Vignobles : Boutenac, un cru en Corbières, de grès et de force

Marc Médevielle dévoile tous les secrets du Cru Boutenac, de son terroir, son cépage emblématique et l'action des hommes... Photo ©Cru BOUTENAC

En 2005, naissance de l’AOC Corbières-Boutenac, seule appellation communale en Corbières, qui réunit aujourd’hui 28 producteurs sur dix communes autour du massif du Pinada. Ici, le cépage Carignan est roi ! Mais, souligne Marc Médevielle, “le grès est l’élément clé du terroir Boutenac…”

Et l’auteur de l’ouvrage de citer Gérard Bertrand (vigneron, fondateur du groupe éponyme) : “Ce qui fait la particularité de Boutenac, ce sont les galets roulés, l’enracinement profond. Et le caractère ferrique, c’est le fer qui ressort dans le vin (…) Les v ins de Boutenac, je peux les reconnaître entre mille !”

Le musée Narbo Via, écrin somptueux d’une présentation

Au musée Narbo Via, de g. à d. : Marc Médevielle, Nathalie Poux du Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée et David Latham du château Saint-Estève, président du cru Boutenac. Photo Ph.-M.

Mais n’allons pas trop vite. Cette semaine, c’est au musée Narbo Via que s’est déroulée la présentation de la monographie Boutenac, un cru en Corbières. Une co-production entre l’appelation audoise emblématique et le Parc naturel de la Narbonnaise en Méditerranée. Car si ce dernier est connu pour ses actions en faveur de l’environnement et de la biodiversité, il met aussi en valeur le patrimoine et la culture…

Ainsi, la monographie qu signe là Marc Médevielle va bien plus loin que la simple description pour amateurs de vins. C’est un hymne à une terre, à un savoir, à une histoire, à l’engagement des femmes et des hommes qui cultivent cette petite partie du vignoble des Corbières (Aude) avec amour et passion pour un cépage parfois décrié, le carignan. Comme le précise le texte “un temps largement sacrifié en Languedoc, le carignan occupait en 1958 84% du vignoble de Boutenac. Il a trouvé là l’un de ses refuges les plus sûrs.” (*) !

Le choix audacieux des défenseurs du cépage carignan

D’origine espagnole, c’est un cépage noir arrivé dans le vignoble du sud-ouest de la France au Moyen Âge. Longtemps après, au tournant des années 2000, “défendre les couleurs du carignan relevait de l’archaïsme ou de la provocation. Imperturbables, les leaders de Corbières-Boutenac n’ont pas hésité à imposer 30% minimum de carignan dans l’encépagement des exploitations désireuses de produire des cuvées de cette appellation” écrit Marc Médevielle.

Pour Jacqueline Bories (qui a pris en mains le château des Ollieux-Romanis en 1978), citée dans l’ouvrage : “On a fait de la résistance pour défendre les vieux carignans, qui donnaient des vins un peu durs, peut-être, mais qui étaient identitaires. A mes yeux, le cru Boutenac vient de cette résistance”, dit-elle.

Dans l’Aude, une “dynamique humaine” qui a tout donné pour le vin

Mais l’auteur remonte bien plus tôt dans l’histoire pour expliquer cet esprit de résistance et riche de ses investigations, il rappelle que c’est ici, sur cette terre des Corbières qu’a été esquissée pour la première fois la notion d’appellation, d’ailleurs validée par le Conseil général de l’Aude dès… 1909 !

Pour Marc Médevielle : “Dans l’histoire de ce département de l’Aude, il y a toujours eu des hommes et des femmes au caractère visionnaire”, une “dynamique humaine” exceptionnelle. Il cite, entre autres Lucien Semichon (1869-1952) pour son travail à la direction de la station oenologique de l’Aude et Didier Viguier

Quelques recettes dans les étoiles

Enfin, il ne faut jamais oublier que le premier ingrédient d’un vin réussi c’est le plaisir ! Un plaisir qui va de pair avec la gastronomie. Pour la monographie, huit cuvées sélectionnées ont été confiées aux trois chefs audois étoilés qui proposent des acords vin / plat. Gilles Goujon (Auberge du Vieux puits, à Fontjoncouse), Lionel Giraud (La Maison Saint-Crescent à Narbonne) et Franck Putelat (La table de Franck Putelat – Hôtel Le Parc, à Carcassonne) se sont essayés à l’exercice…

 

Philippe MOURET

Autrefois journaliste spécialisé dans les vins du Midi, Marc Médevielle explore dorénavant les archives et l’histoire de la viticulture languedocienne. Installé à Peyriac-de-Mer dans l’Aude, il s’intéresse notamment à la période qui précède l’ère de la viticulture industrielle au XIXe siècle et son héritage contemporain. Durant plus d’un an, il a sillonné le terroir de Boutenac à la rencontre des vigneronnes et des vignerons du cru, mais aussi de spécialistes et techniciens qui ont contribué à la rédaction de ce livre.
(*) En 1988, nous apprend la monographie, le carignan “couvrait 167 000 hectares, ce qui en faisait la variété la plus cultivée en France. Et puis soudain, tout a basculé (…) En 2015 il n’occupait plus que 28 700 hectares en Languedoc-Roussillon…”

Découvrir la “Route du cru Boutenac”https://vins-corbieres.com/fr/routes-des-vins/la-route-du-cru-boutenac

Extrait du site Légion VIII Augusta (groupe de reconstitution de l’armée romaine spécialisée sur la période flavienne (fin Ier siècle après J.-C.) : “En Narbonnaise méridionale, les dolia, immenses jarres d’argiles, étaient enterrées et maintenues par un remblai. Ceci présentait l’avantage d’empêcher qu’elles ne se brisent et permettait leur remplissage au moyen d’un tuyau. Mais surtout, l’enfouissement de ces jarres offrait des conditions idéales pour la conservation du précieux breuvage, la masse de terre absorbant les écarts de température extérieure, mais aussi ceux liés au dégagement calorique lors de la fermentation des levures et de la transformation du sucre en alcool. Seul inconvénient, ces dolia en argile étaient des récipients poreux, qu’il fallait donc étanchéifier au moyen d’un enduit de poix végétale bouillant, obtenu à partir d’un résineux. Enduire ces grandes jarres représentait un travail fastidieux et considérable qui devait être renouvelé chaque année. Conséquence inévitable : le vin héritait d’une saveur de poix caractéristique, proche de celle d’une fumée, voire de goudron ! Tant et si bien que certains consommateurs habitués à ce goût allaient jusqu’à demander des vins spécialement additionnés de poix !” Texte intégral : https://leg8.fr/alimentation/le-vin-chez-les-gallo-romains/ Voir aussi sur ce sujet le site archéologique Amphoralis, à Salleles-d’Aude : https://www.audetourisme.com/fr/fiche/salleles-d-aude/musee-des-potiers-gallo-romains-amphoralis_TFOPCULAR0110000050/

Marathon de Boutenac : Intitialement prévu en 2021, le Marathon du Boutenac en Corbières aura bien lieu en 2022 ! Ce sera le week-end des 22 et 23 octobre. Sous l’impulsion de l’association Run and Trail Ornaisons et avec l’appui de nombreux partenaires dont le cru Boutenac, il se déroulera sur le terroir de l’appellation. Seuls ou par équipes, les participants pourront profiter de quelques haltes vigneronnes tout au long du parcours de 42 km… On vous en reparlera !

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