Tarn : Des voiliers recyclés pour dépolluer des effluents agricoles

Nicola Vento, 43 ans, a inventé un procédé qui permet de faire évaporer les eaux chargées de produits phytosanitaires utilisés en agriculture et en viticulture. Et vient de mettre au point un prototype permettant de se servir de bateaux de plaisance promis à la casse comme cuve de récupération et de traitement.

Recycler des bateaux pour mieux recycler les effluents phytosanitaires d’origine agricole. Voilà une idée prometteuse qui fait d’une pierre deux coups mise en oeuvre par la société de Nicola Vento, Vento-Sol, créée en 2010 à Castres (Tarn). “Quand un agriculteur nettoie ses pulvérisateurs de produits phytosanitaires, il doit les nettoyer.” On a pensé stocker ces eaux-là dans des bateaux en fin de vie, promis à la casse. De quoi faire de des économies et participer à l’économie circulaire. À raison d’un kilo de pesticides par tonne d’eau.

“Quand un agriculteur nettoie ses pulvérisateurs de produits phytosanitaires, il doit les nettoyer”

C’est la dernière idée d’un concept développé par Nicola Vento, baptisé Ecobang-Navy, davantage prévue pour de grosses quantités d’eaux polluées aux pesticides. Chaque bateau en fin de vie, en résine de polyester, sera équipé de ce système breveté, consistant à faire évaporer ces eaux chargées de produits chimiques grâce entre autres à de la ventilation forcée.

L’Aper, en charge de la déconstruction des bateaux, séduite

Pour qu’il ne reste à la fin que des résidus secs. “Nous avons testé pendant dix-huit mois et validé cette solution qui a un intérêt économique (c’est moins cher qu’une cuve standard à équiper) et environnemental”, affirme Nicola Vento, précisant que son projet a séduit l’Aper, Association pour la plaisance éco-responsable, organisme qui gère la déconstruction de bateaux en fin de vie. “Et va donc nous aider à trouver les bateaux adaptés aux besoins spécifiques des clients”, précise Nicolas Vento, ajoutant que son procédé est par ailleurs cité dans le récent avis du Ceser, le Conseil économique social et environnemental.

Des bateaux en fin de vie à transformer

Le prototype de voilier capable d’embarquer 4 000 litres d’effluents a donné les meilleurs résultats. “Si on pouvait remplir deux bateaux cette année, ce serait bien. Ils seront transformés, révisés e étanchéifiés, dans un premier temps, par la société Batho, basée à côté de Nantes. Ensuite, on peut imaginer, pour être au plus près des clients, faire appel à une société partenaire sur la côte Méditerranéenne.” Agriculteurs et viticulteurs ont trois façons pour se débarrasser des déchets phytosanitaires. Stocker les eaux de lavage dans une cuve et d’envoyer le tout à l’état liquide à un prestataire. L’inconvénient, c’est que c’est cher. Peu de gens le font. Il y a aussi une dilution au centième de ces eaux chargées avant d’en re-remplir les pulvérisateurs. Enfin, la solution de Nicola Vento.

Ces pesticides sont des déchets dits dangereux qui étaient collectés, pour les premières versions de cette solution, par un éco-organisme spécialisé, Adivalor, via le distributeur des produits phytosanitaires. En revanche, pour le bateau à remplir et les grosses cuves, le résidu est censé y rester “pendant plusieurs années avant un curage à faire par un prestataire”.

Un “gisement” de 5 000 bateaux à détruire

L’idée lui est venu de redonner une seconde vie aux voiliers quand il cherchait une remorque. “Beaucoup en vendaient avec un bateau à détruire. Je me suis aperçu qu’il y a un gisement énorme, selon l’Aper, avec un objectif de 5 000 bateaux par an à déconstruire qui trainent partout dans des champs, au fond de sports…! Certains sont en relatif bon état. Dès lors qu’un voilier est étanche, on peut s’en resservir comme un contenant.”

Une solution écologique déjà vendue à 342 repises

La France est la première nation au monde à s’intéresser activement à la récupération des eaux chargées en produits phytosanitaires, issues de l’agriculture et de la viticulture. Et à empêcher qu’elles soient déversées brutes dans la nature. L’idée s’est concrétisée, dans le Tarn, en 2010 alors que ne surnageait qu’une seule solution proposée par l’industriel Bayer. Après des années d’incertitude et de bras de fer juridique, Nicola Vento a gagné “tous mes procès face au ministère de l’Environnement, dit-il. Résultat, c’est le Code de l’Environnement qui s’applique et donc la solution Ecobang, que nous proposons est commercialisable”. Sa solution écologique, VentoSol, il l’a déjà vendue à 342 reprises (pour 123 000 € de chiffre d’affaires en 2021) et espère que, désormais, ses ventes vont décoller.

Diplômé d’une école de commerce

Âgé de 43 ans, Nicola Vento est sorti en 2 000 diplômé d’une école de commerce. “Mon premier boulot, c’était dans une société innovante qui avait inventé des “sacs sécheurs” ; mon rôle était de trouver de nouvelles application pour ces sacs. L’application principale, c’était l’évaporation des effluents aqueux pour l’industrie et ensuite pour les effluents phytosanitaires. C’est comme cela que je suis arrivé sur cette idée. En 2007, je suis parti de cette entreprise.” De 2008 à 2010, il conçoit Écobang.

Olivier SCHLAMA