Rupture de stocks au Mas Daumas-Gassac : il n’y en aura pas pour tout le monde !

Roman Guibert (au premier plan) et ses frères... Le domaine de Daumas-Gassac regarde vers l'avenir

L’emblématique domaine languedocien, à Aniane (Hérault), était connu pour son combat titanesque contre son rachat, en 2000, par l’Américain Mondavi. Celui-ci a participé de la création de l’expression « Terroiriste » exprimant un irrédentisme séculaire, historique et culturel. Un symbole. Aujourd’hui, Roman Guibert, le patron de Mas Daumas-Gassac, fondé en 1978, est en rupture historique de stock de son vin. Son étendard : la qualité.

Vous êtes déjà en rupture de stock du millésime 2015 ?

C’est assez fréquent en cette période mais pas à ces niveaux-là. Et à cette rapidité-là ! Cette hausse des ventes en primeur est de l’ordre de 20%. Un record. Cette rupture, cet épuisement de l’ensemble d’un millésime en primeur d’un vin d’élevage comme le nôtre, s’est déroulée en moins d’un mois, fin octobre. 160 000 pièces vendues 33 euros la bouteille en rouge, était en vente à 22 euros. 40% de moins que son prix six mois après, cette qualité à ce prix-là, c’est une affaire. C’est simple : pour en acheter aujourd’hui, le bon plan, c’est d’aller chez des cavistes qui, eux, en ont acheté en primeur. J’ajoute que nous avons également vendu la quasi-totalité des blancs 2016 (55 000 bouteilles), confirmant le phénomène de rareté rattaché à ses vins. Nous avons dû diviser nos commandes par deux pour satisfaire un maximum de clients. Les commandes professionnelles ont été limitées à 30 bouteilles et les particuliers à 6 bouteilles. Au total, nous produisons 230 000 cols par an, rouge, rosé et blancs compris.

Comment l’expliquez-vous ?

C’est d’autant plus étonnant que le contexte économique ne s’y prête pas en France. On a une très forte image auprès des amateurs. C’est assez unique pour un vin qui n’est même pas labellisé AOC, qui n’existait pas à la création du domaine. L’INAO a juste reconnu l’IGP dénomination village Saint-Guilhem, Cité d’Aniane par reconnaissance de notre travail.
Ce que je peux dire c’est que nous revendiquons une chose : nous sommes totalement investis pour l’excellence. Pour la constance dans la qualité à un prix accessible à tous les amateurs. Et on tient à la garder. Ensuite, c’est un vin – du Cabernet-Sauvignon à 70% pour le rouge – qui tient 30 ans au vieillissement. C’est une incroyable longévité qui en fait une valeur sûre de placement. C’est un style de vin qui n’est pas fait pour les guides. C’est un vin trop compliqué. Austère dans sa jeunesse. Et à contre-courant de la tendance actuelle d’acheter pour boire de suite mais qui consacre la réussite commerciale de ce système de vente par souscription. C’est magique. C’est un vin qui révèle son excellence au bout de 15 ans ! Nous disons aux amateurs : buvez toutes les autres bouteilles de vins de la région que vous avez dans votre cave et oubliez-y le Daumas-Gassac ! Buvez-le en dernier.

Une incroyable fronde anti-Mondavi, anti-mondialisation, anti-américaine, anti-concurrence s’était créée. Que retenez vous de l’expérience Mondavi, qui fut, malgré tous ces soutiens, un échec ?

Ceux qui disaient que l’on faisait une grosse connerie de refuser qu’une winnerie californienne nous rachète ont manqué de clairvoyance. D’abord, on a protégé un vrai patrimoine : le projet prévoyait de supprimer 50 hectares à 100 hectares de garrigues. Privant les acteurs locaux, viticulteurs, chasseurs, habitants, etc. De leur terroir. Du coup, tout le monde a dit non avec nous. L’avenir nous a donné raison : peu de temps après, Mondavi a pris la majorité dans un domaine italien et a mis dehors ses propriétaires en revendant le domaine à des concurrents. Cela illustre bien le machiavélisme.

La qualité, c’est le salut ?

Ce n’est pas l’affaire Mondavi qui nous a octroyé notre image. C’est le fait que nous représentons le patrimoine du Languedoc. On n’est pas les seuls : cette image se construit aussi avec des domaines comme le Mas-Julien, le domaine Aupilhac ou encore le prieuré Saint-Jean-de-Nébian, etc. Il y a une grande diversité de petites PME passionnées dans cette région. Et c’est grâce à elles que le Languedoc resplendit en France et dans le monde. Daumas-Gassac a ouvert la voie.

Olivier SCHLAMA