Fléau : Enfin un piège contre le frelon asiatique, tueur d’abeilles !

Même les abeilles sauvages pourraient tirer profit de ce piège d'abord imaginé pour les abeilles mellifères domestiques. DR.

On entre pleinement dans la “saison” du frelon asiatique qui nourrit ses petits avec des abeilles. Un Audois de 56 ans a inventé le piège apparemment parfait doté d’intelligence artificielle identifiant et capturant à coup sûr le prédateur pour le piéger sans causer de dégâts à l’environnement. Le prototype fonctionne. Il faut maintenant réduire les coûts pour qu’ils soient économiquement acceptables. De quoi intéresser les quelque 60 000 apiculteurs amateurs d’ici 2022, si tout va bien…!

Fascinante et divine abeille. Miel, cire, organisation sophistiquée faisant écho aux sociétés humaines… Altière, travailleuse, prête à défendre sa ruche comme une patrie toujours en possible danger. L’abeille fit le miel de toutes les religions et des idéologies.

Toutes les religions, toutes les idéologies…

En hébreu, le miel partage la même racine que le mot parole. Et la seule femme parmi les Juges d’Israël, l’une des rares prophétesses bibliques rappelle Deborah, synonyme d’abeille… Dans le Coran, elle apparaît lors des moments importants, comme quand elle guide Mahomet de la Mecque vers Médine. Platon s’inspirera de l’apis mellifera au IVe siècle avant JC, voulant construire nos villes à l’image des ruches mellifères et de s’en inspirera pour créer sa République. En octobre 1795, François-Antoine Daubermesnil, député du Tarn, à la Convention, s’enflamme à l’Assemblée défendant l’idée qu’une ruche figure sur le frontispice de tous les bâtiments publics…

Royale et communiste abeille

Un nid de frelons asiatiques. DR.

Née des larmes dieu dieu Rê, dit-on, l’abeille est d’abord royale et pas seulement parce que sans cet insecte nous n’existerions peut-être plus. Une ruche n’est-elle pas toujours dirigée par une reine, avec des ouvrières et une cour ? Mais elle est aussi, comme le disent certains entomologistes, communiste, toujours encline de faire passer le collectif au premier plan. En tout cas, tous s’accordent : elle sont les sentinelles universelles de la biodiversité qui meurent pourtant dans des proportions alarmantes. Si on ne peut pas sauver la République, sauvons au moins les ruchers !

De nombreux fléaux s’en prennent aux abeilles

D’autres causes sont à l’origine de la surmortalité due à l’agro-industrie, ses pesticides et les néonicotiniques qui les empoisonnent ; l’homme qui détruit de plus en plus d’espaces naturels, etc., Et ce, alors que les abeilles sont indispensables à la vie sur Terre, pollinisant 80 % des plantes à fleurs et plantes alimentaires, des arbres fruitiers, des fruits du maraichage… Selon l’Inra, la valeur économique de cette activité pollinisatrice est de 153 milliards d’euros, soit 10 % de la valeur de l’ensemble de la production alimentaire mondiale.

Le frelon est arrivé par le Tarn-et-Garonne en 2004

Un frelon. DR.

Et puis il y eut LE frelon asiatique, engeance suprême. “Il est arrivé en 2004 en Tarn-et-Garonne, par container d’Asie. Une reine était cachée dans des poteries. En 15 ans le frelon à couvert toute la France. Chaque année il peut gagner jusqu’à 70 km par rapport au nid précédent”, souligne Frédéric Larguier. Ingénieur et apiculteur amateur, cet Audois de 56 ans, habitant Roullens, près de Carcassonne, a inventé VigiVelutina, proche du nom scientifique du frelon asiatique Vespa velutina. Sa solution, brevetée, est un piège parfait pour éradiquer ce redoutable prédateur. En quoi consiste-t-il ?

Aucune solution n’était pleinement satisfaisante. Ce sont souvent des pièges à appâts qui attrapent aussi d’autres insectes ou qui ont une base chimique préjudiciable à la biodiversité…”

Frédéric Larguier

Simple : une chambre noire, un tunnel devant l’entrée de la ruche et au-dessus un soufflet qui tombe sur le frelon prédateur, une fois qu’il est identifié par une caméra dotée d’un système d’intelligence artificielle et de reconnaissance infaillible du frelon asiatique. “Comme il a évidemment l’envie de s’échapper, on a prévu un trou de sa taille qui le mène à ensuite à un bac transparent où il finit définitivement capturé, complète l’inventeur. Il y a pas mal de choses qui ont été inventées”, reconnaît-il. 

