Revenu de base pour jeunes : L’État retoque l’expérimentation, la Haute-Garonne “très déçue”

Ce mois-ci devait débuter une première en France : l’expérimentation d’un revenu de base allant jusqu’à 500 € par mois pour les moins de 25 ans. Pour des raisons juridiques “mais aussi politiques”, argue Arnaud Simion, vice-président du département qui n’abandonne pas le projet, espérant le défendre à nouveau lors de la prochaine mandature au Parlement.

C’était une première nationale. Et elle est stoppée net dans son élan par l’Etat. La préfecture de Haute-Garonne vient de refuser, lors du contrôle de l’égalité, l’expérimentation d’un revenu de base mensuel pouvant aller jusqu’à 500 € par mois pour les moins de 24 ans à l’initiative du  département de Haute-Garonne, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI. Pour répondre à une problématique réelle et profonde de la société qui n’est pas une phénomène transitoire.

1 000 jeunes tirés au sort

Arnaud Simion (à gauche) et Georges Méric, président du département. DR.

L’expérience, unique en France, aurait dû débuter ce mois-ci avec 1 000 jeunes tirés au sort et un groupe témoins également de 1 000 jeunes qui, eux, n’auraient rien touché de la part de la collectivité. Las… La préfecture vient de retoquer la délibération estimant qu’il “n’y a pas de loi permettant cette expérimentation ; elle dit aussi que ce tirage au sort est une rupture d’égalité et que cela crée un faux espoir dans la jeunesse. C’est faux ! La préfecture nous dit que nous pouvons donner des aides sociales. Mais ce n’est pas l’objet. Nous c’est un revenu de base !”, résume Arnaud Simion.

“Extrêmement déçu”

Le vice-président du département de la Haute-Garonne chargé de la jeunesse se dit “extrêmement déçu” par cette décision qu’il considère également comme une sanction “politique”, à un mois de la présidentielle. Et alors que le candidat Macron “avait promis une garantie jeune avec un budget de 1,5 milliard d’euros qui s’est transformée en contrat jeunes, qui est juste une extension d’une mesure prise sous François Hollande en 2016″…

Nous proposions un revenu de base pour jeunes soumis à la validation scientifique. C’était quelque chose d’original…”

Arnaud Simion, vice-président de la Haute-Garonne

L’élu poursuit : “Nous proposions un revenu de base pour jeunes soumis à la validation scientifique. C’était quelque chose d’original. On est humble : si ça se trouve, les scientifiques nous auraient dit : “Non, les écarts sont minimes” ou : “Il y a des effets de seuils, ça ne sert à rien”. Ou alors : “C’est une bonne solution !” Je suis triste et navré. Depuis le début, nous avions dit que l’on connaissait les risques juridiques que nous avons essayé d’obérer en prenant comme partenaires les fédérations d’éducation populaire, l’université Jean-Jaurès, le laboratoire de Sciences Po de la chaire Bernard Maris, etc. Quelque 4 000 jeunes avaient proposé de nous suivre pour faire partie des 1 000 jeunes d’un groupe témoin…”

Le combat continue lors de la prochaine Assemblée

Lors de la cession du 8 mars dernier, la majorité a donc retiré rapport et délibération de ce projet pour lequel la collectivité avait prévu une dépense de 9 M€ par an, mais “sans l’abandonner”, souligne Arnaud Simion. “Nous continuons le combat, en cherchant des alliés. Et comme disait Léon Blum on refuse la fatalité. Dans quelques semaines, il y aura une nouvelle législature. Au Parlement, il y aura forcément des élus de gauche que nous saisirons pour faire ressortir la proposition de loi sur ce sujet qui avait été refusée. Il faut changer de paradigme.”

“Les jeunes et les vieux sont ceux qui ont le plus souffert”

Au bout de deux ans de crise sanitaire, “pour parler trivialement, ce sont les jeunes et les vieux qui en ont été les principales victimes économiques, qui ont le plus souffert. Un jeune sur dix est plongé dans la grande pauvreté. Avec des addictions aux psychotropes ; une difficulté d’accès aux soins ; des files d’attente qui continuent pour manger, même si des universités ont fait des efforts en créant par exemple des épiceries solidaires. Nous avons des lois constitutionnelles. Celle de 2003 promet soi-disant l’expérimentation… Il faut sorti de cette vision centralisatrice. Macron avait pourtant promis cela au Congrès, en 2017 en disant : “Osons l’expérimentation !”

En 2019, une proposition de loi visant à instaurer un tel revenu de base pour jeunes avait été déposée mais rejetée par l’Assemblée nationale. Quinze départements, dont la Haute-Garonne, plaident depuis des années pour une expérimentation du revenu de base pour ceux qui en sont aujourd’hui exclus, les 18-25 ans, les plus touchés par toutes les crises, de quelque nature qu’elles soient.

Olivier SCHLAMA

  • La Haute-Garonne compte 146 163 jeunes de 18 à 24 ans (source Insee), dont 66,5 % sont scolarisés (94 439 jeunes), 34,5 % ont un emploi (50 492) et 12,8 % sont demandeurs d’emploi. Par ailleurs, 49 % d’entre eux vivent seuls ou en colocation. Le taux de non recours aux aides existantes pour les jeunes est de 37 % en Haute-Garonne.

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