Le 27 novembre a lieu une journée d’échanges, accessible à tous, avec différents centres d’archives qui détiennent, chacun, des traces documentaires éparpillées des parcours de vie des réfugiés républicains espagnols lors de la Retirada et la Seconde Guerre mondiale, notamment en ce qui concerne l’internement entre 1939 et 1944. Ce séminaire s’organise dans le cadre d’un projet plus vaste autour de lieux de mémoire transfrontaliers, Exilis, encouragé par l’Union.
Après la mort du dictateur Franco, en 1975, fut imposé “un pacte du silence” pour soi-disant préserver la paix civile en Espagne : pour mieux passer à la démocratie, pas question de remettre en cause, dans cette période transitoire, crimes et horreurs du pouvoir franquiste. Et notamment l’exode massif de 1939, la Retirada. Le temps ayant fait son oeuvre, on se mit, à partir des années 2000, à soulever le couvercle des mémoires.
Familles de disparus, exilés, historiens, associations mémorielles réclamèrent ainsi la vérité et la transparence sur cette période sombre. Une loi de mémoire a été prise en 2007 sous le gouvernement de gauche Zapatero pour, notamment, permettre d’accéder à la nationalité espagnole pour descendants d’exilés républicains, notamment ceux installés en France. Une seconde loi sera prise en 2022.
Plus de 70 camps ont émergé dans l’Hexagone

Retrouver des traces de proches et un parcours du combattants. Plus de 70 camps ont émergé dans l’Hexagone sans parler d’autres structures d’accueil. De fait, l’Occitanie n’est pas la seule région concernée, ce qui complique d’autant la tâche de ceux qui cherchent ; or, ajoutant à la complexité, les décennies sont passées effaçant certaines indications – des centres ont fermé ; des archives ont pu déménager…- ; des familles peuvent toujours rechercher la trace d’une grand-mère, mais parfois la question, c’est où ? Certes, beaucoup de réfugiés sont passés par Rivesaltes – au total, 70 000 Harkis, Juifs, Républicains espagnols, selon l’historien Nicolas Lebourg –, mais ils ont le plus clair du temps été redirigés ailleurs…
“Une synthèse, papier ou vidéo, à destination de ceux qui veulent mener des recherches”
Depuis ces récentes années, donc, les centres d’archives sont très sollicités, ne fut-ce que pour des interrogations généalogiques simples et, pour certains, pour effectuer une demande de nationalité espagnole. Problème, ces documents historiques se retrouvent dispersées entre de nombreuses institutions : départements, Région Occitanie, Archives nationales, et même l’Ofpra, etc. Dans ce contexte, plusieurs institutions mènent des projets pour justement rassembler cette mémoire dispersée.

Dans le cadre d’un projet, baptisé Exilis 1939-1946 – exil – qui regroupe plusieurs lieux de mémoire transfrontaliers comme Argelès, Rivesaltes, Elne, etc. financé par les instances européennes (Poctefa), le Mémorial de Rivesaltes organise une journée d’échanges originale. “Parmi les demandes que nous avons identifiées, qui sont réelles, il y a celle de demandes de descendants sur le parcours de leurs grands-parents et de leurs aïeuls. D’où ce rendez-vous avec les archives départementales, catalanes, nationales, etc., C’est un rendez-vous scientifique mais à destination des usagers, d’associations, précise Grégory Tuban, responsable scientifique du Mémorial. C’est une journée publique au cours de laquelle il y aura des présentations de projets en cours et à venir. A l’issue de chaque table ronde, il y aura un moment d’échange. Ensuite, on en tirera une synthèse, papier ou vidéo, à destination de ceux qui veulent mener des recherches.” L’entrée à cette journée est libre sur inscription.
De nombreux centres d’archives
Les traces documentaires de la Retirada et de l’internement entre 1939 et 1944 sont dispersées dans de nombreux centres d’archives. C’est pourquoi, cette rencontre réunira les Archives nationales, plusieurs services d’archives départementales, l’Ofpra et le Memorial Democràtic de Catalogne, qui présenteront leurs projets en cours de numérisation et d’indexation. Destinée aux chercheurs, aux associations mémorielles et aux particuliers engagés dans des démarches personnelles, cette journée vise à renforcer les échanges entre institutions et publics concernés.
“400 000 les personnes potentiellement concernées”