Le prototype du piège.

“Mais, ajoute-t-il, aucune solution n’était pleinement satisfaisante. Ce sont souvent des pièges à appâts qui attrapent aussi d’autres insectes ou qui ont une base chimique préjudiciable à la biodiversité. Et puis ils n’empêchent pas la présence d’un frelon asiatique devant une ruche. Et à l’intérieur, les abeilles en stressent tellement, qu’elles n’en sortent pas et/ou produisent peu ou pas de miel et si ça dure trop longtemps, elles peuvent en quelques mois en mourir de faim, si on n’a pas prévu de les nourrir…” Il y a aussi des apiculteurs qui placent grilles devant la ruche. Pas toujours concluant.

Version abordable financièrement

“Nous avons créé une association, baptisée Apipolline, afin de permettre le développement financier du projet qui devrait être commercialisable en 2022Il nous faut maintenant  que nous arrivions à créer une version miniaturisée et moins onéreuse avec le même procédé, de l’ordre de 500 € par système autonome.” Ce qui demande encore des développements. Cela semble faisable d’autant plus que cette solution suffit pour protéger de cinq à dix ruches.

Un piège pour capturer jusqu’à 200 frelons !

Il précise la stratégie : “Équiper la colonie la plus faible de notre solution est suffisant. Le frelon va au plus simple : il choisit d’attaquer les abeilles, source importante de protéines et facile d’accès pour ses larves. S’il ne peut plus y accéder, il ira voir ailleurs. Un seul de ces pièges, garantit Frédéric Larguier, peut capturer cent voire deux cents frelons !”

De quoi intéresser les quelque 60 000 apiculteurs amateurs – contre 3 500 professionnels – d’ici 2022 si tout va bien…! Plusieurs sociétés se sont associées au projets, dont Neotec Vision, Hexatronic, Icko Apiculture ou encore le Syndicat des apiculteurs d’Ille-e-t-Villaine et de Haute Bretagne. Ainsi que que la start-up montpelliéraine Data Terrae.

Notre système est capable de reconnaître physiquement exactement un frelon asiatique”

Benoît Lange, patron de Data Terrae

Patron de cette dernière créée il y a juste un an, Benoît Lange, informaticien, dit : “On a construit une première solution qui permet de capter les données pour nourrir notre modèle d’intelligence artificielle qui détecte, grâce à un réseau de plusieurs centaines de milliers de neurones artificiels, le frelon à 99 % et fait la différence avec les abeilles. Nourri de données qu’on lui apporte, le système est capable de reconnaître physiquement exactement un frelon asiatique.”

Et “Pour cela, nous avions installé un piège factice au dessus d’une ruche témoin fréquentée l’an dernier par le frelon asiatique et à chaque fois qu’un frelon se présentait, on le prenait en vidéo ; c’est ce qui a nourri notre base de données. On a aussi ajouter des images. L’idée est de faire passer cette solution sur un système embarqué et totalement autonome”.

Protection des oiseaux et serveurs d’assurance

Outre cette détection de frelons, Data Terrae travaille également sur la capacité de l’IA à équiper des éoliennes d’un système de reconnaissance et de protection des oiseaux. Faucon, vautour, etc. seront instantanément reconnus, et si c’est le cas on peut éteindre l’éolienne. “Nous avons un autre projet : de la détection sur les systèmes d’information, sur les serveurs d’une assurance. L’idée derrière c’est de détecter les comportements à problèmes, des gens qui ont fait des mauvais codes ou ceux qui utilisent mal des applications.”

Le piège de Frédéric Larguier se présente actuellement au vote des internaute dans le cadre des budgets participatifs de la région Occitanie, Les Trophées pour la biodiversité en Occitanie édition 2020-2021. De la même manière, Frédéric Largier avait fait appel au crownfunding pour lancer son projet il y a un an, récoltant 15 000 €, soit trois fois plus que ce qu’il espérait !

Olivier SCHLAMA

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