Pyrénées-Ariégeoises : Un lâcher de dix nouveaux bouquetins

Photos et vidéo : Parc naturel régional des Pyrénées-Ariégeoises.

(Avec vidéo). Grâce au Parc naturel régional, on dénombre quelque 180 spécimens dans cette partie du massif où ils se plaisent et se reproduisent. Ces réintroductions sont une réussite et une chance pour la biodiversité.

La neige embellit tout. Les sourires joyeux qui étaient de mise ce vendredi matin aussi. Avec ou sans cette couche, l’ours s’épanouit en Ariège. Et le bouquetin, apparenté à la chèvre, dans les Pyrénées-Ariégeoises. Ce vendredi matin, bénévoles et responsables du Parc naturel ont procédé à un lâcher, le 11e du genre depuis six ans, d’une dizaine d’individus, des bouquetins ibériques, à ne pas confondre avec leurs cousins des Alpes. Sept femelles, trois mâles, ce qui tombe bien en pleine période de reproduction. Cette espèce emblématique, placide de 90 centimètres au garrot et d’une longueur maxi de 1,40 mètre pour un mâle, a pu le rester grâce à la mobilisation de bénévoles.

Famille de Bouquetins. Ph. Jordi Estèbe.

Le directeur du parc explique : “Nous avons relâché dix bouquetins. Ce qui fait que nous en sommes à une population d’une centaine d’animaux ainsi réintroduits”, précise Matthieu Cruège. Un lâcher de bouquetins qui s’est effectuée non loin d’Ustou en Ariège, entre l’étang de Lers et le col d’Agnes. Dans ces contrées, ces animaux au poil ras et brun aux cornes en forme de lyre, aux sabots magiques face à la verticalité qu’ils dominent d’un pas leste. Une qualité face aux falaises qui s’élèvent devant eux, devant Accous, porte d’entrée de la vallée d’Aspe en Béarn qui ouvre jusqu’au col du Somport, à la frontière avec l’Espagne. Soit des dizaines de milliers d’hectares de pics, dont le plus haut culmine à 2 640 mètres, et de cols, de terres boisées ou rocheuses qu’affectionnent ces animaux. C’est dans un environnement préservé que la biodiversité s’épanouit, gypaètes barbus, rapaces, vautours… On y côtoie, avec de la chance, les isards et, quand ils se réveilleront de leur hivernage, les ours…

Cela fait un siècle qu’il n’y avait plus cette espèce pourtant jadis endémique et emblématique des Pyrénées. Même pas dans les Pyrénées espagnoles”

Matthieu Cruège, directeur du PNR

“Au total, la population de bouquetins dans ce coin des Pyrénées atteint désormais les 180 individus environ”, précise Matthieu Cruège. Ce qui prouve que l’animal se sent bien et se reproduit bien. “À l’origine, la genèse du projet remonte à 2014. Cela fait un siècle qu’il n’y avait plus cette espèce pourtant jadis endémique et emblématique des Pyrénées. Même pas dans les Pyrénées espagnoles.Ce sont des bénévoles, passionnés, qui ont porté ce projet de réintroduction avant même la création de ce parc naturel régional.” Au total, on compterait quelque 400 individus dans l’ensemble du massif des Pyrénées. Avec 227 bouquetins relâchés en sept ans entre Ariège, Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques.

“Il n’y a pas de braconnage et on connaît une belle progression des naissances”

Dossier fut dûment instruit par les services déconcentrés du ministère de l’Environnement, la DRE. Et bien sûr son suivi. Et c’est une réussite. Des petits naissent régulièrement alors que l’espèce avait totalement disparu des Pyrénées en 1910. “Il n’y a pas de braconnage et on connaît en effet une belle progression des naissances.” Plusieurs dizaines en quelques années. Ces nouveaux venus viendront enrichir un noyau de plusieurs bouquetins déjà bien établis au mont Béas.

Chassé jusqu’à l’extermination, protégé depuis 2012

Les raisons de cette éradication remontent à des heures peu glorieuses, dès le XIXe siècle où le bouquetin était largement chassé jusqu’à l’extermination. Certes, pour sa viande mais aussi et surtout pour être le gibier de parties de chasse, notamment prisées par les premiers touristes britanniques mais aussi pour servir la chasse dite sportive… Désormais, c’est, depuis 2012, une espèce protégée… en France. “En Espagne, elle n’est pas protégé, confie encore Matthieu Cruège. Ce qui a, il y a plusieurs années, au début du projet de réintroduction, rendu difficile l’importation de bouquetins… d’Espagne.”

Les bouquetins viennent de la région Guadarrama

Il précise : “Au début, nos voisins de l’autre côté des Pyrénées ne voulaient pas nous donner des spécimens de chez eux. En Espagne, décrypte Matthieu Cruège, il est au coeur d’un gros business. La chasse au bouquetin rapporte gros, y compris aux communes. Le trophée d’un beau mâle vaut 15 000 € à 20 000 € : il faut payer la tête, comme on dit, le guide, l’hôtel, l’accueil…” Il a fallu un accord bilatéral avec l’Espagne entre Fabius et Royal d’une part et leurs homologues espagnols pour que l’on puisse récupérer des bouquetins qui viennent de la région Guadarrama, entre Madrid et la Castille.

Une opération à 20 000 €

Une opération comme celle de ce jour coûte 20 000 €, explique-t-on du PNR, partenaire du département de l’Ariège qui, d’une manière générale soutient le PNR financièrement et qui accorde des enveloppes pour des opérations spécifiques. Ce qui est le cas de cette réintroduction de bouquetins dans les Pyrénées ariégeoises. “L’opération n’est pas donnée, confie à nouveau Matthieu Cruège. Il a fallu choisir les bouquetins sur le plan génétique qu’ils soient d’une bonne diversité ; payer la capture, les vétérinaires, la mise en quarantaine, les acheminer en camion… Chaque bête coûte au total 2 000 € pièce.” Certains de ces animaux sont suivis à la trace grâce à une puce GPS dans le collier. “Ils peuvent se déplacer très loin. Une femelle du premier lâcher s’est ainsi aventurée jusque dans les Pyrénées-Catalanes, à 100 km !” 

Le directeur du PNR caresse une idée : “Reconstituer le bestiaire originel des Pyrénées. On pense à un oiseau comme la gélinotte, un animal comme le castor qu’une association locale promeut et qui est davantage présent dans le Gard et le Tarn.” Ou le fameux Desman, dont Dis-Leur vous a déjà parlé. Il y a de quoi faire et des occasions d’arborer des sourires joyeux.

Olivier SCHLAMA

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