Vendée Globe : Une voile-toile de 300 m2 de Di Rosa pour financer un bateau sétois !

Hervé di Rosa dans son atelier. Photo : Victoire Di Rosa.

C’est sans doute une première : la voile d’un bateau de course ne sera pas vendue comme espace de publicité. Le skipper Nicolas Rouger a l’idée de vendre 300 morceaux de la voile de son futur bateau, dessinée par l’artiste sétois Hervé Di Rosa, à des investisseurs pour financer un projet de Tour du Monde sans escale en 2024, avec Sète comme port d’attache.

Trois cents mètres carrés qui claquent au vent sur toutes les mers du globe ! Comme un drapeau, symbolisant le mariage entre art, sport et économie, une voile-toile de l’artiste Hervé Di Rosa financera un bateau en vue de la mythique course du Vendée Globe 2024. C’est le pari fou d’un Sétois “de coeur”, Nicolas Rouger, qui a eu cette idée : équiper un bateau de course, capable de se qualifier pour le Vendée Globe 2024, d’une voile de 300 mètres carrées et de 29 mètres de haut, façon oeuvre d’art ! Le nom de ce projet ? “Demain, C’est Loin, inspiré du mythique titre du groupe marseillais IAM, qui devait être de l’aventure et qui le sera à moment donné. C’est un projet audacieux mêlant l’émotion d’une aventure humaine unique”.

Quelque 250 carrés de 1m2 et 50 m2 pour les sponsors

Photo : Olivier SCHLAMA

Pour financer cette épopée sans avoir recours aux traditionnels sponsors (banques, mutuelles, marque de café…), le skipper propose de faire dessiner la grand-voile par l’artiste sétois Hervé di Rosa. Et de vendre ensuite la voile par “appartement”, par petits bouts, au total 250 morceaux de 1m2 et 50 m2 réservés aux sponsors institutionnels. Une sorte de crowndfunding. Les acteurs économiques du bassin de Thau sont appelés, en priorité, à regarder cette proposition de près. S’ils achètent une partie de la voile, ils récupèreront ainsi leur oeuvre originale, signée de l’artiste, à l’issue du Tour du Monde sans escale de 2024.

“Une présence garantie pendant des années sur toutes les mers du globe !”

Pour un investissement de 20 000 €, ils peuvent ainsi participer à l’aventure, posséder une oeuvre originale d’un mètre carré unique et, accessoirement, défiscaliser la totalité de cet achat sur quatre ans. Ce que permet la loi française, à raison de 5 000 € par an en totalité, si l’artiste est français et vivant comme l’est Di Rosa. Ce qui n’est pas très onéreux car, en outre, argumente Nicolas Rouger, “nous offrons sur la voile, un emplacement pour le logo des entreprises-mécènes qui auront participé à l’achat d’une partie de la voile. Et c’est une présence garantie pendant des années sur toutes les mers du globe !” (1).

“C’est curieux, je n’aime pas particulièrement la voile ; je n’aime pas particulièrement le grand large…”

Hervé Di Rosa

“Sur la voile, je dessinerais tout l’équipage de cette aventure, témoigne Hervé di Rosa, l’un des artisans de la Figuration libre, avec Robert Combas et François Boisrond. Chaque morceau de 1 m2 aura donc un personnage…” Pourquoi le fondateur du Miam, le Musée des arts modestes, à Sète, a-t-il répondu présent pour réaliser cette fresque ? “C’est curieux, je n’aime pas particulièrement la voile ; je n’aime pas particulièrement le grand large… C’est surtout l’énergie de cet hurluberlu qu’est Nicolas Rouger et le fait que, dans cette histoire, il y ait le directeur des Beaux Arts de Sète, Philippe Saulle, et que le maire de Sète soutienne l’initiative.”

Et puis c’est un projet qui correspond bien à l’artiste qui dit avoir déjà réalisé dans sa carrière “une oeuvre protéiforme, qui s’immisce de partout. Qui n’est pas bourgeoise…”, dit l’inventeur de l’art modeste. Hier soir, l’artiste a précisé l’origine du projet : “Un jour, Nicolas m’appelle et me demande : “J’ai besoin de toi pour acheter un bateau…”Je lui ai répondu que j’avais d’autres choses à faire… J’ai réfléchi longtemps. J’ai dit que je n’avais pas le temps ; ce qui était vrai, d’ailleurs. Et puis j’avais peur. Cela peut être bien mais aussi on peut se rater…”

Garantir l’intégrité de la voile-toile

En réalité, le bateau naviguera avec un double de l’oeuvre faite en flocage. Une fois réalisée, l’oeuvre véritable, elle, ne naviguera pas et sera mise sous clef dans un garage. Cela permettra de garantir l’intégrité de la voile-toile en cas de casse du mât. “On ne sait même pas si on aurait pu l’assurer sur le bateau”, confie Nicolas Rouger, le skipper. “Et puis, techniquement, cela n’aurait pas été possible : ces kilos et kilos de peinture nécessaires pour peindre la voile auraient trop alourdi la voile”, renchérit Hervé di Rosa, précisant que l’oeuvre, pourrait après le Vendée Globe, être exposée.

“Un projet qui a une gueule folle !”

Nicolas Rouger renchérit : “Pour la première fois dans l’histoire du sport nautique, l’Art devient sponsor. La voile-toile imaginée par Hervé Di Rosa et réalisée par les élèves de l’école des Beaux-Arts de Sète, sera divisée en 250 toiles uniques de 1 m2 signées. Et une partie des bénéfices sera reversée à l’aide sociale à l’enfance”, confie encore Nicolas Rouger.

