Société : Outrages sexistes et harcèlement de rue toujours en hausse

Le ministère de l’Intérieur a relevé, de 2020 à 2021, 3 700 infractions spécifiques, quatre ans après la promulgation de la loi du 3 août 2018. Avec déjà plus de 1 300 infractions pour le premier semestre.

Un sifflement désagréable ; une poursuite insistante dans la rue ; un bruit obscène suggérant un acte sexuel ; un commentaire dégradant… Depuis quatre ans, harcèlement de rue et outrages sexistes et le sentiment d’insécurité qui en découle sont réprimés par la loi.

Montpellier et Nîmes ont lancé un dispositif

Depuis le 8 mars dernier, Journée internationale des droits des femmes, il suffit, à Montpellier, pour une victime de prononcer le mot “Maguelone” en entrant dans une boutique du dispositif, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, pour que le commerçant appelle les secours, si besoin. Il s’agit de lutter contre le harcèlement de rue et le sentiment d’insécurité. Nîmes avait été, un an plus tôt, en mars 2021, la première ville d’Occitanie à mettre en place il y a un an le sien, Angela, dont les résultats sont jugés “très positifs”, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Depuis la promulgation de la loi du 3 août 2018 créant des infractions spécifiques pour outrage sexiste, le nombre d’infractions enregistrées par les forces de sécurité “est orienté à la hausse, mais à un rythme ralenti depuis la fin 2021”, explique-t-on au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) qui vient de rendre ces chiffres publics.

“Outrages sexistes portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante…”

Ainsi, de 2020 à 2021, 3 700 infractions d’outrages sexistes ont été enregistrées en France par les services de sécurité dont 1 400 en 2020 et 2 300 en 2021. Ces infractions sont des contraventions, de 4e ou 5e classe. C’est-à-dire qu’il s’agit le plus souvent d’outrages sexistes sans circonstances aggravantes (“outrages sexistes portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante imposée à une personne”). Ceux-ci représentent 70 % des contraventions pour outrages sexistes enregistrées en 2020 et 75 % de celles enregistrées en 2021.

Des femmes de moins de 30 ans en majorité

Ces infractions sont enregistrées en premier lieu dans les régions du Centre-Val-de-Loire et d’Île-de-France. Sur le périmètre, forcément restreint, de la police nationale, “les victimes sont majoritairement des femmes sauf lorsqu’il s’agit d’outrages commis en raison de l’orientation sexuelle de la victime, et elles ont moins de 30 ans pour près des deux-tiers d’entre elles. Les auteurs sont quasi-exclusivement des hommes, majeurs pour la plupart”, précise le service de la statistique de l’Intérieur. Le Centre-Val-de-Loire et l’Île-de-France présentent des taux d’infractions d’outrages sexistes pour 100 000 habitants nettement supérieurs à la moyenne nationale.

Recours à cette incrimination monte en puissance

La loi N°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a mis en place d’importantes dispositions pour lutter contre le harcèlement, en créant notamment l’incrimination d’outrage sexiste (harcèlement de rue). Ces infractions sont des contraventions, de 4e ou 5e classe. C’est le recours à cette incrimination qui poursuit, statistiquement, sa montée en charge : en 2021, 2 300 infractions pour des outrages sexistes ont été enregistrées par les forces de sécurité en France, après 1 400 en 2020, soit une augmentation de 62 % entre 2020 et 2021.

Déjà 1 300 infractions au premier semestre

Le nombre de contraventions pour outrage sexiste a plus que doublé entre 2019, juste avant la crise sanitaire et 2021. Cette hausse se poursuit sur le premier semestre de l’année 2022 avec plus de 1 300 infractions enregistrées par les services de sécurité, mais à un rythme ralenti depuis la fin 2021. “Entre montée en charge du dispositif, appropriation progressive des nouveautés législatives par les services de police et de gendarmerie, et effets de la crise sanitaire, il est encore délicat d’interpréter l’évolution mensuelle des contraventions pour outrage sexiste enregistrées par les forces de sécurité, au-delà de la tendance globale à la hausse”.

