Olivier Balez sera le président du jury pour la 22e édition du Festival BD de Sérignan (Hérault), les 3 et 4 juin prochains. Cet auteur né à Besançon en 1972 aime se lever tôt et ne craint pas les décalages horaires. Après avoir vécu dans trois galaxies éloignées, il a posé ses valises à Angoulême où il vit en résidence à la maison des auteurs avec sa femme et ses deux filles. Son triangle des Bermudes se situe entre le jazz, le polar et la poésie. Depuis 15 ans, il navigue entre littérature jeunesse, illustration de presse et bande dessinée. Rencontre…
Pour certains auteurs, c’est une corvée de se rendre sur des festivals… Qu’est-ce qui vous a séduit à Sérignan ?
J’ai rencontré Jean-François Marty (directeur de la médiathèque de Sérignan et organisateur du festival, NDLR) à Angoulême pour la présentation de mon dernier album, il m’a proposé de venir au festival… Sérignan, l’idée m’a plu parce que ce n’est pas très loin de Montpellier où il y a pas mal d’auteurs, notamment Olivier Vatine et Lewis Trondheim (ses complices sur Infinity 8) Et il y a le soleil, alors, j’ai accepté…
Avec Infinity 8, justement, vous changez totalement d’univers. C’était excitant de vous attaquer à un space-opéra déjanté, dont chaque chapitre est confié à un dessinateur différent ?
Je suis revenu du Chili en janvier 2014. Depuis je suis en résidence à Angoulême. C’est Lewis (Trondheim) qui m’a envoyé un mail pour me proposer de participer. Rejoindre cette “dream team” ça me plaisait bien. C’est vrai que la S.-F. n’est pas un genre auquel je pensais spontanément, mais avec un esprit rétro-futuriste comme dans Infinity 8 ça me convenait bien. Le côté 60’s, 70’s, moi ça m’allait, et j’y ai même pris beaucoup de plaisir. Pour moi la Science-Fiction c’est les premières saisons de Star-Trek, Cosmos 1999… C’est très agréable à dessiner cet aspect “vintage”. Je me suis senti tout à fait à l’aise.
Vous passez allègrement d’un sujet à l’autre, du New-York des années 50 à la S.-F., des Andes au Paris contemporain, pourtant votre style reste reconnaissable…
Cette remarque me fait plaisir, parce que je me demande toujours si je suis dans le bon ton… Donc je suis content si mon style est reconnaissable. Mais je n’ai pas envie d’imposer un dessin, je m’adapte au récit que je dois défendre; j’au plutôt une démarche d’illustrateur et j’adapte mon trait au sujet… Pour Infinity 8 j’ai pensé à Barbarella, à quelque chose de très coloré… En fait je m’approprie le projet et je m’incarne dedans.. Donc je suis content si une cohérence s’exprime d’un album à l’autre…
Justement, vous avez réalisé de nombreux one-shot, auriez-vous envie d’une série, d’un héros récurrent pour mieux marquer votre empreinte ?
Ca demande réflexion. Durant toutes ces années où j’ai été graphiste et illustrateur j’ai vécu dans une diversité permanente. Je suis plutôt un sprinter qu’un coureur de fond, j’aime changer de sujet, j’aime changer d’univers, d’époque…. Si je m’embarque sur un héros récurrent, c’est un engagement sur le long terme, et je trouve que je me cherche encore sur le plan graphique. C’est une décision qu’il faut assumer de bout en bout. Même si c’est vrai qu’aujourd’hui je me rapproche un peu plus de l’esprit d’une série. Je me sens plus à l’aise dans la BD, mais on vit mieux de l’illustration. Pour vivre de la BD, peut-être qu’une série s’impose… Je me dirige petit à petit vers ça, puisque j’ai déjà signé pour un deuxième tome d’une série alors que le premier album n’est pas encore sorti. Cela concerne deux groupes qui s’affrontent, le premier tome évoque l’affaire Dreyfus, puis on avancera dans la même époque, dans l’esprit un peu de Tarantino avec Inglorious Basterds…
L’illustrateur et le graphiste restent actifs. Vous avez, je crois, des projets notamment avec une société d’autoroutes ?
