Secours : “Un besoin important de sapeurs-pompiers volontaires…”

Les pompiers du Gard en pleine intervention. Ph: Sdis du Gard.

Sur une intervention, rien ne les distingue des pompiers professionnels. Représentant 80 % des effectifs, il sont indispensables. Et il faut sans cesse en recruter en Occitanie et ailleurs. La France a besoin de 200 000 volontaires. L’analyse de Eric Florès, du Sdis de l’Hérault, Eric Agrinier, du Gard, et Jean-Louis Auriac du Sdis de Haute-Garonne sur cet engagement séculaire promis à des évolutions.

Ce sont eux qui tiennent la boutique. Un seul chiffre en témoigne : l’Hexagone compte 245 000 soldats du feu dont… 80 % de pompiers volontaires ! Soit 197 000 qui réalise nombre d’interventions. La proportion est peu ou prou identique dans chaque département. Certains volontaires tiennent même à eux seuls carrément des casernes. Les besoins en recrutement sont immenses : “Il nous faut dépasser la barre des 200 000 recrutements cette année”, confie-t-on à la direction générale de la Sécurité civile, à Paris. Comme l’a dit la ministre Marlène Schiappa.

150 pompiers volontaires à recruter dans le Gard

La direction générale de la sécurité civile lance une campagne nationale de recrutement comme elle s’y était engagée lors d’un congrès national il y a deux ans. Au Sdis (Service départemental d’incendie et de secours) du Gard, qui bénéficie d’un budget de 125,5 M€, le lieutenant-colonel Eric Agrinier fait état de 696 professionnels et de 2 250 sapeurs volontaires. “En 2020, nous avons recruté 150 sapeurs-pompiers volontaires. Il nous faudra sans doute recruter l’équivalent pour 2021 dans le Gard”, au gré des départs à la retraite, notamment. La plupart des départements d’Occitanie sont dans le même cas de figure.

Différents profils de pompiers volontaires

Le responsable des pompiers de l’Hérault, le contrôleur général Eric Flores, a commencé lui-même comme pompier volontaire. “Il y a eu des études sociologiques sur ce sujet. Il y a plusieurs types de pompier volontaires : celui qui recherche une expérience dans le sauvetage ; celui qui recherche une structure organisée comme l’armée. Il y a aussi celui qui “défend” son clocher dans son village. On compte également parmi ces profils celui qui a été sauvé par les pompiers et qui veut lui-même en devenir un et sauver à son tour. Et enfin l’étudiant qui aime l’aventure et l’expérience. C’est ce que j’étais”, confie Eric Florès qui gère aujourd’hui 905 pompiers professionnels et 3 500 volontaires.

“Pas un travail, un engagement citoyen”

Qui peut candidater pour intégrer une caserne comme volontaire ? “Tous les hommes et toutes les femmes de 17 ans à 55 ans qui passent pour cela un test physique et une évaluation, notamment en maths et français, annonce le lieutenant-colonel Eric Agrinier. On ne demande pas qu’ils soient des athlètes accomplis. Mais il faut qu’ils soient un minimum résistants. Evidemment, il y a une évaluation médicale.” Mais on ne devient pas pompier volontaire pour l’appât du gain. Il faut avoir la vocation et montrer des valeurs de citoyenneté et d’altruisme.

Eric Florès, contrôleur général et commandant les pompiers de l’Hérault. Ph. DR.

“C’est un engagement citoyen”, définit  Eric Agrinier. À raison de vacations allant de 9 € à 11 € de l’heure, en fonction de la mission et du grade. Attention, c’est un tarif en intervention et au péril de sa vie. “Ça ne suffit pas à payer la nounou qui garde votre enfant !” prévient Eric Florès du Sdis de l’Hérault. “Ce n’est pas un travail. C’est un engagement. C’est l’un des sujets de discussion avec l’Union européenne” qui a parfois interprêté dans certains pays cet engagement comme un travail. C’est le cas de l’arrêt Matzack invoqué par certains pompiers volontaires, jusque-là sans succès.

Des besoins surtout dans l’arrière-pays

Les besoins cette année, dans l’Hérault par exemple, sont estimés à quelque 250 pompiers volontaires. “La difficulté, précise Eric Florès du Sdis de l’Hérault, c’est qu’en zone urbaine, vu la masse de population, on a suffisamment de gens qui viennent à nous. Pas besoin de recruter à Montpellier par exemple. En revanche, dans l’arrière-pays comme à Saint-Pons-de-Thomières, à la Salvetat, dans les Cévennes, nous avons de plus en plus de difficultés. L’une des explications tient au fait que les gens habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail et ne sont pas forcément disponible pour cet engagement citoyen. Habiter Lamalou et travailler à Bédarieux par exemple c’est déjà trop. Nous avons besoin des volontaires sur leur temps libre mais aussi dans la journée.”

Haute-Garonne : un besoin de 150 à 200 volontaires

Photo : Sdis Haute-Garonne.

