Pyrénées : A Font-Romeu, la gestion de l’eau coule de source

A 2000 mètres d'altitude, Le lac des Bouillouses retient 17 millions de mètres cubes d'eau pure alimentant Font-Romeu, Egat et Bolquère (P.-O.). Photos : Olivier SCHLAMA

La gestion de la ressource en eau constitue un enjeu majeur pour le développement des stations de ski, de plus en plus fragiles économiquement, subissant un enneigement très variable. C’est le géant Suez qui le dit par la voix de Jany Arnal, la directrice pour l’Occitanie. Suez gère les réseaux de plusieurs stations dans les Alpes et les Pyrénées comme Saint-Lary ou Luchon.

REPORTAGE. Le réchauffement climatique est une réalité visible dans le massif des Pyrénées, qui a perdu la plupart de ses glaciers en moins d’un siècle. « Nous sommes dans une région qui accueille 30 millions de touristes par an. C’est compliqué de gérer la demande en plus des 5,6 millions d’habitants. », a précisé Jany Arnal lors d’une table ronde ce jeudi 7 février 2019 à Font-Romeu, qui a dit qu’en la matière “Cette station a été précurseur…”

Les canons à neige en question

Ce n’était pas un hasard géographique : depuis des années, la station et les élus de la communauté de communes ont eu une prise de conscience. Font-Romeu, troisième station du massif pyrénéen, est une très bonne élève en la matière.

Canon à neige. Photo : O.S.C.

Le maire d’Egat a voulu tordre le cou à une idée reçue « Grâce aux nombreux travaux de modernisation du réseau de l’ordre de plusieurs millions d’euros en dix ans, on est passé de 1 million de mètres cubes en provenance du barrage du lac des Bouillouses à quelques kilomètres, consommés en 1989 à 600 000 mètres cubes par an. En sachant que 500 000 mètres cubes sont consommés par l’eau potable et 340 000 à 400 000 pour les canons à neige. » Ces canons qui supportent, à coût de millions d’investissement, toute l’économie. Qui ne sont donc pas l’épouvantail que l’on veut bien désigner a-t-il dit en substance. Et puis, s’agissant de l’eau potable, “certaines petites communes n’auraient pas pu faire face toutes seules à toute cette technicité ni au budget que cela demande”, a précisé le maire de Font-Romeu.

200 000 compteurs “intelligents” en Occitanie

Suez a aussi peu à peu connecté tous les villages à des compteurs intelligents -qui n’ont rien à voir avec les Linky de Engie. Suez en a déjà posé 200 000 en Occitanie. Sans oublier le recours appuyé au numérique et des capteurs partout. Toutes ces améliorations ont permis d’économiser l’eau de parfois 20% et d’autant la facture.

Nous n’avons pas payé de surcoût à Suez qui nous fait faire des économies à Font-Romeu où le mètre cube se paie entre 3€ et 4€.”

Jean-Louis Demelin, maire de Font-Romeu

Nous n’avons pas payé de surcoût à Suez qui nous fait faire des économies à Font Romeu où le mètre cube se paie entre 3€ et 4€.” Jean-Louis Demelin, maire de Font-Romeu, renchérit. “La bonne gestion de l’eau est un atout pour tous. Certes nous sommes la station qui a le plus de canons à neige en France, 540, mais c’est efficace.” Entendre dans un contexte très concurrentiel où les stations pyrénéennes sont attaquées par les stations de catalogne espagnole. « Et puis, cette eau – que l’on paie – s’écoule si on ne l’utilise pas

Week-end sur le… “trône”…

Gilbert Desclaux directeur de l’agence immobilière Peyrot ayant en gestion 300 copropriétés est allé plus loin : “L’economie est bien plus importante : en dix ans, on a construit dans le secteur 3500 appartements en Capcir… » On partait de loin : “Dans les années 1990, on disait aux touristes : “Attention, ne buvez pas de l’eau du robinet, vous serez malades ! Et il n’était pas rare que de passer le week-end sur le trône…” Toute une époque révolue. Comme le fait de laisser couler l’eau l’hiver, sans jamais fermer le robinet ! Pourquoi ? Pour éviter le gel et les ruptures dans les canalisations. Une habitude rendue possible par l’absence, souvent, de compteur…

Nous n’avons pas besoin de choisir entre eau potable, agriculture ou canons à neige. Nous avons suffisamment d’eau.”

Antonella Quadri, ingénieur à la Société hydro-électrique du Midi (SHEM).

Et pour cause : la gestion de l’eau coule de source. Comme l’explique Antonella Quadri, ingénieur à la Société hydro-électrique du Midi (SHEM) qui gère le lac des Bouillouses (un ancien marais), dans le massif du Carlit, à 2 000 mètres d’altitude, dont la digue a été construite entre 1904 et 1910. En premier lieu, il a servi à la production d’énergie pour l’électrification du fameux Train jaune qui relie Villefranche-de-Conflent jusqu’à Mont-Louis. Et bien sûr pour pallier le manque d’eau en été, notamment. Jusque-là, les Romeufontains piochaient directement dans les cours d’eau. Des lâchers peuvent se produire une à deux fois par an.

La beauté du site, classé, est à couper le souffle. “A part le fait que notre priorité est de préserver la rivière et son écosystème en maintenant un débit suffisant tout au long de l’année, nous n’avons pas d’autres arbitrages à faire : nous n’avons pas besoin de choisir entre eau potable, agriculture ou canons à neige. Nous avons suffisamment d’eau. Le quantité d’eau que nous redirigeons de ce réservoir est suffisante pour faire face à la demande, même l’été. Soit 10 millions de mètres cubes déversés pour l’agriculture dans la vallée, l’eau potable (l’autorisation va jusqu’à 530 000 mètres cubes par an) et désormais la production de la neige de culture.

Nous redirigeons à la demande, entre 900 mètres cubes par jour et 3 000 mètre cubes par jour, lors des pics de demandes en février et en août…”

Jean-Michel Coll, Suez.

L’ingéniosité du système tient au fait que sept usines hydroélectriques, réparties en cascade, descendent jusqu’à la vallée suivant le même cour d’eau, la Têt. Et c’est la même eau qui est turbinée, rejetée et turbinée six autres fois, donnant au total une capacité de production de 175,7 gigawatt/heure. De quoi alimenter en électricité 86 000 habitants répartis dans 12 communes.

Les pistes de Font-Romeu alimentées en neige de culture. Photo : Olivier SCHLAMA

A cette altitude, l’air y est très sec. Et l’eau que retient ce barrage (17,5 millions de mètres cubes par an, parfois le double en fonction des pluies et de l’abondance de la neige qui fondra au printemps, est très pure mais très acide. C’est là que Suez intervient via son usine d’eau potable contiguë au réservoir des Bouillouses. “Ici, explique Jean-Michel Coll, responsable de Suez à Font-Romeu, nous redirigeons à la demande, entre 900 mètres cubes par jour et 3 000 mètres cubes par jour, lors des pics de demandes en février et en août. Pour en diminuer l’acidité, nous la reminéralisons avec du carbonate de calcium et du magnésium pour la rendre moins agressive et la désinfectons avec des injections de CO2.

Olivier SCHLAMA

Quelques chiffres :

Source Groupe SUEZ :