Occitanie : 2,3 infractions pour 100 000 habitants

Le Centre-Val-de-Loire est la région de France qui présente le plus fort taux d’infractions d’outrages sexistes enregistrées en 2020 et 2021, soit 7 outrages sexistes pour 100 000 habitants. Elle est suivie par l’Île-de-France, dont le taux d’infractions est toutefois plus faible, avec 4 infractions pour 100 000 habitants en 2020 et 2021.

Dans le Nord-Est de la France, les régions Hauts- de-France (2,9) et Grand-Est (2,8) présentent des taux similaires et voisins de ceux des trois régions du Sud-Est : Occitanie (2,3), Auvergne-Rhône-Alpes (2,4) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (2,5). La Corse et la Normandie sont les deux régions de métropole qui affichent les plus faibles taux pour 100 000 habitants ; dans ces deux régions françaises, le taux ne dépasse pas les 1,5 infractions d’outrages sexistes enregistrés pour 100 000 habitants. Quant aux départements et régions d’Outre-mer, les taux sont nettement inférieurs au taux observé sur l’ensemble du territoire national, soit 2,7 infractions pour 100 000 habitants sur la période 2020-2021.

Très fortes disparités départementales

Au niveau départemental, on enregistre de très fortes disparités. Sur les 101 départements français, 68 ont enregistré moins de 30 infractions pour outrages sexistes au total en 2020 et 2021, et un tiers d’entre-eux affichent un nombre d’infractions inférieur à 10 sur cette même période. En revanche, quatre départements présentent un nombre d’infractions supérieur à 100 au total sur 2020 et 2021, c’est le cas du Rhône avec 130 infractions enregistrées d’outrages sexistes, du Nord avec 170 infractions, du Loiret avec 280 et enfin de Paris avec 430 infractions.

Paris est le département qui affiche le plus grand nombre d’infractions pour outrages sexistes. Ces quatre départements concentrent à eux seuls 28 % de l’ensemble des outrages sexistes enregistrés en 2020 et 2021 sur le territoire national. À noter que Mayotte est le seul département français où l’on ne recense aucun enregistrement pour ce type de contraventions.

Des PV pour des infractions les moins graves

Pour les infractions les moins graves, la loi prévoit la possibilité de les sanctionner par procès-verbal électronique (PVe). Dans la pratique, cela n’a été possible qu’à compter de mai 2020, et les PVe sont encore rares mais leur nombre est en hausse depuis leur mise en place. Au total 800 infractions par PVe ont été dressées pour des infractions d’outrages sexistes de 4ème classe de mai 2020 à mai 2022.

Les circonstances aggravantes les plus fréquemment relevées sur la période 2020-2021 sont celle de l’outrage sexiste d’un mineur de 15 ans (6 % des infractions pour outrages sexistes), la commission de l’outrage en raison de l’orientation sexuelle de la victime (5 % ), les outrages sexistes dans un moyen de transport collectif de voyageurs (5 %).

Et le harcèlement sur les réseaux…

De la rue à l’écran, il n’y a qu’un clic. Comme l’explique Libération, il existe un “harcèlement sexuel sur Vinted”. Le quotidien explique avec force témoignages que des adeptes de l’appli de revente de vêtements dénoncent du cyber-harcèlement et le partage de leurs photos sur des sites pornographiques… Certaines expliquent aussi que Vinted n’est pas un cas isolé : il y a les mêmes pratiques dégradatantes sur Le Bon Coin, Linkedin, Indeed voire Uber… Comme le surligne la militante féministe elvire Duvelle-Charles, cofondatrice du compte Instagram Clit Revolution et autrice de Féminisme et réseaux sociaux. Une histoire d’amour et de haine (Hors d’atteinte, 2022). Pour l’instant, aucune statistique n’en rend compte…

Olivier SCHLAMA

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