Restaurants / Alimentation : Ces initiatives qui sauvent les stocks

Alex Bronzino, gérant de Pralit qui permet aux particuliers de s'approvisionner en spécialités italiennes aux prix de gros. Ph. DR.

Il y a bien sûr les plats à livrer proposés par les restaurants, les traiteurs et les drive des fast food, les seuls qui peuvent servir à manger, coronavirus oblige. Pour le reste, terminé : impossible de profiter de la convivialité d’un restaurant. Des initiatives se font jour çà et là pour sauver les stocks alimentaires et remplir un peu le tiroir-caisse des commerçants.

Sans chichis, mais avec efficacité, le groupe Facebook Stock à vendre des restaurateurs de Sète et alentours se propose d’être l’interface entre clients et restaurateurs. C’est une action de solidarité parmi des milliers en France. En moins de 24 heures, pas moins de 655 membres s’y sont abonnés. Lancé par Isabelle Verrier, conseillère en gestion de patrimoine et à la barre de la seule conserverie de thon rouge pêché à la ligne Fréjafond,basée à Sète, “il a pour but, dit-elle, c’est de mettre en oeuvre une solidarité. D’aider les restaurateurs qui doivent fermer à cause du coronavirus à écouler leur stock. J’ai créé ce groupe pour aider des copains restaurateurs qui sont très embêtés…” Des tonnes de fruits et légumes ; des frigos entiers de poissons ou de viande ne pourront en effet pas patienter trop longtemps… “Je me suis dit que ce serait bien qu’il y ait un endroit où l’on puisse mettre en relation ces professionnels et les particuliers. Avec des bons plans, des ventes à prix coûtants par exemple.” Et ça fonctionne.

La conserverie Rue Traversette prête son atelier

L’atelier de conserverie de Rue Traversette. Ph.DR.

Exemple d’initiative solidaire, celle de Stéphane Strobl qui est à la tête d’une conserverie de fruits et de légumes à Saint-André de Sangonis (Hérault), Rue Traversette. Il met son atelier à disposition des chefs. “Vu le report ou l’annulation de commandes, j’ai mis mes salariés en chômage partiel et j’ai pensé prêter mon atelier où l’on peut cuire et pasteuriser et donc conserver ses produits. Qu’ils viennent avec leurs recettes et leur tenue, ce sera parfait, je fournis le reste.” Sa proposition, neuve, est assez partagée sur Facebook.

Prix coûtants chez un grossiste de spécialités italiennes

Autre exemple de solidarité spontané avec la société Pralit, grossiste en produits de bouche italiens, basé à Sète. L’annonce sur les réseaux sociaux était alléchante : “Logiquement, tous nos clients professionnels (resto et pizzeria) seront fermés dans les jours à venir…. Notre société avait prévu des stocks en produits frais pour servir nos clients dans les semaines à venir… Désormais vu la situation tous nos produits seront à partir de lundi en destockage à prix coûtant pour TOUS !! directement à notre hangar…” Attention, faut contacter l’entreprise via Facebook : les entrées sont limitées à deux personnes en même temps.

Dans le hangar de Pralit. Ph. DR.

Avec ses produits typiques -mozzarella di bufala, burrata, fior di latte, pâtes sèches, tomates – il alimente une “centaine de points de vente dans la région, de Nîmes à Perpignan en passant par Montpellier ou Narbonne. Eh bien moins de 12 heures après une de leurs publications dans le groupe Facebook, “nos stock ont sensiblement diminué, commente Alex Bronzino, le gérant. Nous sommes obligés d’avoir un gros stock pour au moins une semaine pour nos clients qui, aujourd’hui, sont fermés. Il s’agit de plusieurs tonnes de mozzarella et de produits qui généralement doivent se consommer dans les 30 jours. Donc, on a organisé cette opération de destockage à prix coûtant : la mozzarella di bufala que l’on trouve habituellement à 20 euros le kilo, je la vends exceptionnellement à 10 euros. La burrata est à 2,5 euros les 250 grammes. Nous faisons aussi pour d’autres produits les mêmes prix aux particuliers qu’aux professionnels : les pâtes fraîches que l’on trouve dans le commerce à 11,90 euros sont vendues 5 euros et les raviolis de 19,90 euros à 10 euros. Bien sûr, tout est prévu : gel, gants, une personne est au portail pour faire le tri… Je pense que demain on n’aura plus rien à vendre…”

Promocash ouvre aux particuliers

Non loin de là, l’enseigne Promocash a décidé d’ouvrir également aux particuliers. “Notre gérant des magasins Promocash de Sète et d’Agde l’a décidé.” Une trentaine de clients ont déjà poussé la porte du magasin sétois. Habituellement, ce grossiste alimentaire n’est ouvert qu’aux professionnels. C’est évidemment moins cher mais on “leur dit de faire attention : nos prix sont tous hors taxes et les formats sont grands”. Et ce n’est pas forcément les mêmes marques qu’en grandes surfaces. Là aussi, la proxylaxie est au rendez-vous : “Nous avons prévu gel hydroalcoolique, lingettes pour ceux qui veulent ; nous nettoyons régulièrement les chariots mais pour nous nous n’avons pas de masque…”

Dons aux associations et à aux salariés

File d’attente devant une grande surface. Ph. N.SC.

Pour les clients de ces grossistes, les restaurateurs, c’est le système D. Le restaurateur Hugo Giovanelli, 38 ans, gérant de Isola Bella, à Sète (cinq salariés, plus un extra), l’initiative d’Isabelle Verrier “est une très belle idée”. Lui, n’a pas eu besoin de chercher des particuliers pour écouler son stok de périssables : “Vu le nombre de gens que je connais, tous les stocks sont partis vers mes connaissances et amis. C’était important de les distribuer : j’avais des produits frais et sous atmosphère protectrice valable que trois jours pour environ 2000 euros… Maintenant, ce qui m’inquiète c’est ce gros prélèvement d’Urssaf, juste aujourd’hui… Je vais pouvoir tenir quinze jours avec la trésorerie mais pas davantage. Quand je vais devoir payer les salaires… Faudra voir si on peut bénéficier d’aides…”

Toujours à Sète, un fish & ships de Sète vend ses denrées à “prix libre”. À Issanka, dans le Bassin de Thau, Alex Rodir a ouvert son resto Chez Mamie et Lulu il y a deux mois et demi à peine. Et déjà il est obligé de fermer. “Heureusement que je n’ai pas trop de stock : je travaille avec des produits frais et je m’approvisionne tous les jours ou tous les deux jours. Mes légumes sont passés à mon atelier de traiteur pour faire des gratins…” Pour Alexandre Couture à la tête de la brasserie Alexandre, à Sète, “pour le stock : j’ai tout donné à mes cinq salariés. Viande, seiches, poissons, moules, huîtres…” Idem pour d’autres restaurateurs contactés. Le président du principal syndicat de la profession, l’UMIH, Jacques Mestre, “une grande majorité de restaurateurs ont donné leurs marchandises à leurs employés ou à des associations.” Dans l’Hérault, un millier de restaurateurs sont adhérents. Cela représente 5 000 personnes et 25 000 avec les saisonniers qui ne peuvent plus vivre de ce métier. “C’est une catastrophe…”

Olivier SCHLAMA

À lire également sur Dis-Leur !