Toulouse : Filière d’immigration clandestine démantelée depuis le Maghreb

Photo : Olivier SCHLAMA

Plus de 150 passages de deux à six personnes ont été enregistrés depuis un an. La PAF a mis fin au trafic où sept personnes sont incarcérées dans cette affaire importante dans un contexte de baisse drastique des visas et alors qu’une loi sur l’immigration est en préparation pour 2023.

La Police aux Frontières de Toulouse a procédé au démantèlement d’une filière algérienne d’aide “au séjour irrégulier en bande organisée et de blanchiment aggravé”. Au total, neuf personnes ont été interpellées, les 27 et 28 septembre 2022, ou extraites de maison d’arrêt sur différents sites en Haute-Garonne. Plus de 150 passages, de deux à six personnes, ont ainsi été répertoriés entre août 2021 et septembre 2022, pour des tarifs s’échelonnant de 300 à 700 euros par passager, un “tarif dégressif étant pratiqué en fonction du nombre de personnes véhiculées”. En plus des interpellations, les opérations ont permis les saisies de faux documents espagnols, de smartphones, de 1 800 € en numéraire et de deux véhicules utilisés lors de nombreux passages.

La filière du nord de l’Espagne à Toulouse

Tous sont Algériens et sont soupçonnés d’être impliqués dans l’organisation d’une filière d’immigration clandestine permettant l’acheminement illégal, du Nord de l’Espagne vers Toulouse, de compatriotes en situation irrégulière, cherchant à rejoindre des proches dans le Sud-Ouest ou sur l’ensemble du territoire français. Ils ont tous été placés en garde à vue.

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Cinq des protagonistes ont finalement été présentés au juge d’instruction, mis en examen et placés en détention provisoire. Les deux déjà incarcérés pour des faits distincts seront eux aussi très prochainement mis en examen, tandis que les deux derniers de cette affaire et mis en cause, se trouvant à l’étranger, feront rapidement l’objet de mandats d’arrêt.

Un quadragénaire algérien de Lérida (Espagne), coordonnait, avec plusieurs passeurs toulousains, les arrivées des nombreux migrants maghrébins

Photo : Olivier SCHLAMA

Débutées fin juillet 2021, suite à l’interpellation d’un passeur par les Douanes de Cierp-Gaud (Haute-Garonne), les investigations menées par la Police aux Frontières de Toulouse, dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée sur instructions du parquet de Saint-Gaudens, matérialisaient les agissements d’un quadragénaire algérien, domicilié à Lérida (Espagne), qui réalisait ou coordonnait, avec plusieurs passeurs et complices toulousains, les arrivées en voiture de nombreux migrants maghrébins en situation irrégulière présents au Nord de la péninsule ibérique.

L’ampleur du réseau et du nombre de personnes transportées amenaient en décembre 2021 l’ouverture d’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction de Saint-Gaudens, qui saisissait la Police aux Frontières de Toulouse de la poursuite de l’enquête.

Activité coordonnées de cinq à six passeurs

Agissant selon un mode opératoire bien rodé et s’appuyant sur une équipe de complices toulousains chargés d’organiser, d’héberger ou de récupérer les gains, le quadragénaire supervisait l’activité de cinq à six passeurs ayant toute latitude pour prendre en charge à Lérida, puis effectuer sur l’ensemble du réseau routier franco-espagnol des aller-retours jusqu’à Toulouse, où les nouveaux arrivants étaient déposés à la gare SNCF ou logés en attente d’une prise en charge par de la famille ou des amis.

Ils étaient extrêmement mobiles et méfiants, en perpétuels déplacements à l’étranger. Impossible d’interpeller simultanément tous les protagonistes identifiés, d’autant que deux d’entre eux étaient, déjà, eux, incarcérés durant l’été pour d’autres faits distincts et deux autres semblaient être rentrés au pays pour une durée indéterminée.

Interpellations déclenchées

Les investigations ayant permis de réunir une masse très conséquente d’indices probants, les interpellations autorisées par le juge d’instruction étaient déclenchées par les effectifs de la Police aux Frontières de Toulouse le 27 septembre 2022, au moment du retour en France du quadragénaire, principal rouage de la filière.

Cette affaire intervient alors qu’entre la France et le Maroc, les visas sont octroyés au compte-goutte. En septembre 2021, Paris annonçait de réduire de moitié le nombre de visas pour les Marocains, en raison du “refus” du pays de rapatrier ses ressortissants en situation irrégulière en France.

Il y a un an, Paris décide de réduire de 50 % les visas

La mèche a été allumée le 28 septembre 2021, quand Paris annonçait réduire de 50 % le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains et algériens et de 30 % aux Tunisiens. Une décision “drastique”, “inédite”, mais “rendue nécessaire”, selon le gouvernement français, en raison du “refus” de ces trois pays de rapatrier leurs ressortissants en situation irrégulière en France. Ces accusations avaient aussitôt été qualifiées d’”infondées” par la diplomatie marocaine. Levés le 31 août pour la Tunisie, ces quotas sont toujours en vigueur pour les deux autres pays du Maghreb.

Une loi immigration pour 2023 promise par Macron

En sachant qu’Emmanuel Macron Emmanuel Macron annonce un projet de loi sur l’immigration pour début 2023. “Nous devons réformer nos procédures pour pouvoir aller beaucoup plus vite et c’est indispensable. Il faut préserver les droits fondamentaux de toute personne mais il faut pouvoir aller beaucoup plus vite, avant toute chose, pour lutter contre toutes les pratiques dilatoires”, a dit le chef de l’Etat. Cette loi cherchera aussi à améliorer l’efficacité des politiques de reconduite à la frontière pour les étrangers en situation irrégulière. Macron a assuré que la France a “commencé à renforcer très fortement [ses] politiques en conditionnant davantage” l’octroi des visas “à l’esprit de coopération pour reprendre les étrangers en situation irrégulière, à commencer par celles et ceux qui troublent l’ordre public”. Référence faite aux pays qui refusent d’accorder les laissez-passer nécessaires au retour de leurs ressortissants expulsés de France.

Olivier SCHLAMA

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