialisé dans la vidéo en direct, a signé un partenariat exclusif avec la J. League et Panasonic. Notre objectif, ce n’est pas seulement d’exporter : c’est d’installer durablement la présence de nos filières dans ce marché stratégique.

Tisser des liens avec le Japon, c’est aussi mettre en œuvre son soft power via un tourisme plus haut de gamme ou être davantage en capacité d’attirer des investisseurs ?

Carole Delga avec vec Hiroshi Yamakawa, président de Jaxa, agence spatiale japonaise. Ph. Ph. Arthur-Perset. Region Occitanie

Carole Delga : Absolument ! Le Japon valorise l’excellence, l’authenticité, la qualité. Et l’Occitanie coche toutes ces cases. Première région française en nombre de sites classés à l’Unesco et deuxième la plus fréquentée en été, l’Occitanie séduit par son patrimoine, ses paysages et la diversité de ses activités. Notre offre touristique se modernise, tandis que nos filières— gastronomie, œnotourisme… — sont toujours autant attrayantes. Cette dynamique renforce notre image auprès des investisseurs japonais, sensibles à la durabilité et à l’innovation. Mais nous veillons aussi à concilier cette ambition avec les défis du changement climatique.

Rencontre avec 10 entreprises de la CCI Occitanie, à Nagoya. Ph. Arthur-Perset. Region Occitanie

En 2019, j’ai par exemple rencontré les dirigeants de la fédération japonaise de rugby pour promouvoir Toulouse comme camp de base de l’équipe nationale dans le cadre de la Coupe du Monde 2023 organisée en France. Un travail volontariste qui a permis au Stadium de recevoir des milliers de supporters japonais et d’enregistrer 35 000 billets vendus pour deux matchs de la compétition. Cet événement a généré d’importantes retombées économiques, contribuant aux 280 000 nuitées japonaises comptabilisées cette année-là en Occitanie. Dans la perspective des Jeux de Paris 2024, nous avons aussi engagé des échanges avec d’autres fédérations japonaises afin qu’elles puissent amener leurs équipes dans nos centres de préparation.

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA