Ours et pastoralisme : L’impossible dialogue ?

L'ours est au coeur de la polémique dans les Pyrénées. photo d'illustration.

Étienne Guyot, préfet de la région Occitanie, préfet coordonnateur du massif des Pyrénées, a réuni, le 3 mai 2021, pour la 5ème fois le groupe “Pastoralisme et Ours”, des représentants des professions agricoles, des représentants de certaines associations de protection de l’environnement, des fédérations (randonnées pédestres, chasse…) et des parcs naturels. De nombreux élus du territoire et parlementaires étaient aussi présents…

Dans un communiqué, la préfecture souligne que “dans l’objectif d’une meilleure cohabitation entre l’ours et les activités pastorales, la réunion du groupe “Pastoralisme et Ours” a permis de préparer la saison d’estive 2021 (*), d’échanger sur les nouvelles mesures de protection envisagées et de proposer des améliorations concrètes aux différents dispositifs existants…”

L’Etat mobilise plus de 3,6 M€ pour soutenir le pastoralisme

Force est de constater que l’Etat annonce une mobilisation financière exceptionnelle de 3,6 M€ du ministère de l’Agriculture pour l’ensemble du massif des Pyrénées (bergers, formation des pâtres, chiens, clôtures, abris d’urgence, radio téléphones), en augmentation de 25 % et 750 000 € de crédits du ministère de la Transition écologique (bergers d’appui, bergers supplémentaires foyers de prédation, chiens de protection de la Pastorale pyrénéenne, protection des ruchers).

A ces sommes, s’ajoutent “le maintien du soutien financier à 500 postes de bergers et éleveurs gardiens, la création de 16 abris pastoraux, une vingtaine de formation des pâtres et des bergers, des moyens pour protéger les troupeaux (débroussaillage, clôture, rénovation de cabanes, etc.) et le renforcement des moyens humains avec le financement de 9 postes de bergers d’appui supplémentaires.”

Manifestation d’éleveurs en Hautes-Pyrénées

Inquiétude pour les troupeaux dans les Pyrénées. photo d’ilustration.

“L’État se mobilise concrètement pour mieux protéger les estives particulièrement prédatées” souligne le communiqué préfectral. Il est vrai que plusieurs attaques d’ours (trois en une dizaine de jours, sans doute imputables au même individu), dont une dans une bergerie, avaient déjà provoqué une manifestation de 250 éleveurs à Arreau dans les Hautes-Pyrénées le 29 avril dernier.

La préfecture des Hautes-Pyrénées a déclenché le protocole “ours à problèmes” dans le département (qui autorise les tirs de balles plastique dans l’arrière-train de l’animal, suivi de détonations visant à l’effrayer). Une mesure jugée insuffisante par les éleveurs.

Ainsi François Noguès, délégué à la question de l’ours pour la Coordination Rurale des Hautes-Pyrénées souligne : “Les brebis vont repartir en estives, alors qu’il faut encore faire des papiers pour être indemnisé de l’an dernier. Je n’ai pas le choix de les mener en estive, mais j’ai peur. Ce dispositif n’a pas fonctionné, on s’est fait tuer des brebis, mais il faut continuer. Cet ours, il faut le sortir, c’est tout ! On l’a demandé au préfet, mais on n’a pas de réponse, sinon qu’il faut vivre avec…”

8 M€ pour “la conservation de l’ours” ?

Par ailleurs, à peine sortis de la réunion du groupe “Pastoralisme et Ours”, les éleveurs ont bondi en découvrant un projet européen : Le “quoi qu’il en coûte” a sa version lobbies naturalistes ! Pas moins de 8 Millions d’euros sont demandés dans un appel à projet #Life “Conservation de l’ours brun en adéquation avec les activités anthropiques dans le massif des Pyrénées”. Un projet coordonné par la Dreal Occitanie qui vise à permettre à l’ours d’atteindre “un nombre d’individus matures suffisant à sa conservation. Évidemment, c’est un projet “entre soi” puisque les acteurs pastoraux n’y ont pas été associés”, soulignent-ils dans un communiqué et sur la page Facebook de la Fédération nationale de défense du pastoralisme.

Le préfet de Région, Etienne Guyot déclarait à l’issue de la réunion du 3 mai que “Cette réunion (…) avant la montée en estive, s’inscrit dans le contexte particulier des attaques d’ours qui ont eu lieu récemment dans le département des Hautes-Pyrénées et réaffirme l’engagement total de l’État pour l’accompagnement des acteurs du massif .”

Les pro-ours ont boycotté la réunion du 3 mai

L’ours, au coeur des polémiques. Photo d’illustration.

Le regard sur la situation est bien sur radicalement différent du côté des pro-ours. Ainsi, Cap-Ours, la coordination associative pyrénéenne pour l’Ours et Pays de l’Ours-Adet (créée en 1991 pour initier et promouvoir le retour de l’ours dans les Pyrénées centrales) ne se sont pas rendues à la réunion du groupe “Pastoralisme et Ours” du 3 mai dernier.

Précisant dans un communiqué : “Depuis deux ans, nous avons participé activement aux réunions malgré nos désaccords de fond sur certaines options prises par l’Etat, nous avons salué des efforts réalisés, et nous avons fait l’effort dene pas répondre à des provocations pourtant manifestes (…) Dans le dossier ours, l’Etat ne respecte ni ses obligations légales, ni ses engagements, ni les experts, ni l’opinion publique majoritaire, ni les demandes de la Commission Européenne, ni-même les décisions de justice” affirment ces associations (lire le communiqué complet).

Actuellement, 64 ours dans les Pyrénées

Rappelons que selon les plus récents comptages, il y aurait 64 ours dans les Pyrénées : 59 ours en Pyrénées Centrales (Comminges, Couserans, Val d’Aran, Catalogne, Pyrénées orientales), 3 ours en Pyrénées Occidentales (Pyrénées-Atlantiques, Navarre, Aragon) et 2 ours mâles passant d’une zone à l’autre. EN 2020 on avait enregistré 9 portées. Et 2021 devrait être sur les mêmes chiffres.

Si les préfets de département et les services techniques de l’État “sont mobilisés pour associer l’ensemble des acteurs tout au long de la saison d’estive“, il n’est pas certain que le dialogue soit pour le moment à l’ordre du jour chez les potentiels interlocuteurs…

Philippe MOURET

(*) L’estive est la période de l’année où les troupeaux paissent sur less pâturages de montagne. Par métonymie, c’est aussi le pâturage de montagne et la garde du troupeau en montagne. L’estivage consiste à mener le troupeau à l’estive. Sur le pastoralisme dans les Pyrénées voir le site pyrenees-pireneus.

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