Violences conjugales : Au moins 208 000 victimes en 2021, l’inexorable hausse

Activation d'un téléphone grand danger. Photo : Olivier SCHLAMA

La nouvelle enquête du ministère de l’Intérieur fait froid dans le dos, signalant une augmentation de 21 % par rapport à 2020 qui était déjà en hausse… Les femmes osent de plus en plus franchir le pas d’un dépôt de plainte contre leur agresseur dont huit sur 10 sont Français.

Au-delà de l’affaire Quattennens, du nom de ce député LFI condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violences sur sa compagne, on compte au moins 208 000 victimes de violences conjugales en 2021 en France. C’est ce que nous révèle une enquête sortie aujourd’hui au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), qui dépend du ministère de l’Intérieur. Le SSMSI s’appuie entres autres sur les plaintes enregistrées par les services de sécurité – police et gendarmerie – qui signalent chaque jour près de 570 plaintes ! Soit une augmentation de 21 % par rapport à 2020 “mais, pour un quart d’entre elles, ces faits sont antérieurs à 2021”. Et encore ce n’est qu’une toute petite partie des faits commis, comme le souligne l’enquête Genese ICI.

Grenelle des violences conjugales, libération de la parole

Pourquoi cette hausse du nombre des victimes ? La société française y est-elle davantage sensible et nombre de femmes osent franchir le pas d’un dépôt de plainte ? Le service spécialisé du ministère de l’Intérieur valide et ajoute : “Les mesures adoptées à l’issue du Grenelle des violences conjugales pour encourager les victimes à porter plainte ont conduit à une libération de la parole qui a profité davantage aux faits anciens qu’aux faits les plus récents. En effet, la part des faits anciens (commis antérieurement à l’année de leur enregistrement) n’a cessé d’augmenter depuis 2016, passant de 18 % à 28 % en 2021.”

“Cette hausse de même ampleur qu’en 2019 et 2020”

Dépôt de plainte pour violences conjugales au commissariat de Sète. Photo : Olivier SCHLAMA

La hausse est inexorable. “Cette hausse est de la même ampleur que celle observée en 2019 (18 %), après une progression plus limitée en 2020 (+ 12 %). L’évolution du nombre de victimes enregistrées par les forces de sécurité ne rend cependant pas compte directement de l’évolution de la délinquance car elle reflète également celle de la propension à porter plainte, qui dépend tout à fois de la nature de l’infraction, du contexte dans lequel elle a été commise”, de l’évolution des comportements dans la société pouvant favoriser la libération de la parole des victimes mais aussi des conditions d’accueil réservées aux victimes qui portent plainte et des dispositifs de protection ou de sanction mis en place.

89 % des mis en cause sont des hommes

La grande majorité des victimes sont des femmes (87 %). La Guyane, la Seine-Saint-Denis, le Nord, la Réunion, le Pas-de-Calais et le Lot-et-Garonne sont les départements où le nombre de femmes victimes pour 1 000 habitantes est le plus élevé, sachant que 89 % des mis en cause en 2021 sont des hommes. Et encore les victimes de violences conjugales signalent rarement aux services de sécurité les faits qu’elles ont subis. D’après l’enquête de victimation Genese, moins d’une victime de violences conjugales sur quatre avait porté plainte en 2020.

Lot-et-Garonne et Pyrénées-Orientales

En 2021 sur l’ensemble du territoire, 8,4 femmes âgées de 15 ans à 64 ans pour 1 000 habitantes de la même tranche d’âge ont été enregistrées par la police ou la gendarmerie comme victimes de violences conjugales. Parmi les départements les avec un taux supérieur à 10 : 12,7 pour la Guyane, taux le plus élevé de tout le territoire, 11 pour la Réunion et 10,3 pour la Guadeloupe. En métropole, 7 départements ont un taux supérieur à 10 : la Seine Saint-Denis (11,6), le Nord (11,3), le Pas-de-Calais (10,9), Le Lot-et-Garonne (10,8) les Pyrénées-Orientales (10,4), les Alpes-Maritimes (10,3) et les Bouches-du-Rhône (10,2). À l’exception du Lot-et-Garonne, ces départements faisaient tous déjà partie des 10 départements aux taux de victimes enregistrées pour 1 000 habitantes les plus élevés en 2020.

83 % des mis en cause sont français

Activation d’un téléphone grand danger. Photo : Olivier SCHLAMA

Comme les victimes, la grande majorité des mis en cause enregistrés en 2021 pour violence conjugale sont français (83 %). La part des étrangers (17 %) est globalement supérieure à celle des étrangers vivant en France (8 %), mais elle s’établit à un niveau similaire à la part des victimes étrangères parmi l’ensemble des victimes enregistrées (15 %). Cette part s’approche de leur part dans la popu- lation pour le harcèlement conjugal (11 %), les injures ou diffamations (10 %) et les atteintes à la vie privée (9 %)

Par ailleurs, l’étude réalisée par la délégation aux victimes (DAV) du ministère de l’intérieur recense 143 homicides conjugaux commis en France en 2021. Près d’un tiers des victimes de violences conjugales ont subi une violence verbale ou psychologique : menaces (14 %), harcèlement moral (11 %), atteintes à la vie privée (4 %) ou injures et diffamations (1 %).

Olivier SCHLAMA

(1) Les crimes et délits conjugaux recouvrent des infractions de natures très différentes : violences physiques (qui vont des homicides aux violences sans incapacité), violences sexuelles (du viol au harcèlement), violences verbales ou violences psychologiques.

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