Pour les 18-24 ans : La Haute-Garonne teste un revenu de base de 500 €

Le département de la Haute-Garonne lance une expérimentation unique en France, votée ce mardi après-midi, sur 1 000 jeunes dès le 1er mars 2022 pour dix-huit mois. L’idée, c’est de démontrer que ce revenu de base, cumulable avec d’autres aides, peut enclencher une expérimentation nationale sur une jeunesse de plus en plus précarisée.

Ce revenu de base, tel qu’imaginé par le département de Haute-Garonne est une première en France. À partir de 350€ et jusqu’à 500 € par mois pour pallier “les déficiences du système de protection”, notamment le RSA dont sont exclus les jeunes majeurs, de 18 ans à 24 ans. Versé automatiquement, dégressif en fonction des revenus du foyer de référence, ce revenu de base, “cumulable avec d’autres aides”, ne sera “pas conditionné à la recherche d’un emploi ou d’une formation”. Le coût de cette mesure ? Il a été donné : 9 M€ pris en charge à 100 % par le département de la Haute-Garonne.

“Nous voulons voir ce que les jeunes vont faire de ce revenu de base que nous testons sur 1 000 jeunes à partir de mars 2022…”

Georges Méric

À quelques semaines de la présidentielle, “nous voulons voir ce que les jeunes vont faire ce revenu de base que nous testons dès le 1er mars 2022 sur un échantillon de 1 000 d’entre-eux, de 18 ans à 24 ans, tirés au sort et représentatifs du territoire et ce, pendant dix-huit mois.” En amont du vote en assemblée plénière du conseil départemental de Haute-Garonne, ce mardi après-midi, Georges Meric, président PS de cette collectivité, a dit lors d’une conférence de presse, tout le sens de son engagement “humaniste”.

Pas de revenu de base équivalent en France

Georges Méric et Arnaud Simion. Ph. Aurélien Ferreira / CD31

Ce projet d’expérimentation, qui a été adopté cet après-midi par la majorité départementale, n’aurait pas d’équivalent en France et même en Europe, selon le professeur de sociologie de l’Université Jean-Jaurès de Toulouse, François Sicot, dont les équipes du laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés et territoires, sont chargées de la mise en place de l’expérimentation de cette aide inconditionnelle faite pour “s’affranchir des conditions de survie, commencer à s’émanciper. C’est pour se loger, se vêtir…” Et éviter les biais qui pourraient apparaître.

“Une tranche d’âge qui a vu sa précarité et ses difficultés s’accroître lors de cette crise sanitaire…”

“C’est un revenu d’existence, sans conditions, que nous expérimentons”, a précisé Georges Méric. C’est un “revenu de décence humaine pour une tranche d’âge qui a vu sa précarité et ses difficultés s’accroître lors de cette crise sanitaire”. Au plus fort de la crise, le département avait distribué des bons solidaires à quelque 5 000 jeunes du département. C’est un revenu de base qui est un revenu “d’égalité des chances” dont le but est de “faire face à l’urgence sociale. Nous ne sommes pas hors sol. Les pauvres sont toujours plus pauvres et on assiste à une précarisation de la jeunesse”.

“Pas un encouragement à rester inactif…”

Vice-président du département de Haute-Garonne, Arnaud Simion disait déjà, il y a deux mois dans Dis-Leur ! Il y a bien le soi-disant projet du gouvernement, le fameux revenu d’engagement. Il a été annoncé dans le cadre de la pré-campagne électorale de la présidentielle de 2022. Il n’est même pas financé… Et il se place encore et toujours dans la même philosophie du diptyque cher à la droite : face à des droits, il y a toujours des devoirs. Et surtout ce projet s’inscrit dans un parcours vers l’emploi, comme si aider les jeunes s’apparentait à de l’assistanat. Cette façon de penser nous révolte. Les études, par exemple d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019 (1), sur ce sujet sont claires : ce n’est pas un encouragement à rester inactif. Il n’y a aucun lien entre ce type d’aide et une soi-disant volonté d’être fainéant. Quant à la fraude possible, elle est résiduelle.”

