Un an avec le covid : “On a créé un lien privilégié avec la population”

Maire LR de Castelnau-le-Lez, 7e ville de l’Hérault (22 000 habitants), vice-président de la Métropole de Montpellier, Frédéric Lafforgue, 54 ans en septembre, a vécu une année “éprouvante et enrichissante”. Il nous explique pourquoi. Et ce que cette crise sanitaire a changé.

Comment avez-vous vécu cette première année “covid” ?

C’était une période éprouvante et, en même temps, enrichissante. Il faut gérer le quotidien, parfois difficile ; et anticiper le quotidien, n’a pas été chose facile. Nous, à Castelnau, nous avons été confinés un peu avant l’heure, à cause d’un cluster au Crès. Le mercredi avant les élections municipales, j’ai déjà dû gérer la fermeture des huit écoles primaires et maternelles avec 5 000 gamins, le collège et deux lycées, plus les établissements sportifs. Le tout, pour le lendemain matin. Ça a donc commencé par une journée qui s’est terminée à minuit avec des coups de fils partout, jusqu’aux présidents d’associations, les directeurs d’écoles, les parents d’élèves… Le jeudi, c’étaient aux établissements culturels de fermer. Et le samedi soir, Edouard Philippe qui annonce la fermeture des restaurants… Et le premier tour des élections le dimanche matin !

Cela signifie quoi “enrichissant ?” Que votre regard et vos capacités de décision ont changé ?

Je dirais en premier lieu que nous avons bénéficié de l’agilité de la collectivité qui, au fur et à mesure s’est adaptée à ce contexte nouveau et difficile. J’ai une belle administration. Il fallait aussi innover. Et “tenir le bateau” : c’est quand même la deuxième ville de la Métropole tout en étant mobilisés. Ce que nous ne prévoyions pas, c’est que l’on était partis pour deux mois et demi de deuxième tour avec confinement et avec tirs “à balle réelle” de l’opposition qui s’était toute regroupée contre moi pour me faire la peau…

Il y eut la période des masques…

Un grand moment ! On a couru après les masques ; j’ai couru après les blouses pour les Ehpad où l’on n’avait rien… Là aussi il s’agit d’agilité : j’ai échangé sur une boucle WhatsApp des soignants de la commune ; on s’est parfois retrouvés seuls avec la DGS la nuit en mairie pour gérer à distance plein de choses. On avait 80 des 500 agents en télétravail, alors qu’à Montpellier, ils n’étaient même pas 50 à ce moment-là. On a eu la capacité à vite se mettre en place, à rebondir.

Et les aides ?

On a été la première commune à signer une convention avec la région Occitanie. J’ai passé des journées entières à essayer de trouver des solutions avec préfet, présidente de région… Parce que certaines communes voulaient mettre en place une aide spécifique aux commerçants, artisans mais elles n’en ont pas le droit ! Le trésorier-payeur refusait. La convention, c’était du cousu-main.

Le lendemain tout le monde nous l’a pompée, y compris dans la Loire, en région parisienne. On a donné un coup de pouce à plus de 150 entreprises, avec une commission extra-municipale où siégeait l’opposition. On avait débloqué une enveloppe de 2 M€ que nous n’avons pas totalement consommée. On donnait une aide, sous critères, de 500 €. L’Etat avec la Région, lui, donnait 1 500 € et la Métropole sur les loyers 500 €. Ça a fonctionné : on a vraiment limité la casse. Ce n’est pas tout : il fallait s’occuper des personnes isolées ; moi, j’allais à la Banque alimentaire tous les jeudis (on est passé de 120 à plus de 200 paniers à préparer)…

Qu’est ce que cela a changé pour la vie municipale ?

On a pu développer l’esprit d’innovation. L’aide aux entreprises, par exemple, il a quand même fallu se creuser les neurones et sortir des sentiers battus ! Ensuite, l’expérience a joué. En octobre où le gouvernement voulait fermer toutes les salles sportives. Eh bien, nous avons une députée, Coralie Dubost, proche du ministre de la Santé… Je l’avais sensibilisé au fait que nous pouvions très bien adapter le protocole des écoles aux salles de sport. On laissera les parents dehors mais les gamins, qui en ont besoin, pourront toujours pratiquer. On y est arrivés. Ça a fonctionné comme cela pendant un mois et demi.

Il y a eu la création de Maisons des proximités ?

On les a utilisées dans un premier temps pour la livraison des masques avec la Métropole (lire ci-dessous). Les agents ont appelé les personnes isolées – nous avions la liste canicule- pour garder le lien social. Et, depuis quelques temps, nous nous en servons pour accueillir les étudiants qui peuvent venir y travailler. Ils sont plus de 600 au total. C’est un public qui a été un temps zappé. On a donc mis des mesures spécifiques avec le CCAS, sous forme d’une aide en bons d’achat. Ensuite, on a travaillé avec le Crous. Et on a mis en place des espaces de coworking dans les Maisons des proximités.

A l’entrée de la ville, nous avons une Maison des proximités avec ce genre d’espace pour travailler. La semaine dernière, quatre jeunes sont venus. Cela faisait un an qu’ils ne venaient pas en cours. Ils ont pu se revoir et bosser ensemble. Il y a même des imprimantes. On bosse aussi sur les jobs étudiant. Avec Pôle emploi et les entreprises de Castelnau. Même la mairie est mobilisée : cette semaine, on prend un jeune étudiant en Sciences po qui va aller au centre de vaccination ; ça lui fait un complément de dix heures de travail.

Cette crise redonne-t-elle du lustre au rôle de maire ?

