Découverte : Magie des “terrains vagues”, les friches, atout de la biodiversité en ville

Photo Myr MURATET

La Nature des Friches est une exposition photographique à partir du travail de l’écologue Audrey Muratet sur une centaine de friches urbaines en France : souvent perçues comme des non-lieux, des terrains vacants en attente de requalification, il apparaît que les friches sont bien plus riches et diverses que les espaces de nature qui les côtoient. Audrey Muratet s’est associée avec le photographe Myr Muratet et la graphiste Marie Pellaton pour réaliser une flore de près de 300 espèces communes des friches urbaines, la seule à ce jour sur ces milieux. Enfin, l’écologue François Chiron y installe ses caméras automatiques pour suivre la vie des animaux diurnes et nocturnes. Avec le c.a.u.e. (Conseil d’architecture, d’urbanismeet de l’environnement) de Haute-Savoie, en partenariat avec les c.a.u.e. de Gironde et de Haute-Garonne.

Ces chercheurs et artistes ont pu “appréhender les interrelations écologiques, plastiques et politiques présentes dans ces espaces et construire une vision singulière des friches urbaines que l’on retrouve dans cette exposition mêlant photographies grand format et répertoire botanique.”

Les terrains délaissés sont des espaces d’expériences sensorielles d’une intensité
ignorée. “Sautant les barrières, le flâneur plonge dans une nature généreuse,
exubérante, fébrile. La ville n’y est plus que rumeur, un bruit de fond. Un espace urbain se mue en terrain vague ou friche urbaine dès que les humains en cessent l’exploitation.”

Une friche en Haute-Garonne. Photo Apolline PINEAU

Espaces transitoires, colonisés par une végétation spontanée

Les zones industrielles, les jardins à l’abandon, les ruines d’habitation, les aires délaissées le long de voies de transports, routes, fleuves et canaux ; toutes ces friches, ces terrains (à quoi on accole “vagues” car sans plus d’affectation) “se
couvrent avec le temps d’une masse végétale où bientôt disparaissent les vestiges de leur passé anthropique. Les terrains vagues ne constituent pas un milieu spécifique mais plutôt un assemblage d’habitats multiples.”

Ces espaces transitoires, colonisés par une végétation spontanée, ont été étudiés (en 2021) par Marion Brun et Francesca Di Pietro  qui souligianent alors que “les friches sont présentées comme des opportunités pour densifier les villes, mais rarement pour favoriser la biodiversité ou pour le rapprochement des habitants à la nature.”

A l’occasion de cette exposition toulousaine, Audrey Muratet précise : “En ville, la plupart des espaces de nature sont entretenus par des jardiniers de façon à
accueillir les espèces souhaitées. Les plantes y sont semées, plantées, organisées, arrosées, nourries, choyées, taillées, fauchées, arrachées. À l’inverse, les friches ne font l’objet d’aucun projet paysager et leur gestion, quand il y en a une, est dans le seul but de maîtriser leur expansion et non pas leur composition ou arrangement. Chaque friche est en cela unique…”

Tout un univers à découvrir à la “Galerie 24” (Toulouse)

Une perspective plutôt intéressante, car “l’absence d’intervention dans les friches
urbaines est en soi la meilleure des gestions pour laisser les originalités de chaque milieu s’exprimer à travers les communautés de plantes et d’animaux qui y vivent et s’y reproduisent. Elle permet de préserver des singularités écologiques et de lutter ainsi contre l’uniformisation de la nature.”

Un refuge pour certaines espèces. Photo Myr MURATET

Et puis, “les friches sont des refuges pour des espèces peu tolérantes aux tumultes
urbains, vulnérables à la fréquentation, au piétinement ou à la fauche, au bruit ou à l’éclairage. Là, les animaux se nourrissent, se divertissent, communiquent, se reproduisent, élèvent leurs jeunes, s’affrontent. Sangliers, renards, blaireaux, buses, crapauds, fouines, etc. y sont fréquemment observés. Elles sont aussi une halte recherchée par les oiseaux migrateurs à l’abri de la matrice urbaine…” 

De quoi donner envie de (re)découvrir et mieux comprendre ces “terrains vagues” trop longtemps méprisés et mal aimés. Pour en apprendre plus, c’est à Toulouse, à la “Galerie 24” à partier du 19 septembre (de 15h30 à 18h30, du mercredi au vendredi et de 14h à 18h30 le samedi).

Philippe MOURET

Aussi : Manuel d’écologie urbaine. Audrey Muratet, François Chiron et Myr Muratet. Éd. Les presses du réel. 120 pages. 18 €. Plus d’infos sur lespressesdureel.com

Lire un entretien avec Audrey Muratet : https://www.enlargeyourparis.fr/societe/il-faut-accepter-que-la-nature-se-debrouille-souvent-mieux-sans-nous