Santé : Avec 15 000 covid longs, l’Occitanie se dote d’un parcours de soins inédit en France

L’ARS Occitanie s’est dotée d’un référent régional, Jérôme Larché, médecin interniste, qui coordonne un nouveau réseau de centres spécialisés dans un parcours de soins inédit. Les patients sauront enfin à qui s’adresser, comme il nous l’explique. Une avance due à la pugnacité de Patricia Mirallès, elle-même souffrant d’un covid long. Après avoir fait reconnaître cette pathologie – qui touche au moins un million de Français – à l’Assemblée nationale il y a tout juste un an, la députée de l’Hérault a écrit à tous les directeurs d’ARS pour que ce réseau soit repris dans les 12 autres régions.

Qu’est-ce que le covid long ?

Selon la définition de la Haute autorité de santé, ce sont des malades qui ont des symptômes qui persistent au delà de quatre semaines après leur apparition. Et pour lesquels on n’a pas besoin d’avoir un test PCR positif et pour lesquels on a pu éliminer les diagnostics possibles d’autres maladies. Il peut y avoir de très nombreux symptômes. Parmi les plus fréquents : une grosse fatigue, mais pathologique, ce n’est pas un coup de mou ; c’est une fatigue permanente qui vous empêche de vivre. On peut avoir de l’essoufflement ; des douleurs articulaires et/ou neurologiques et neuro-cognitifs diffus (problèmes de concentration et de mémoire, etc.) ; des troubles du rythme…

“Un million de personnes concernées”

Jérôme Larché, coordinateur régional du réseau de centres de prises en charge de covid long en Occitanie. DR.

On estime qu’il y a au bas mot plus d’un million de personnes concernées en France.  Mais c’est sans doute davantage : soit les gens ignorent qu’ils en sont atteints, soit par défaut d’accès à un parcours de soins adapté, ils baissent les bras… Désormais, ils peuvent compter sur les cellules que nous avons mises en place (lire plus bas). Il y a sans doute plusieurs covid longs. Quant aux mécanismes, on pense qu’il y en a plusieurs, par exemple la persistance virale pour certains – on est toujours infectés à bas bruit et cela va augmenter des phénomènes inflammatoires avec des atteintes de plusieurs organes. On peut avoir des troubles de l’immunité avec soit des cellules qui fonctionnent mal soit des productions d’anticorps contre soi-même, créant d’autres pathologies. C’est complexe. Il y a probablement tous ces mécanismes-là en jeu, à des degrés variables, selon les patients, ce qui complique les choses.

Selon les dernières données, 20 % des patients sont considérés comme covid long, c’est énorme, non ?

Oui, environ 20 %. Selon les différentes méthodologies, entre 10 % et 30 % de ceux qui ont contracté un covid sont touchés par un covid long. Cela fait donc environ un million de personnes au bas mot dans l’Hexagone et on peut estimer entre 10 000 et 15 000 le nombre de covid longs en Occitanie. C’est compliqué d’être précis parce que les chiffres arrivent au fil de l’eau et les gens peuvent bouger d’une région à l’autre. C’est un problème de santé publique doublé d’un problème sociétal.

L’ARS Occitanie est la seule en France à avoir lancé un appel à manifestation d’intérêt, consistant en quoi ?

Il s’adresse à l’ensemble des établissements de santé de la Région et aussi aux coordinations professionnelles de santé dans le but de participer à un réseau sur le covid long doté de 2 M€  Pour bâtir une filière de soins. La Région Occitanie commence à se structurer. Elle sert d’exemple pour les autres régions. Certains établissements sont déjà labellisés, soit six centres médicaux et dix-huit centres de rééducation, en plus de l’engagement des PTS, (projets territoriaux de santé), les organisations de santé pour la médecine libérale et la mise en place de cellules de coordination pour covid long, une par département, joignables directement par les patients ou les médecins.

Par rapport à la prise en charge globale en France, l’Occitanie, clairement, avec ce plan, très innovant dans sa manière de créer un parcours de soins, a pris de l’avance. L’objectif est d’identifier et d’orienter diagnostics et prises en charge des patients à l’échelle de la région. Et avec tous les acteurs, médecine de ville et hospitalière. Grâce à la volonté du directeur de l’ARS et de la députée Patricia Mirallès (lire ci-dessous).

Il y a un an tout juste, l’Assemblée nationale reconnaissait le covid long, à l’initiative de la députée héraultaise Patricia Mirallès. Laquelle vient d’écrire à tous les directeurs d’ARS des autres régions pour qu’ils créent une filière identique dans leur région…

L’Assemblée nationale avait adopté il y a un an tout juste une résolution qui reconnaissait le covid long, oui. Une loi a ensuite été promulguée pour une plate-forme d’identification des patients. On est tout à fait, en Occitanie, dans l’état d’esprit de ce que la loi va imposer à l’ensemble du territoire et on l’a fait de manière pro active.

Comment fait, justement, un patient pour éviter l’errance médicale ? Pour être vite diagnostiqué ? Pour éviter de voir son généraliste qui vous dit presque toujours : “Ça passera…” ?

Le véritable enjeu, en effet, c’est de pouvoir être orienté correctement. C’est pour cela que nous avons mis en place ces cellules de coordination post covid, avec un numéro de téléphone par département, destinées aux patients et aux généralistes dont certains peuvent se sentir démunis. Ces cellules orientent soit vers un spécialiste en ville soit vers des structures de référence labellisées au niveau régional. Elles sont situées à Montpellier, Toulouse, Perpignan pour des diagnostics plus précis et complets. À partir de là, on peut déterminer si c’est vraiment un covid long et quelle prise en charge on propose. Il y a tout un travail d’information et de formation des généralistes qui est en cours.

