Rénovations de quartiers : “Les projets vont démarrer, c’est parti pour 10 ans”

Montpellier, Mosson Sud - Aménagement du quartier. Ph. DDTM 34

Veille d’un redouté reconfinement, les opérations de rénovation urbaine dans nos quartiers populaires est lancée. Améliorer la vie dans ces cités où beaucoup des travailleurs de la première et de la deuxième ligne habitent est primordial. Le confinement y avait été particulièrement difficile à vivre et la crise a commencé à toucher leurs populations de plein fouet. Benoit Zeller pilote cet aspect immobilier de la politique de la ville à l’Anru, une agence d’État spécialisée. Dans la région, on compte 11 gros projets et 21 plus modestes dont la plupart  vont démarrer et ce, pour les dix ans à venir. Dis-Leur ! fait le point.

Au lendemain d’une tribune de quarante-trois maires, dont celui de Montpellier, Michaël Delafosse (1), réclamant “une amplification significative et rapide des moyens de l’Anru”, Benoît Zeller, directeur territorial de l’agence de rénovation urbaine qui pilote la rénovation urbaine dans 450 quartiers en France fait le point sur l’état d’avancement des chantiers de démolition, reconstruction, requalification, aménagements, équipements publics (2).

Benoît Zeller, directeur opérationnel de l’Anru. Ph. Anru

Les chantiers ont débuté dans 230 des 450 quartiers de l’Hexagone totalisant près de 600 opérations. Par ailleurs, 290 opérations sont aujourd’hui achevées. Les opérations de démolition, reconstruction et rénovation de grands ensembles concernent environ 10 000 logements. Il est temps. Veille d’un possible reconfinement, les 43 maires réclamaient début octobre davantage de moyens pour ces quartiers où se joue “l’avenir de notre cohésion territoriale”.

“Dans la période sanitaire difficile que traverse notre pays, le sort de nos quartiers populaires doit rassembler l’ensemble des responsables politiques”, écrivent les signataires, en faisant valoir que “beaucoup de travailleurs de la première et de la deuxième ligne y habitent, le confinement y a été difficile à vivre et la crise a commencé à toucher leurs populations de plein fouet”.

Quel est votre rôle à l’Anru ?

J’anime l’équipe des chargés de mission qui, eux, sont en relation directe avec les porteurs de projet, les délégations territoriales… L’Anru, c’est un opérateur d’état chargé de la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine des quartiers prioritaires dans le cadre de la politique de la ville. C’est une équipe de 120 à 130 personnes qui s’appuient sur les préfets et leurs services. Nous instruisons les dossiers que maires et préfets élaborent au niveau local.

480 quartiers, 12 milliards d’euros

Combien y-a-t-il de projets sur la France entière ?

Il y a 480 quartiers éligibles aux programmes. Le budget pour l’ensemble – que l’on alloue en partie en subvention une partie en prêt – est de 12 milliards d’euros. Nous avons déjà validé 85 % des projets dans 396 quartiers. Pour ces derniers, nous avons déjà réservé une enveloppe de 10,3 milliards d’euros.

On est dans les mêmes eaux que le premier plan de rénovation urbaine, lancé en 2004 par Jean-Louis Borloo, une opération qui se termine justement en cette fin d’année 2020. On est dans ces plans sur des échelles de temps de 15 ans. Il y a un effet levier : au total, le programme d’investissement de 12 milliards se traduit par 48 milliards d’euros investis grâce à l’apport des intercommunalités, des villes, des bailleurs HLM…

Un programme de 10 milliards revient à un investissement global de 40 milliards

Montpellier/Tritons – Démolition tour d’Alembert en 2017. Ph. DDTM 34

L’Anru finance généralement 25 % à 30 % des programmes, les collectivités autour de 20 % et une grande part émane des organismes HLM (plus de la moitié). Les régions et les départements apporte un peu de financement également. Un programme de 10 milliards revient à un investissement global de 40 milliards d’euros.

Où en est-on dans l’état d’avancement des projets ? Le covid en a-t-il ralenti ?

Le covid a un impact sur quelques opérations, avec des ralentissements de chantier. Mais cela a eu un impact surtout sur le relogement des ménages lorsque des logements ont été démolis. Sinon, les projets doivent démarrer sous peu un peu partout. Les habitants vont s’en rendre compte. Et c’est parti pour dix ans.

En Occitanie, quels sont les grands projets en cours ?

Nous avons 11 assez gros projets avec de grands périmètres pour de grands quartiers comme le Mirail, à Toulouse qui sont tous validés, et 21 un plus petits, presque tous validés hormis Moissac et Montauban qui ne le sont pas encore. Cela veut dire que tous les projets validés peuvent passer à “l’opérationnel”. Ce qui prend un peu de temps : ça se prépare avec les habitants avec les phases de concertation. C’est une phase où les projets sont travaillés avec les habitants. Nous sommes particulièrement vigilants.

À Toulouse, ce n’est évidemment pas la même taille que celui d’Agde, par exemple, mais la démarche est la même. On change juste d’échelle. En Occitanie, beaucoup de projets sont validés. Ceux-ci ont été élaborés par les collectivités, intercommunalités et villes.

