Occitanie : Les trains de nuit entrent de nouveau en gare !

[Réactualisé le 13 décembre 2021] Paris-Lourdes et Cerbère-Port-Bou, c’est reparti ! Et, sous l’impulsion d’initiatives privées, dont celle d’un Montpelliérain, Éric Boisseau, qui a un projet de deux trains, les très pratiques sleeping, concurrencés par les cars Macron et les les vols low cost au point de quasiment disparaître, renaissent doucement, notamment en Occitanie.

Les oiseaux de nuit peuvent se frotter les yeux. Les voyageurs noctambules qui préfèrent les heures aux secondes, voir défiler le paysage en silence. Les poètes de tous poils, qui s’émerveilleront de nouveau de ce moment à part, peuvent ressortir de leurs souvenirs des années 1970, période bénie pour le transport ferré. Ils peuvent chanter à nouveau une ode aux trains de nuit, proches de la disparition. Car, ne restent plus, en tout et pour tout, qu’un Paris-Briançon, un Paris-Toulouse et un Paris-Venise (1).

Les “sleeping vers la Méditerranée” ou vers l’ailleurs, pour reprendre Brassens ne sont plus. Ah, les trains de nuit, vulgairement dispersés par la concurrence des cars “Macron” et autres vols low cost… Mais ils sont peut-être en train de se réveiller et voir le bout du tunnel. La mode étant à la lutte contre le réchauffement climatique, les trains de nuit retrouvent in petto du poil de la bête, aidés en cela par l’ouverture à la concurrence, qui s’essaie à un modèle économique que la SNCF n’avait, elle, pas trouvé.

Une cinquantaine de trains de nuit irriguaient l’Hexagone, une accessibilité, une mobilité que nous avons perdues avec le tout-TGV et le tout-numérique”

Éric Boisseau.

C’est un fin connaisseur des réseaux ferrés qui le dit. Le Montpelliérain Eric Boisseau a été de tous les combats, côté voyageurs. Pas un rail de travers ne lui échappe. Que dit-il ce spécialiste ? Que la revanche du train de nuit arrive à bon port. Que le romantisme nocturne rythmé est à portée de travée. Avec son association internationale Objectif train de nuit (TDN) qu’il préside il espère bien se lancer, comme opérateur ou partenaire d’opérateur, si les études sont concluantes, à l’assaut du rail, avec deux projets : un Barcelone-Frankfort et un Perpignan-Paris-Austerlitz, via Carcassonne, Toulouse, Cahors, Limoges et Rungis d’un côté pour les marchandises et Paris-Austerlitz pour les voyageurs.

Car, c’est là qu’intervient sa belle idée : pour que les trains nocturnes survivent, Eric Boisseau porte le projet, d’ici 2021, avec son association, de concept de mixité des trains, transportant fret et voyageurs, pour partager la facture. Arrivés à Rungis à 4 heures du matin, le train se déleste de ses wagons de marchandises pour déposer ses voyageurs finaux à Paris-Austerlitz ensuite.

Train bleu, Phocéen, Talgo…

Exit les mythiques trains de nuit qui portaient de jolis noms évocateurs. Il y avait le Train bleu (Paris-Vintimille) ; le Phocéen (Marseille-Paris, via Avignon), la Palombe bleu (un Paris-Saint-Jean-de-Luz, via Lourdes, Pau, Dax, Orthez, Hendaye) ; le Palatino (Paris-Rome), la Puerta del sol (Paris-Madrid), et évidemment le Talgo (Paris-Barcelone) qui passait quotidiennement dans les gares d’Occitanie… “Une cinquantaine de trains de nuit irriguaient l’Hexagone, une accessibilité, une mobilité que nous avons perdues avec le tout-TGV et le tout-numérique”, commente Éric Boisseau.

Paris-Lourdes et Cerbère-Port-Bou

Ce dimanche 12 décembre est un temps fort dans la relance du train de nuit en France et notamment en Occitanie. La Palombe bleue reliant Paris à Lourdes a repris du service après quatre ans d’interruption. Le train de nuit Paris – Cerbère/Port-Bou fera quant à lui son retour en gare de Narbonne. La présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, et son vice-président chargé des transports, Jean-Luc Gibelin, saluent “une décision de bon sens et renouvellent leurs attentes pour un véritable réseau de trains de nuit en France”.

Reste à convaincre davantage le gouvernement. La ministre des Transports, Elisabeth Borne s’était dit favorable à cette “renaissance”. “La SNCF possède encore de nombreux wagons des ex-trains Corail de très bon confort à moderniser. Il en coûtera entre 100 000 euros et 200 000 euros par wagon”, a calculé Éric Boisseau. Plusieurs dizaines de millions d’euros. Jouable. Surtout que cela donnerait du travail aux cheminots du technicentre SNCF de Perrigueux qui “ont besoin d’une nouvelle charge de travail pour maintenir compétences et activité”.

Et qu’il y aurait, pour les compagnies privées à payer les sillons. Surtout que, fin du monopole SNCF aidant, des compagnies privées sont sur les starting block. L’association que préside Éric Boisseau a, déjà, créé une marque ad hoc : Lunatrain. “Nous pouvons, si les études de faisabilité sont positives, devenir opérateurs avec licence et certificat de sécurité. Ou devenir partenaires avec une compagnie qui  exploitera notre modèle économique validé. L’idée, comme disent les Suisses, c’est de ne pas être dépendant des subsides publics qui vont qui viennent…”

La filiale de l’Allemand Flixbus, Flixtrain, a déjà demandé à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) des sillons et notamment un pour un Paris-Nice de nuit pour 2020. Dès 2009, un autre opérateur, Thello, filiale des chemins de fer italiens, a repris un Paris-Milan-Venise que la SNCF avait délaissé. “La SNCF a perdu sa capacité entrepreneuriale. Nous la récupérons…” 

Olivier SCHLAMA

(1) Vice-président de la Région, Jean-Luc Gibelin dit : “Le train de nuit coche toutes les cases, c’est économique, écologique et pratique. Ces liaisons jouent par ailleurs un véritable rôle en matière d’aménagement et de désenclavement des territoires. Nous avons dû batailler pour convaincre de préserver les dernières lignes en service et surtout de relancer les trains de nuit dans notre pays. De haute lutte, nous avons obtenu en 2017 le rétablissement du Paris – Cerbère/Port-Bou pour lequel la Région a largement contribué à la sauvegarde en s’engagent à participer au financement pour plus d’un million d’euros par an”, explique-t-on à la Région.

Carole Delga renchérit : “La relance des trains de nuit est un axe important de notre Pacte vert pour l’Occitanie, aux côtés des trains du quotidien, de la grande vitesse et du fret. C’est notre stratégie ferroviaire pour la relance des territoires et la réduction des émissions carbone.”
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