Y a-t-il un profil-type du patient à covid long ?

Ce que nous apprennent les études épidémiologiques, pas seulement en France mais partout dans le monde, la population touchée est préférentiellement féminine mais aussi masculine. Ce sont des gens plutôt jeunes, entre 30 ans et 60 ans. Parfois, ils n’ont aucun antécédent mais l’asthme ou le diabète de type 2 peuvent être des facteurs de prédisposition. Je rencontre souvent des gens qui, lors de l’épisode d’infection initiale, ont eu un ou plusieurs symptômes associés. Ils n’ont pas été hospitalisés pour cause de covid.

Ce n’est pas encore reconnu comme une affection de longue durée (seules 30 pathologies le sont). Pourquoi ?

Ce n’est pas encore reconnu, notamment parce que l’on attend encore les dernières validations scientifiques. Néanmoins, on a des exemples de ceux qui ont eu ce parcours de soins avec des prises en charge lourdes. Ils peuvent demander à leur caisse d’assurance maladie. Si le parcours a été bien fléché et structuré on peut avoir une reconnaissance ALD de façon exceptionnelle.

C’est presque honteux de dire que l’on souffre d’un covid long ; c’est quelque chose qui fait à la fois peur et qui n’est pas forcément crédible… Qu’en pensez-vous ?

Il y a un enjeu parfaitement sociétal. Vous avez complètement raison. Cela impacte la santé mais aussi la vie tout court des gens qui en sont atteints, en termes de qualité de vie, de travail, de vie de famille… C’est pour cela qu’il faut faire de bons diagnostics, comme pour n’importe quelle pathologie. Et que les gens qui se sentent concernés appellent ces cellules que nous avons mises en place et qu’ils ne restent pas dans des errances médicales qui peuvent durer des mois et des mois. Et qui sont extrêmement pénibles à vivre.

Surtout qu’il y a des problèmes accrus d’AVC et de problèmes cardio-vasculaires dans l’année qui suit

Il y a en effet un impact sur le plan vasculaire, sur le plan immunitaire, sur le plan de la persistance virale… Cela peut conduire à des problèmes cardio-vasculaires à venir : cela veut dire que faire un covid n’a rien d’anodin. Il faut continuer à porter le masque dans des endroits où c’est nécessaire ; à ne pas s’exposer à une possible contamination. Et surtout se faire vacciner, ce qui diminue de 50 % la probabilité de faire un covid long.

Pourquoi est-on en avance en Occitanie ?

Il y a une volonté de l’ARS Occitanie de traiter ce problème et puis on a été avec la structure que j’ai pu mettre en place à la clinique Clémentville, à Montpellier (où nous avons aidé à ce jour plus de 1 000 patients), l’un des premiers centres en France à proposer une prise en charge globale, structurée, pluridisciplinaire. On a profité de cette dynamique-là pour proposer une offre de soins sur la région Occitanie. D’autres centres médicaux vont aussi être impliqués, notamment la clinique du Parc ; la clinique Saint-Jean, ou encore le CHU de Toulouse, le CH de Perpignan…

Olivier SCHLAMA

Patricia Mirallès : “Dupliquer notre réseau dans les autres régions”

Elle a failli “mourir de ce covid”, comme elle le confie. C’est pour cela qu’elle y met autant d’énergie. “Mes collègues députés me demandent : mais comment as-tu fait pour que l’ARS te suive pour créer un réseau de prise en charge ?” Je réponds : “J’ai poussé la porte. J’ai poussé fort. Je suis aussi tombée sur M. Ricordeau, le directeur de l’ARS Occitanie, qui a été à l’écoute et bienveillant… Et puis, Olivier Véran, le ministre de la Santé, a bien compris l’enjeu et nous a ouvert l’accès à ses services ; la première réunion a d’ailleurs été musclée. Après, on a été compris. Les gens touchés par ce covid long sont souvent perdus et en grande souffrance…”

Mains qui enflent ; énorme fatigue ; inflammations…

Patricia Mirallès. DR

Elle raconte que “vingt jours après son infection au covid-19 , en mars 2020, j’ai commencé à avoir les mains qui enflaient ; une énorme fatigue qui persistait… Des choses vraiment bizarres.” La députée (Territoires de progrès, proche de Larem), qui se définit comme “patient expert“, ajoute qu’elle a pu rencontrer Jérôme Larché, justement et mettre un nom sur son affection de covid long. Et le traiter.

“Il a éliminé toutes les maladies qui pouvaient provoquer les symptômes que j’avais, y compris des inflammations à différentes articulations ; des tendinites qui se déclarent sans rien faire de spécial ; le nerf vagal qui fait de siennes… Ça a été un enfer. Tous ces covid longs, c’est une bombe à retardement”. Cela concerne beaucoup de monde, formule-t-elle. “Par la suite, nous avons travaillé avec des associations spécialisées reconnues” pour arriver à faire reconnaître le covid long par l’Assemblée nationale.

“Cela n’a rien de psychologique..!”

Patricia Mirallès insiste : “Cela n’a rien de “psychologique ! comme certains l’affirment pour remettre en cause le covid long. Toutes ces douleurs chroniques existent bel et bien. Alors, oui, peut-être, il y a des contextes où une femme seule, sans boulot, habitant une zone isolée et qui ne trouve pas de rendez-vous médical adéquat, peut développer en plus de ses symptômes une dépression. Mais le covid long est une réalité pour de nombreux Français. Et les médecins en constatent les conséquences avec des IRM et des scanners.”

O.SC.

Courrier ARS - 1 an covid-long