Aller voir ailleurs. Oser faire un pas de côté, c’est parfois intéressant. Ainsi, Dis-leur ! a eu envie d’aller découvrir des événements qui animent les régions voisines. Premier exemple avec le festival Les Suds, à Arles (Bouches-du-Rhône, en Paca) à travers l’expérience de sa créatrice Marie-José Justamond et un entretien avec le directeur-programmateur Stéphane Krasniewski…
Figure emblématique de la scène culturelle arlésienne, Marie-José Justamond œuvre d’abord de 1977 à 1989 pour les Rencontres Internationales de la Photographie à Arles, en tant que responsable de communication. Puis l’année suivante marque le début d’une transition entre deux mondes artistiques. En effet, Jean Bousquet, maire de Nîmes et ancien patron de Cacharel, lui confie l’organisation de grandes expositions. “Il y eut par exemple Josef Koudelka et Hervé Guibert que je fus très heureuse de réaliser”, confie-t-elle.
L’entrée dans la musique se fait dans la foulée, avec le festival Mosaïque Gitane pour lequel elle assure la production exécutive. Créé à Nîmes par l’Arlésien Chico des Gipsy Kings, Marie-Josée Justamond le reproduit à Arles.
S’ensuit alors l’acte fondateur du festival des SUDS : la rencontre avec le maire nouvellement élu de la ville d’Arles. En septembre 1995, Michel Vauzelle, ancien ministre de la Justice de François Mitterrand et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (de 1998 à 2015), lui présente sa vision de la Méditerranée… “Il ne m’a pas passé de commande, mais il m’a inspirée”, reconnait-elle.
Les musiciens ont un contact particulier avec le public

La naissance du festival est, par ailleurs, fortement liée au contexte de cette époque. En cette fin d’année 1995 s’est tenue la Conférence de Barcelone, laquelle réunissait tous les pays de la Méditerranée, y compris l’État palestinien, Israël, le Maroc, l’Algérie… Dans le but d’imaginer la paix pour les années à venir et “comment d’un point de vue culturel et économique, tout le monde pouvait essayer de se développer et de vivre ensemble” confie la fondatrice. Le nom des “Suds” est donc choisi en échos à cette idée de Méditerranée…
C’est ainsi autour de la musique que l’Arlésienne formule sa proposition au maire d’Arles. Contrairement à d’autres artistes, les musiciens ont l’habitude et le besoin d’avoir le public en face. “C’est un bonheur immédiat de mettre en contact les publics avec les musiciens”, souligne Marie-José Justamond.
Une Méditerranée qui “va d’Istanbul à Rio de Janeiro…”
Dès la première année, la programmation musicale dépasse les frontières et la Méditerranée cède la place aux “musiques des mondes ”, expression que la fondatrice admet difficile : “ On a tous eu du mal à l’assumer tellement elle est floue, mais en fait c’est quelque chose d’absolument passionnant .” Ainsi mène-t-elle de longues réflexions avec ses équipes jusqu’à la conclusion qu’il s’agit “des musique d’inspiration et d’essence patrimoniales, d’ici et d’ailleurs.” Plutôt flou, mais tellement ouvert !

“En suivant la musique, on retrouve l’histoire des peuples” commente-t-elle, rappelant l’inspiration qu’a été le chanteur Antonio Placer par son disque de 1991 sous-titré “La Méditerranée va d’Istanbul à Rio de Janeiro .”
Depuis 30 ans, Arles vibre ainsi, une semaine durant, au rythme des couleurs musicales de ces Suds multiculturels. Et, dès la première édition, le public était au rendez-vous. “Ce fut très émouvant ! Ce n’était bien sûr pas archi-complet comme aujourd’hui, mais c’est quand même venu assez rapidement avec le théâtre antique ” se remémore Marie-José Justamond. Puis, au fil des années l’auditoire s’est amplifié, dépassant les clivages géographiques et politiques…
Et l’avenir ? Marie-José Justamond aimerait simplement que le festival continue dans la même atmosphère, “ avec ce bonheur d’être tous ensemble et d’accueillir les musiciens et musiciennes du monde entier. ”
Elle met un point d’honneur à partager ce grand amour avec des publics très importants. Et à préserver cette convivialité et cette proximité, dans l’espoir “que les peurs et les haines finissent pas disparaître pour que l’on arrive tous ensemble à vivre bien et en paix”.
Clara VENNAT
👉 UN DON POUR SOUTENIR NOS JOURNALISTES !
L’information a un coût. En effectuant un don, vous réduisez, en plus, votre impôt en soutenant les journalistes indépendants de Dis-Leur ! à partir de 1 € et défiscalisé à 66% !
Après notre premier prix un concours national organisé par le ministère de la Culture en 2018 devant 500 autres medias, après l’installation de bandeaux publicitaires en 2019, après avoir été agréés entreprise de presse, nous lançons en collaboration avec le syndicat de la presse numérique (Spiil) un appel aux dons. Merci pour votre générosité et merci de partager largement !

L’entretien :
Pour Stéphane Krasniewski, il est essentiel de “réaffirmer notre identité et nos valeurs”
Le trentième anniversaire du festival de musique Les Suds a pris fin en beauté le 20 juillet lors de la traditionnelle Journée buissonnière en Camargue, en partenariat avec le Conservatoire du Littoral . Ce fut une édition remarquable, haute en couleurs, avec “une fréquentation record” se réjouit son directeur. Dans sa quête pour que résonnent les musiques du monde à Arles, “réaffirmer notre identité et nos valeurs” sera son engagement. Pour ce faire, plusieurs défis devront être relevés: l’augmentation des coûts qui pose la question de la prise de “risque artistique”, une gestion éco-responsable exigeante du festival ,et l’adaptation aux évolutions du public. Stéphane Krasniewski nous livre dans cette interview ses réflexions pour répondre à ces enjeux.