“C’est un projet qui a une gueule folle !, s’enthousiasme Nicolas Rouger. “Pour nous, marins, le Vendée Globe, sans escale ni assistance, c’est la plus belle course qui soit. Ils ne sont que 90 skippers dans le monde à l’avoir bouclée. C’est un projet auquel j’ai beaucoup réfléchi. J’ai 25 ans de navigation derrière moi et l’équivalent de deux tours du monde…” Le skipper a quelques faits d’arme intéressants dans la voile, notamment déjà un précédent “pari fou” : rallier en 2017 Sète à Majorque (en 60 heures au lieu de 12 heures prévues…) sur un mini-catamaran de 6,5 mètres avec un binôme, Mathieu Cassanas, qui sera le boat capitaine du bateau. Un vrai baroudeur !

“Gamin, c’était un rêve inaccessible…”

Né à Paris il y a 42 ans, Nicolas Rouger, qui vient “en vacances chaque année à Sète”, y a acheté une maison et y a appris la voile. Le skipper a passé son brevet de skipper (PPV) au Lycée de la Mer en 2001. Mini-transat ; Rolex Cup, etc. “Pendant cinq ans, j’ai convoyé toute sortes de voiliers entre la Corse et le continent”, confie l’intéressé. Il fait ensuite une pause. Achète un resto à Marseille, fait dans l’immobilier. Et tente aujourd’hui de “réaliser un rêve d’enfant. C’était, gamin, un rêve inaccessible. Je l’ai toujours gardé dans un coin de ma tête. Et puis un jour il a refait surface, il a mûri avec des amis qui m’entourent…” L’équipage, promet-il, sera 100 % sétois.

“Naviguez sur toutes les mers du globe !”

Nicolas Rouger dit : “Je propose un nouveau modèle économique appliqué à la voile. Personne ne l’a fait avant.” Et, selon lui, c’est une très bonne affaire pour un investisseur : “Imaginez, le ticket d’entrée pour sponsoriser un bateau comme un placart de pub, est de 150 000 € à 200 000 € habituellement. Nous, notre message c’est de dire : avec 20 000 € totalement défiscalisable, vous pouvez naviguez sur toutes les mers du globe”, parce que le bateau va devoir s’engager dans plusieurs courses pour se qualifier in fine pour le Vendée Globe.

Nous ne cherchons pas à gagner le Vendée Globe (…) Ce que nous voulons, c’est raconter une belle histoire qui, quoi qu’il arrive, restera longtemps…”

Nicolas Rouger, skipper

Car il faut auparavant acheter un bateau. “Nous avons déjà repéré à Caen un Imoca de 60 pieds (18,28 mètres), l’ex Campagne de France, sorti des chantiers en 2006, qui déjà fait le Vendée Globe. Son coût est de 800 000 €, dont 400 000 € de travaux et d’optimisation. Il faut l’alléger et changer la quille. C’est beaucoup moins cher qu’un neuf qui vaut environ 8 M€. Ce sera financé par un emprunt au Crédit Lyonnais”, explique encore Nicolas Rouger.

Nicolas Rouger Ph. Xavier Suzanne

Dans son équation, c’est important de commencer à régater le plus vite possible “pour accumuler des miles en mer, ce que permet chaque course à laquelle nous allons participer avant le Vendée Globe. Il n’y a que 40 places pour 2024. Rien que de prendre le départ sera déjà une victoire. Nous ne cherchons pas à gagner le Vendée Globe. Ce n’est d’ailleurs pas possible : il faudrait un budget d’au moins 15 M€. Et puis il n’y aura qu’un seul gagnant… Ce que nous voulons, c’est raconter une belle histoire qui, quoi qu’il arrive, restera longtemps…”

Transmission auprès des enfants

Pour Nicolas Rouger, ce projet a aussi une vertu de “transmission auprès des enfants des écoles que nous allons sensibiliser. La voile, c’est l’écologie, la géographie, de la mécanique, etc. Et puis notre rôle, c’est aussi d’ouvrir la voile, sport fermé, à tous les enfants de Sète et du bassin de Thau. “On peut imaginer plein de choses, un concours de dessins auprès des enfants des écoles sur ce modèle-là, ajoute Nicolas Rouger. On en est qu’aux prémices. Et pourquoi pas créer des vocations…”

“Ce soir, c’est le départ d’une aventure sportive et humaine ; l’une des plus belles qui soit”, a qualifié le maire de Sète, François Commeinhes, qui s’est félicité qu’à terre, le projet inclue “des expositions et des actions éducatives dans les écoles”.

Olivier SCHLAMA

(1) En 2022, l’équipage prévoit : d’établir le record de la traversée de la Méditerranée entre Marseille et Carthage (Tunisie) ; le Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonnes ; la Rolex Fastnet-Cowes-Plymouth (UK) ; le Défi Azimut-Lorient ou encore laRoute du Rhum-Saint-Malo-La Guadeloupe.

En 2023, l’équipage prévoit : une nouvelle fois le record de la traversée de la Méditerranée entre Marseille et Carthage (Tunisie) puis les 900 Nautiques de Saint-Tropez-Giraglia Rolex Cup-Saint-Tropez

En 2024, ce sera : la Transat CIC-Brest-Charleston (USA) ; et bien sûr le Vendée Globe, le fameux tour du monde sans escale.