Dans un excellent article de la revue Française de Généalogie, en marge de ce séminaire, Christine Martinez, directrice des Archives départementales du Lot confirme que la démarche de descendants de réfugiés espagnols “rejoint celle de beaucoup de descendants qui après plus de 80 ans se replongent dans leurs racines. En France, on estime à environ 400 000 les personnes potentiellement concernées”, indique-t-elle. Qui nous apprend que “les treize départements d’Occitanie se sont fédérés autour d’un projet de mise en ligne des archives des camps et centres d’hébergement ayant accueilli des réfugiés espagnols. Coordonné par Christine Martinez, ce réseau partage ses outils, échange ses pratiques et mutualise les réflexions”. Sans parler de l’enjeu des bases de données, enrichies à l’IA. Pour que tout le monde retrouve sa mémoire. Et la paix.
Olivier SCHLAMA
Le programme du 27 novembre :
14h00 – Ouverture
• Coordination : Grégory Tuban, responsable scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes.
• Chaque intervention sera suivie de 10 minutes d’échange avec le public.
Temps 1 – Les Archives nationales
14h20 : Les réfugiés espagnols dans les fonds des Archives nationales
Les Archives nationales conservent un large éventail d’archives relatives à l’exil républicain espagnol et aux parcours individuels de réfugiés. Les fonds du ministère de l’Intérieur, en particulier, sont d’une grande richesse et font l’objet d’un travail approfondi de mise en ligne. Panorama des ressources disponibles et des projets en cours avec deux archivistes chargées de ces fonds.
Intervenantes : Julie Faget et Marine Garnier, département de la Justice et de l’Intérieur des Archives nationales

Temps 2 – Les Archives départementales
15h00 : La « base camps » des Archives départementales des Pyrénées-Orientales
Intervenante : Marie Landelle, directrice des Archives départementales des Pyrénées-Orientales
15h30 : Etat du projet « réfugiés et internés dans le Sud-Ouest (1936–1944) »
Présentation du projet de numérisation et d’indexation d’archives issues de treize départements d’Occitanie.
Intervenante : Christine Martinez, directrice des Archives départementales du Lot
16h00 – Pause
Temps 3 – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra)
16h15 : Un fichier pour 40 ans d’exil : la numérisation du fichier espagnol à l’Ofpra
Le projet de numérisation et d’indexation du « fichier espagnol » conservé à l’Ofpra permet d’élargir le champ chronologique au-delà de la période 1939–1945. Ce fonds unique est complémentaire des archives nationales et départementales, tant en France qu’en Espagne.
Intervenante : Adelaïde Choisnet, chargée de fonds patrimoniaux à l’Ofpra

Temps 4 – Generalitat de Catalunya
16h45 : Présentation de la « Banc de la memòria democràtica »
Intervenant : Josep Calvet, responsable du pôle Contenus, Education et Projets, Memorial Democràtic
Temps 5 – Service interministériel des Archives de France
17h15 : Présentation du portail FranceArchives
Intervenants : Mathieu Stoll, chef du bureau de la diffusion et de la valorisation numérique du SIAF et Manonmani Restif, cheffe de projet FranceArchives
Temps 6 – 17h35
Table ronde: Croisement des données des réfugiés espagnols
Avec Elisenda Cristià , cheffe du service des archives municipales de Reus, Jordi Font Agulló, directeur du Memorial Democràtic de Catalogne et les participant.e.s
Gratuit. Sur inscription uniquement : billetterie@memorialcamprivesaltes.fr