Retour à la vie : Oubliées du déconfinement, Discothèques ou la rage de rouvrir

Le Conseil d’État a rejeté vendredi 21 mai le référé déposé par des patrons et exploitants qui demandaient une réouverture de leurs établissements le 30 juin. Une communication sur le calendrier de réouverture est néanmoins attendue avant le 15 juin. Contactés cette semaine, syndicats, patrons de boîtes de nuits et maires en Occitanie, appellent à une vraie considération de la situation des discothèques.

Situation critique dans le monde de la nuit

“Nous avons aujourd’hui 131 liquidations qui ont été malheureusement confirmées par les tribunaux de commerce en l’espace de quatorze mois” constate amèrement Christian Jouny, délégué général du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs (SNDLL). 243 établissements en très grosse difficulté ont également été répertoriés (sur un total national d’environ 1.600 établissements, NDLR).

Cette donnée incluant essentiellement des périodes d’observation de redressement judiciaire ou des plans de continuation qui sont en cours. En prenant en compte ces deux chiffres, “on a, à peu près, 25 % de la profession qui est en danger” ajoute Christian Jouny.

“Nous sommes des victimes !”

Perpignan, le “Boca Boca” hier… (photo D.-R.)

Michel Urbano, propriétaire du Boca Boca, boîte de nuit située au centre de Perpignan, a donc de quoi être inquiet. Deux niveaux avec un étage VIP et une salle “Bodega” pour les jeunes, un patio fumeurs de cent cinquante mètres carrés, pour un total de mille mètres carrés d’exploitation : son établissement est devenu un incontournable de la vie nocturne perpignanaise, depuis sa création en décembre 2000. Près d’un an et demi après le premier confinement, il attend toujours de pouvoir y accueillir des clients.

“La boîte a super bien tourné, c’est très connu, donc j’avais de la trésorerie. Mais cette trésorerie, c’est mon capital de retraite !, peste Michel Urbano. Je ne considère pas que l’on reçoit des aides. C’est une indemnisation. Nous sommes victimes.” A 71 ans, il bataille pour couvrir la totalité de ses frais afin de conserver sa société. Son salaire personnel, qu’il a “déjà coupé d’un tiers”, n’est en effet pas pris en compte par les aides de l’État.

Une réalité confirmée par Christian Jouny : “Tout le monde se félicite du chômage partiel. Bien sûr, heureusement qu’il est là. Mais il ne s’adresse qu’au personnel de la société. En revanche les dirigeants ont le statut particulier de “travailleurs non salariés’” Comme ils cotisent au RSI mais pas au chômage, ils n’ont pas accès au chômage partiel et pas du tout au chômage tout court.”

… et aujourd’hui ! (photo D.-R.)

Un plan d’accompagnement spécifique envisagé

La décision du Conseil d’État, vendredi 21 mai, de rejeter les demandes d’exploitants de discothèques qui réclamaient leur réouverture d’ici au 30 juin, semble enterrer les espoirs d’une réouverture à l’été 2021.

Le ministre des PME Alain Griset, en contact étroit avec les patrons de discothèques depuis le remaniement du gouvernement en juillet 2020, devrait proposer un plan d’accompagnement spécifique adapté, comme il l’a déclaré samedi 22 mai au micro de France Inter, dans l’émission On n’arrête pas l’éco. Ces dispositions pourraient concerner aussi bien des aménagements intérieurs et de la restructuration que de nouveaux apports financiers.

Les municipalités affirment leur soutien

Si le gouvernement semble se préparer à des aménagements, les patrons de boîtes de nuit apparaissent quant à eux déterminés à rouvrir et sont soutenus par les maires. Lundi 17 mai, une tribune parue dans Le Parisien cosignée par quinze maires de villes touristiques (parmi lesquels Stéphan Rossignol, maire de La Grande-Motte dans l’Héraultdemandait la réouverture des discothèques avant l’été. Parmi leurs arguments, la crainte notamment de l’apparition de “fêtes sauvages et désorganisées…”

Gilles d’Ettore, maire d’Agde n’en est pas signataire, mais il est solidaire de la démarche : “Nous sommes très inquiets et je lance un appel solennel au gouvernement pour la réouverture des discothèques, mais également pour la remise en place des fêtes de village pour que les jeunes puissent se retrouver et s’amuser. Soyons pragmatiques et arrêtons de faire l’autruche. Il faut prendre ce problème à bras le corps. C’est une question de société et de fraternité entre nos générations, on ne peut plus continuer de punir notre jeunesse.”

Selon lui, aujourd’hui il n’y a plus un seul argument qui tienne pour laisser les discothèques fermées : “La situation depuis l’été dernier est totalement différente. Je m’explique : La première chose, c’est que l’ensemble des populations à risque seront vaccinées le 30 juin prochain. Deuxième argument c’est qu’aujourd’hui il existe des tests salivaires que nous avons mis en place dans les écoles et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas les mettre en place dans l’entrée des discothèques (…)”

Septembre reste l’horizon espéré…

Les chiffres de la vaccination et les récentes annonces donnent raison au maire d’Agde. Au 20 mai, près d’un tiers de la population totale (32,2 %) a reçu une première injection de vaccin contre le Covid-19, dont 9,26 millions ont été vaccinées avec deux doses, tandis que le gouvernement ouvrira la vaccination à tous les adultes le 31 mai.

“Aujourd’hui la vaccination est probablement la seule réponse. A moins que les personnes acceptent de multiplier les tests PCR” précise Christian Jouny. L’idée d’un pass sanitaire (comme c’est le cas en Espagne ou en Israël), défendue de longue date par les patrons, l’investissement dans des purificateurs faits pour le Covid-19 ou encore le port du masque à l’intérieur, sont des sacrifices que Michel Urbano serait prêt à faire : “J’espère que toutes les discothèques pourront rouvrir au mois de septembre, sinon ce serait intolérable”, lance-t-il.

Pour les boîtes de nuit, l’heure du réveil tarde décidément à sonner !

Marek Khetah

Clubs libertins, pas toujours la vie en rose !

En France, les établissements recevant du public (ERP), sont classés par type (symbolisé par une lettre), en fonction de leur activité ou la nature de leur exploitation (par exemple : L pour les cinémas, Y pour les musées, V pour les lieux de culte…). Les restaurants et les bars sont classés N, tandis que les discothèques et les salles de jeux classées P. Et ces dernières ne peuvent pas rouvrir.

Tout n’est pas rose dans le milieu des clubs libertins. ici le “Club 72”, à Toulouse. Photo M.-K.

En revanche, un “établissement sportif clos et couvert, salle omnisports, patinoire, manège, piscine couverte, transformable ou mixte” sera autorisé accueillir du public à compter du 9 juin, date à laquelle les cafés et les restaurants pourront rouvrir en intérieur.

Ainsi au Club 72, rue du Béarnais à Toulouse, “le jacuzzi, le sauna, et le hammam devraient rouvrir” se rassure Joëlle, patronne de ce discret mais pas moins célèbre lieu de rencontres de la ville rose. La raison : son code APE (Activité Principale Exercée). Attribué par l’Insee, il définit les services principaux d’une entreprise :

“Nous on est dans ‘soins corporels’” précise Joëlle. Le Club 72 s’insère donc dans la catégorie piscine couverte, classée ironiquement… X ! Pour autant il ne s’agit pas d’un pied de nez aux autres exploitants libertins inscrits comme discothèques. Solidaire, Joëlle s’inquiète aussi pour son avenir et a “hâte de réentendre les gens rire, danser, s’amuser”, où que ce soit.

M.-K.

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