Retirada : 1939, les Pyrénées-Orientales au coeur du drame

L'une des images réalisées par le photographe suisse Paul Senn, à découvrir au Mémorial du Camp de Rivesaltes. Photo Paul Senn, PFF, MBA Berne. Dép. GKS. © GKS, Berne

La Retirada, c’est l’exode des réfugiés espagnols lors de la guerre civile. En février 1939, plus de 450 000 Republicains  franchissaient la frontière franco-espagnole après la chute de la République Espagnole et la victoire du Général Franco.

Le département des Pyrénées-Orientales s’apprête à commémorer le 80e anniversaire de la Retirada. Dès le 15 janvier s’ouvre à Argelès une exposition sur “La Retirada” vue par la presse en 1939. Et le 19 janvier (18h30), des lectures seront organisées au Mémorial du camp de Rivesaltes (en collaboration avec Lire et faire Lire 66) autour de textes écrits par des espagnols internés dans les nombreux camps de la région, interprétés par Agnès Sajaloli (gratuit mais Réservation indispensable au 04 68 08 39 70 / info@memorialcamprivesaltes.fr).

Une résonance avec l’actualité

De nombreux autres événements sont prévus dans le département, mais également dans de nombreux autres sites situés en Occitanie (voir plus bas), où des “camps de recueil” ont également été créés. L’émigration, l’exil, le déracinement et ses conséquences… Quatre-vingt ans plus tard, le thème semble plus que jamais d’actualité…

Dès 1936, face à l’avancée des troupes nationalistes, de nombreux républicains tentaient déjà de quitter l’Espagne. Un exode intérieur jettait également sur les routes des milliers d’Espagnols, qui trouvaient d’abord refuge en Catalogne. Quand le 26 janvier 1939, Barcelone tombait aux mains du général Franco, la population catalane et avec elle des milliers de Républicains provenant de toute l’Espagne, se dirigeaient vers la frontière française.

Frontière ouverte le 27 janvier

Au début, face à l’afflux de combattants et de civils à la frontière, le gouvernement d’Edouard Daladier (qui craint l’afflux de “rouges” sur son territoire) propose à Franco de créer une zone neutre entre Andorre et Portbou. Le dictateur espagnol refuse. La frontière est alors ouverte par le gouvernement français le 27 janvier, pour les seuls civils. Les exilés qui fuient la répression (35000 exécutions) et les bombardements de l’aviation franquiste affluent en masse.

Le Convoi, un récit de la Retirada (éd. Dupuis)

Gardes mobiles et tirailleurs sénégalais font le tri, repoussant les hommes valides, avec des méthodes souvent violentes. Quand ils entrent sur le territoire français, après un voyage dans les conditions terribles d’un hiver particulièrement rigoureux, les réfugiés sont dépossédés de tout, armes, bien sur, mais aussi souvent des bijoux, de l’argent, et des quelques biens qu’ils avaient pu sauver. Dès le 28 janvier, ce dispositif de filtrage devient un dispositif d’accueil.

Le 2 février, 45000 espagnols sont déjà arrivés en France. Ce n’est que le 5 février que la frontière est ouverte aux combattants. L’internement, sur la plage d’Argelès, des exilés déjà entrés s’organise. On sépare les hommes des femmes et des enfants. La bande dessinée Le Convoi (éd. Dupuis, par Lapière et Torrents) décrit parfaitement l’ambiance et la situation des réfugiés dans ce camp provisoire.

Un demi-million d’exilés

A partir du 5 février, ce sont 250000 combattants qui viennent s’ajouter aux 250000 réfugiés. Les autorités françaises ont sous-estimé l’ampleur de l’exode. En mars 1939, 264000 espagnols s’installent dans le département des Pyrénées-Orientales… Des zones de regroupement sont crées, en Cerdagne, avec les centres de Bourg-Madame et de Latour-de-Carol, dans le Haut-Vallespir, à Arles-sur-Tech et Amélie-les-Bains et dans la région de Saint-Laurent-de-Cerdans.

On crée dans l’urgence des centres de recueil afin d’assurer la vaccination et de ravitailler ces arrivants dépouillés de tout. Mais la France n’avait pas prévu de recevoir autant de réfugiés. Les conditions de vie sont terriblement difficiles. Saint-Cyprien, Argelès, Le Barcarès sont les principaux sites. Peu à peu, pour désengorger les camps du Roussillon, d’autres camps d’hébergement vont être créés, notamment à Bram (Aude), Agde (Hérault) ou Septfonds (Tarn et Garonne). Mais aussi Le Vernet (Haute-Garonne), Mazères (Ariège) ou Rieucros en Lozère.

Philippe MOURET

– Le Musée national de l’Histoire de l’immigration consacre de nombreuses pages à la Retirada. Avec notamment des images, dont la photographie de Robert Capa : Réfugiés espagnols pendant leur transfert au camp du Barcarès.

 

– A voir également le projet de la Fédération Cors de Clavé Catalogne Nord (FCCCN) d’un spectacle conçu sur le thème de la Retirada et de l’exil. Avec les chefs de chœur, Anne Patrux, Chantal Joubert, Francesc Bitloch et Paul Roig, il présentera à l’initiative de villes, de communautés de communes ou d’associations mémorielles, dans des lieux emblématiques, sous condition de détenir des espaces suffisamment vastes pour accueillir sur scène, plus de 200 choristes-interprètes, accompagnés de musiciens.

A lire également dans notre Dossier :

 

Mémorial du camp de Rivesaltes : “Paul Senn, Un photographe suisse dans la guerre d’Espagne”. Exposition du 3 février au 30 septembre 2019. 150 photos dont les plus émouvantes et emblématiques seront collées en très grand format sur le mur d’accès au Mémorial.

Dans le cadre du 80e anniveraire de la Retirada, le mémorial présente également une exposition itinérante composée de 14 portraits que le photo-reporter a réalisées sur les chemins de l’exil et les camps de la Région Occitanie entre 1937 et 1944, accompagnés d’extraits de leurs témoignages sur l’exil et l’internement. Chaque exposition s’accompagne d’une lecture “Récits de la Retirada” qui présente des extraits de quatorze témoignages que des espagnols internés dans chacun de ces camps ont livrés sur leur expérience de l’exil et leur vie quotidienne d’interné.

Bande dessinée : La guerre d’Espagne et la Retirada ont largement inspiré les auteurs de BD, notamment ceux d’origines ou de nationalité espagnole. De Paracuellos, à Exil, en passant par Les Phalanges de l’Ordre noir, dans Mattéo, Le convoi ou la trilogie Max Fridman, découvrez une sélection des albums qui racontent ces terribles événements, prémices sanglants du plus meurtrier conflit de l’Histoire.

Argelès-sur-Mer : L’association Fils et Filles de Républicains espagnols et enfants de l’exode (FFREEE) organise de son côté une exposition : “La Retirada vue par la presse de 1939″ à découvrir dès le mardi 15 janvier :