Le colonel Jean-Louis Auriac, chargé du recrutement pour le Sdis de Haute-Garonne (823 pompiers professionnels, 1 524 volontaires en 2019 en nette hausse) ne dit pas autre chose : Au total, sur la Haute-Garonne, nous avons un besoin entre 150 à 200 volontaires. Nous pouvons avoir des difficultés de recrutement dans le Sud du département, rural et montagnard, loin des grands axes de circulation ce qui rend les potentiels volontaires moins disponibles ; où la population est vieillissante et où donc le réservoir de jeunes moins important. Dans et autour de la métropole, pas de souci d’autant plus que nous ouvrons, étalés depuis 2016, quatre nouveaux centres – un centre va disparaître –  pour un meilleur maillage.”

“Ce n’est pas un club de sport”

Jean-Louis Auriac explique aussi mener des campagnes de communication ciblées, comme la distribution de sacs à pain chez les boulangers locaux avec un message écrit dessus à destination des potentiels volontaires. “Quand on fait ce genre de campagne, ça répond.” Les valeurs que trimbalent le corps des pompiers font toujours leur effet. Pour lui, il n’y a pas de crise de vocation mais “certains candidats se rendent compte, même après l’entretien, même après des années de pratique des obligations et des contraintes inhérentes à cette activité, y compris la formation et le maintien des acquis, qu’ils ne veulent plus continuer”. Il faut aussi faire face au vieillissement des pompiers volontaires en place. “Ce n’est pas un club de sport”, dit-il. Parfois, certains volontaires ne renouvèlent pas leur  engagement de quelques années.

Accroissement démographique, personnes âgées, touristes, incendies, épisodes cévenols…

Si vous êtes intéressés, tout se passe sur l’un des sites départementaux des Sdis, comme celui du Gard. La vie d’un centre de secours est parfois intense : “En 2019, nous avons fait 64 000 interventions, soit une sortie toutes les neuf minutes, dont 87 % de secours à personne…”, souligne Eric Agrinier du Sdis du Gard. Les services de secours sont “sans cesse en train de recruter des volontaires”. Surtout dans les départements du Sud où la démographie croît ; où il y a beaucoup de personnes âgées ; de touristes et donc mathématiquement d’accidents, de la route, notamment. Sans compter les feux de forêts, les inondations et les épisodes cévenols…

“Le maillage territorial en zone rurale tient grâce aux volontaires”

Pourquoi il n’y a pas uniquement que des pompiers professionnels ? Sujet délicat. Et complexe. “Ce n’est pas forcément  pour des questions d’argent”, répond le contrôleur général Eric Florès. Il développe : “Nous avons 70 centres de secours dans l’Hérault dont 45 tenus par des volontaires. Certains réalisent moins de 300 interventions par an, soit moins d’une intervention par jour. C’est parce que nous y avons des pompiers volontaires que l’on peut maintenir une telle proximité. Sans cela on ne pourrait pas maintenir des pompiers professionnels dans ces conditions ; ils perdraient même leurs acquis professionnels… Le maillage territorial tient en zone rurale grâce aux volontaires.”

“Anormal et dangereux” 

Un incendie mardi à Béziers. DR.

Lui-même pompier professionnel depuis 2 000 après avoir débuté comme volontaire, Eric Bonijoly, l’un des représentants du syndicat Sud, rétorque, en substance que “pros” et volontaires doivent avoir les mêmes droits et considérations : “Hier, j’ai passé la nuit sur un incendie. Aujourd’hui, je me repose et c’est légal : en tant que pompier pro, je prends un repos compensateur ; un pompier volontaire, lui, va à son travail. Il cumule ensuite ses gardes, ses interventions avec son travail dans le civil.” Et de noter : “Dans les centres professionnels il ne devrait pas y avoir des gardes postées effectuées par des volontaires. Des volontaires, oui, pour renforcer en cas d’activité importante. Dans les centres non professionnels, la présence de pompiers volontaires est essentielle.”

“On le répète depuis longtemps que c’est anormal et peut-être même dangereux pour la sécurité du volontaire et la sécurité collective. Beaucoup de pompiers commencent volontaires pour essayer de devenir ensuite pro.” S’agissant de l’arrêt Matzack (voir plus haut), Eric Bonijoly explique que “ce n’est pas encore tranché. Il y a encore des recours…” Un webinaire très suivi a été consacré mercredi soir à ce sujet, intitulé Le volontariat face aux enjeux européens.

Engagement différencié

Du côté de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, représentée par son président, Grégory Allione, à l’origine de ce webinaire, on explique avoir pris cette initiative pour “expliquer et rassurer tous les pompiers sur cette directive européenne de 2003 sur le temps de travail qui considère que l’activité des volontaires est salariée.” Et qui sera peut-être un jour appliquée.

En attendant, “nous travaillons à des solutions pour ne pas que cette directive remette en cause tout le modèle de sécurité civile français, comme par exemple l’engagement différencié. C’est-à-dire qu’un volontaire pourrait s’engager pour le secours à personne qui représente 84 % des interventions en France et non pas sur les incendies, ce qui rendrait l’engagement plus accessible aux volontaires. Il y aurait davantage de moyens humains. Et donc moins de gardes…” Échappant de fait aux critères actuels de la directive.

Olivier SCHLAMA

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