Oui. Dans cette crise, deux personnes ont existé : le maire et le préfet. On a géré pour tout, y compris actuellement pour le centre de vaccination. Les présidents de région, ensuite, qui ont pris le relais. Les parlementaires, eux, ont été inexistants. On est pivot et pilier. Sans les maires…

Vous êtes, vous les maires, devenus incontournables ?

Oui (rires). Même si on n’a pas toujours derrière des fantassins de l’Etat nous enverrait…!

Avez-vous intégré cette crise dans le “logiciel” de maire que vous êtes et qu’est-ce quelle vous a appris ?

Oui, on l’intègre. En tant que service public, on reçoit sur rendez-vous ; les dispositifs sanitaires sont crantés au maximum ; le télétravail est mis en place… Les visio-conférence, franchement, je vais les garder. Cela évite les déplacements. C’est une autre organisation. Il y a un temps nouveau. Les collectivités ont su s’adapter. Les élus aussi. Il y a quand même du bon. Le dialogue social avec les syndicat s’est poursuivi toutes les semaines pendant le confinement. Quand il a fallu relancer les écoles le 11 mai, tout le monde était prêt.

Cette crise nous amenera-t-elle vers le monde d’après ?

Déjà, on a créé un lien privilégié entre élus et population. On est dans les derniers repères. Avant, il y avait le notaire, le curé et le maire, il ne reste plus que le maire. C’est le travail de proximité qui compte.

En première ligne, les maires ont meilleure presse. Pour autant les extrémistes, le RN sont en progression. Comment l’expliquez-vous ?

Comme dans toute période de crise, il faut faire attention aux extrêmes. En tant qu’élu, j’ai un engagement plein et entier. Pourquoi me suis-je occupé des étudiants ? Parce qu’il suffit qu’il y en ait un qui arrive, qui ait une belle gueule et un discours extrémiste qui porte et il nous met le feu partout. Y compris dans les cités. Les trafics sont exacerbés. Quand il y a un confinement ou un couvre-feu à 18 heures, tout se voit… Si dans certaines cités, certains trafiquants gèrent à la Kalachnikov, c’est qu’ils ont perdu du chiffre d’affaires. Là aussi, les élus doivent être présents sur des sujets comme la sécurité.

Si on monte au créneau, c’est pour défendre notre démocratie qui peut être fragilisée et très rapidement. Les élections régionales arrivent et il faut être prudent : le porte-clefs pourrait très bien se retrouver dans les mains du RN. Il y a déjà des berceaux comme Béziers, Perpignan, Beaucaire… Un cordon ombilical pourrait se créer. Il faut de la résistance. Garraut, le candidat du RN, pourrait passer avec un discours de droite dure. Il faut être prudent. MM Aliot et Ménard, il ne faut pas les négliger. On en parle entre maires. Y compris, comme 5e vice-président de la Métropole, avec Michaël Delafosse. Après la crise sanitaire, la crise économique et sociale. Les deux premières on les a déjà bien cumulées ; la 3e on y entre. C’est aux élus à tenir tout ça.

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA

“Un budget plan de relance de 50 M€”

Un budget “exceptionnel dans une période encore plus exceptionnelle” vient d’être voté.

La municipalité de Castelnau-le-Lez a voté un budget exceptionnel de 50 M€ (dont 21 M€ en investissement et 30 M€ en fonctionnement) et en comptant un nouvel Ehpad. “C’est un véritable plan de relance pour l’économie locale, sans augmenter les impôts et en réduisant la dette.” Avec plusieurs volets. Dont l’éducation qui bénéficiera notamment de la construction d’un groupe scolaire, baptisé Jacques-Chirac de 11 M€ (dont 7 M€) à la charge de la commune. Au programme également, la réfection de plusieurs cours d’écoles.

On trouve également dans ce budget un volet environnemental avec un projet de réaménagement des berges du Lez comprenant, notamment, à l’automne, un parc urbain à l’entrée de la ville – plébiscité par 73 % des habitants – avec aires de jeux pour enfants et food-truck. Une passerelle entre les deux communes de Montpellier et de Castelnau-le-Lez est à l’étude. Un jardin partagé, l’un des plus importants du pays, sera aussi réalisé. Au total, près de 1 M€  seront investis visant à des économies d’énergie sur les bâtiments communaux et l’installation de photovoltaïque au Palais des Sports.

La sécurité ? La commune consacrera 150 000 € pour de nouvelles caméras de vidéosurveillance, notamment, et l’achat de deux voitures pour la police municipale. Sans oublier les primes (IAT). Quant au volet social, il n’est pas en reste (lire ci-dessous).

O.SC.

Bientôt une 5e Maison des proximité

En décembre 2017, la première Maison des proximités voyait le jour, au Mas de Rochet. Depuis, la commune a créé deux autres maisons, à l’écoquartier de Caylus eau Devois. Vient d’ouvrir celle de Prado Concorde, place du Général-de-Gaulle, en attendant la dernière dans le quartier d’Eurêka.

Labellisées Espace de vie sociale par la Caisse d’allocations familiales, les Maisons des proximités sont “des lieux de vie, de rencontres, des lieux hybrides conçus pour améliorer la vie des habitants de la ville de Castelnau-le-Lez. Soutien aux démarches administratives, animations menées par les habitants pour les habitants, moments de convivialité, projets culturels, sportifs, de quartier, les raisons de venir dans les Maisons des proximités sont nombreuses”, souligne la municipalité. Y compris depuis peu : elles sont ouvertes aux étudiants les après-midi pour y faire du coworking.

On y déploie un projet social basé sur l’accompagnement des familles, les projets citoyens et solidaires et la lutte contre la fracture numérique.

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