Les gens à faibles revenus ne soient pas tous orientés vers des logements concentrés dans les quartiers mais sur l’ensemble de la ville”

Ce qui est important de dire c’est que chaque projet va traiter ce qu’il y a dans les quartiers mais il a pour objet aussi de produire du logement social, du logement accessible dans l’ensemble du territoire de l’intercommunalité concernée. De sorte, pour résumé, que les gens à faibles revenus ne soient pas tous orientés vers des logements concentrés dans les quartiers mais sur l’ensemble de la ville. Donc tout ce qu’on démolit dans les quartiers est compensée dans la commune.

Y a-t-il un fil rouge entre tous ces projets, une philosophie commune ?

Béziers. Démolition de logements sociaux à la Devèze. Ph. DDTM 34.

L’objectif commun très fort est de restaurer un cadre de vie au minimum normal et, éventuellement, exemplaire. Quand vous déambulez dans un quartier cible de notre programme vous voyez que ce n’est pas dans le même état qu’un autre. Ce n’est pas normal et ça nuit à l’attractivité, à l’épanouissement des habitants, etc.

Il y a des logements qui sont dans un état déplorable, vieillots, mal foutus, pas adaptés, sur-occupés ; il y aussi l’espace public… L’accès à des commerces, à des services de proximité qui doit redevenir normal dans ces quartiers. Ce n’est pas normal qu’il y ait des choses qui dysfonctionnent et que les habitants de ces quartiers n’aient pas les mêmes services qu’en ville.

Village artisanal, centre d’affaires, pépinière…

On partage, bien sûr, les grands enjeux sociétaux, comme l’accès à l’emploi. Les taux de chômage y sont beaucoup plus importants qu’ailleurs. On a deux volets : on oblige les entreprises intervenants sur les chantiers que l’on commande à prendre des gens en insertion ; on vise ainsi les publics les plus éloignés de l’emploi et on essaie de favoriser le développement de l’emploi via l’aide à l’installation de nouveaux commerces. Dans certains quartiers, il y a ainsi un village artisanal, à la Mosson, à Montpellier, ils parlent d’un centre d’affaires-village artisanal ; ailleurs, on réfléchit à l’installation de pépinières d’entreprises, etc.

Y a-t-il des opérations exemplaires ?

Lunel – Intervention sur l’habitat ancien dégradé. Ph. DDTM 34

Nos projets sont extrêmement contextualisés : on n’a pas un modèle qui s’applique partout. On porte une politique nationale mais nos projets sont élaborés en fonction du terrain. Ce que l’on demande c’est des projets de qualité.

Mais ce sont des projets très différents d’une commune à l’autre. Si on prend Agde, par exemple, le projet se concentre sur le centre ancien, très dégradé et c’est compliqué car il y a beaucoup d’habitats privés. On va y trouver autant de logements que de propriétaires.

Alors qu’à la Mosson on a quelques copropriétés avec seulement un, deux ou maximum trois bailleurs sociaux avec des centaines de logements chacun. C’est de la couture. Ce qui va se passer sur Agde ou Lunel (dans l’enveloppe des 12 M€ de rénovation de logements, cela porte sur 2 ilots dégradés soit 85 logements à traiter et 21 immeubles à acquérir) voire sur Sète, c’est un travail de transformation d’îlots.

Le but recherché dans ces cas-là c’est d’avoir un effet levier sur la transformation de quelques îlots. Et un gros travail sur les espaces publics. Avec un travail sur une offre d’équipements, sur l’installation de nouveaux commerces sur certains axes. Le tout, avec effet recherché : que ce territoire-là donne envie d’y venir. Pas forcément pour y habiter mais pour y passer. Le projet de Sète, sur l’Île de Thau, est un peu différent : c’est essentiellement la réhabilitation d’un parc social, avec le choix de ne pas démolir ou démolir très peu. Et un centre commercial à restructurer, aussi.

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA

(1) L’appel transpartisan a notamment été signé par Nathalie Appéré (PS, Rennes), Catherine Arenou (SE, Chanteloup-les-Vignes), Christophe Béchu (DVD, Angers), Mickaël Delafosse (DVG, Montpellier), Christian Estrosi (LR, Nice), Mathieu Hanotin (PS, Saint-Denis), Michèle Rubirola (EELV, Marseille), Eric Piolle (EELV, Grenoble) ou Mathieu Klein (PS, Nancy).
(2) L’Anru se réfère également au discours de politique générale du Premier ministre en juillet dernier. Jean Castex souhaitait alors voir les chantiers s’engager dans au moins 300 quartiers NPNRU d’ici à la fin de 2021. Les 230 quartiers où les travaux sont engagés correspondent déjà à plus de 76% de l’objectif fixé. Ils marquent aussi une “accélération de près de 15% depuis mars dans un contexte marqué par le confinement”. Pour Olivier Klein, président de l’Anru : “C’est essentiel pour l’Anru et ses partenaires que les projets que nous avons validés ces deux dernières années se transforment en chantiers et surtout en réalisations concrètes pour les habitants des quartiers que nous accompagnons. La crise sanitaire, économique et sociale de notre pays ne doit pas nous inciter à ralentir le rythme de nos projets. Bien au contraire puisque le programme de renouvellement urbain est une réponse efficace et tangible aux difficultés des quartiers, renforcées par la crise.”