“30 % des jeunes ne recourent plus aux soins…”

Aujourd’hui, Arnaud Simion renchérit : “C’est une génération abîmée : 30 % des jeunes ne recourent plus aux soins dont ils ont besoin ; avec d’importants risques, y compris de décrochage scolaire chez les moins de 30 ans dont la moitié d’entre eux sont pauvres. Plus question de continuer à regarder s’allonger les files d’attente devant les banques alimentaires. Nous voulons agir. Nous avons 150 000 jeunes dans le département dont 37 % ne recourent à aucune aide existante.”

L’Assemblée a refusé de débattre sur le revenue de base

Depuis trois ans, le conseil départemental de Haute-Garonne milite avec dix-huit autres conseils départementaux pour la mise en place d’un revenu de base. Sauf que la demande d’une loi d’expérimentation a échoué : l’Assemblée nationale a refusé de débattre en janvier 2019. Le département de la Haute-Garonne a malgré tout décidé de mettre en œuvre un projet expérimental de revenu de base pour les jeunes, de 18 à 24 ans, qui sont à la fois exclus du RSA et les premières victimes du ralentissement de l’économie.

Évaluer scientifiquement l’impact sur les vies

L’expérimentation est très sérieuse : elle sera faite en double aveugle. Auprès donc de 1 000 jeunes tirés au sort mais aussi auprès d’un groupe témoin qui, lui, ne bénéficiera pas de ce revenu de base. Ce projet a auparavant fait l’objet d’une consultations avec les partenaires jeunesse du département et du groupe de jeunes ayant participé à la concertation sur la stratégie jeunesse de la collectivité, engagée depuis 2017.”

Il y aura aussi un puissant suivi : Les chercheurs composeront un groupe interdisciplinaire en sociologie, psychologie du développement de l’enfant et de l’adolescent, sociologie de la santé, aménagement du territoire et urbanisme.
“L’objectif de cette expérimentation vise à évaluer scientifiquement l’impact de ce revenu de base sur la trajectoire de vie des jeunes participants.” 
Et d’ajouter : “Ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment les jeunes qui bénéficient de ces 500 € sont ensuite insérés vis-à-vis du logement, l’insertion dans l’emploi, la participation sociale et citoyenne, le bien- être, la santé, le rapport à l’entourage, le rapport aux institutions.”

Servir d’exemple au niveau national

Les étudiants, victimes oubliées de la crise sanitaire. Face à l’indifférence de l’Etat. Photo D.-R.

En 2018, 18 départements étaient montés au créneau sur ce thème “mais, depuis, la situation s’est tellement dégradée qu’il y a urgence et nous essayons de forcer la décision…”, souligne Georges Méric. En gros, nous avançons et d’autres, peut-être, embrayeront. Si l’expérience est concluante, elle pourrait servir d’exemple national et être reprise au niveau de l’Hexagone. “Sur cette base de travail, le Département sollicitera une nouvelle fois l’État pour obtenir l’adoption d’une loi d’expérimentation nationale ainsi que la création d’un fonds dédié”, indique-t-on.

Attendre le contrôle de légalité du préfet

Reste un écueil, celui du contrôle de la légalité, exercé par le préfet. Le président Méric argumente : “Ce n’est en rien un revenu pour paresseux !” Pour lui, ces situations d’urgence sociale fabriquent du ressentissement, puis soit de larésigfnation soit de la haine. C’est cela que le préfet devra peser…” Et : “Il n’y a que la France et le Luxembourg qui ne versent pas d’aide aux jeunes…”

Olivier SCHLAMA

  • La Haute-Garonne compte 146 163 jeunes de 18 à 24 ans (source Insee), dont 66,5 % sont scolarisés (94 439 jeunes), 34,5 % ont un emploi (50 492) et 12,8 % sont demandeurs d’emploi. Par ailleurs, 49 % d’entre eux vivent seuls ou en colocation. Le taux de non recours aux aides existantes pour les jeunes est de 37 % en Haute-Garonne.

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