Oui, pour de nouveaux panneaux indicateurs de sites remarquables. Ils seront installés d’ici juin, j’y travaille depuis un an, les APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, NDLR) veulent remplacer les panneaux d’indication marrons, par des illustrations plus colorées, confiées à des auteurs… Certains sont déjà installés vers Troyes et Dijon, Loustal participe aussi, je crois. J’aime beaucoup aussi les affiches, les travaux de Roger Broders, par exemple… Pour la petite histoire, lorsque j’ai fini l’école Estienne (École supérieure des arts et industries graphiques, à Paris), j’ai vite pu vivre de l’illustration. L’affiche est bon point de rencontre de mes travaux. L’illustration, l’affiche, m’ont nourri longtemps. Dans ma façon de dessiner, chaque case est d’ailleurs un dessin et j’ai de plus en plus envie de travailler la couleur, d’en faire une part intégrale de mon travail.
Techniquement, comment travaillez-vous ?
Je n’ai pas un rapport très noble au papier. Je travaille sur du papier de machine à écrire tout simple et je modifie ensuite sur l’ordinateur; c’est un rapport très… industriel à la BD. Et quand je mets de la couleur sur ordi, j’évite les a-plats trop parfaits, je travaille avec de l’éponge, que je scanne, je cherche les petits accidents, j’aime bien garder les maladresses pour donner une autre dimension à l’ordinateur qui est une sorte d’outil parfait, un peu trop froid parfois…
Après avoir illustré un roman de la série Le Poulpe dans Libération et dessiné plusieurs albums, il y a la rencontre avec Pierre Christin…
Je l’ai rencontré en 2007 pour un atelier BD à Santiago. il commentait mes travaux pour Le Monde. je lui ai proposé un sujet d’une trentaine de pages qui concluait un dossier de la revue XXI, sur un observatoire au Chili, j’ai pensé que Pierre serait le scénariste idéal pour ça. Le synopsis a été accepté par XXI. Partir en reportage avec Christin, c’était une très belle rencontre, un formidable enrichissement et un album, Sous le ciel d’Atacama… .
Il semble que vous ayez une âme de globe-trotter. Angoulême c’est une simple étape, ou une envie de poser les valises ?
J’aime bien les voyages, mais c’est un peu comme dans l’Auberge espagnole de Cédric Klapish. ce sont des histoires d’amour qui m’ont amené à Barcelone, Sydney, au Chili… Le retour à Angoulême, ça correspond à un coup de blues pour la France, après dix ans au Chili et le regret de ne pas avoir pu y mener plus de projets. Ici l’aspect administratif dans la société est lourd, mais c’est tellement plus égalitaire. Et puis la France reste un pays très enthousiasmant sur le plan créatif. Au Chili, on fait ce qu’on veut, mais on prend tous les risques… C’est vraiment un autre monde, imaginez qu’il n’y a pas un seul magazine pour la jeunesse au Chili ! J’ai deux filles, on a finalement décidé de faire le grand saut. Et la résidence à Angoulême constitue une étape idéale, avant de choisir de façon plus définitive. L’Europe reste un paradis pour l’illustration. Il y a tout ce dont on a besoin à Angoulême… dans les années 1998-2000, en Australie, c’était le début de l’accès à internet, c’était très prometteur et j’ai pu commencer à travailler ainsi pour Flammarion. Je leur faisais deux couvertures par mois pour le Père Castor… Je travaillais beaucoup en extérieur. La Maison des auteurs c’est très agréable. Aujourd’hui je deviens peut-être un peu plus casanier, sans doute moins nomade…
Propos recueillis par Philippe MOURET
Quelques albums d’Olivier Balez :
- L’Opus à l’oreille (Baleine n° 101, Le Poulpe, 1998)
- Le Village qui s’amenuise et Charmes fous (Dargaud coll. Long Courrier, textes d’Eric Corbeyran)
- Le Cycle du Nautile tomes 1, 3 et 3 (Bayard, textes de Florence Décamp) ;
- Topless : (Glénat, 2009, textes d’Arnaud Le Gouëfflec, aussi scénariste pour Le chanteur sans nom, et J’aurai ta peau Dominique A, également chez Glénat) .
- Sous le ciel d’Atacama : (Casterman, 2010, textes de Pierre Christin), traduit en espagnol et publié chez Amanuta. Avec Pierre Christin également : Robert Moses : Le maître caché de New-York, Glénat, 2014)
- La cordée du mont rose : (Les arenes-XXI, 2011, textes et dessin Olivier Balez).