Occitanie : Les emplois francs se cherchent une franche réussite

On a conçu les emplois francs pour lutter contre le chômage des jeunes des quartiers de la politique de la ville qui sont de plus fortement touchés par la crise. Ce pied à l’étrier, qui n’a jamais percé, comme beaucoup d’autres, voit donc son heure peut-être venue.

Difficile de trouver un emploi quand son CV indique une adresse dans les quartiers prioritaires… Il existe pourtant une mesure qui vise à booster l’emploi dans les cités percluses de chômage, en subventionnant chaque embauche d’un jeune inactif. Une discrimination positive qui ne dit pas son nom. Le dispositif, actif mais peu utilisé jusqu’à maintenant, ce sont les emplois francs. Il consiste à aider financièrement un employeur, quel qu’il soit, et qui peut être situé en dehors de ces quartiers, à hauteur de 15 000 euros, répartis sur trois ans si le jeune est embauché en CDI, et de 5 000 € sur deux ans s’il est embauché pour un CDD d’au moins six mois. C’est l’État qui paie l’addition.

Ce dispositif est méconnu. Il faut dire que, créé sous le mandat de François Hollande, on l’a abandonné parce que peu efficace, à l’époque. Mais les conditions d’accès ayant été depuis élargies et simplifiées – il est accessible à tous les demandeurs d’emploi sans critère d’âge – depuis le premier janvier, Pôle emploi, préfectures et ministère du Travail font feu de tous bois pour le promouvoir : à Montpellier aujourd’hui, Agde demain, etc. Cette offre ne sera pas de trop au vu du plan de relance annoncé pour la rentrée.

L’objectif est de réaliser 1 222 contrats francs d’ici la fin de l’année 2020 dans l’ensemble des 13 départements de la région, au prorata de la population de chacun. Nous en avons réalisé 420″

Damienne Verguin, directrice-adjointe de la Direccte

En 2018, on a à peine signé 26 959  de ces contrats en France. C’est peu mais c’était dans le cadre “d’une expérimentation de la mesure”, précise Damienne Verguin, directrice-adjointe de la Direccte Occitanie. “L’objectif est d’en réaliser 1 222 d’ici la fin de l’année 2020 dans l’ensemble des 13 départements de la région, au prorata de la population de chacun. Nous en avons réalisé 420″, précise Damienne Verguin. Cette dernière ajoute : “Beaucoup de promotion a été faite depuis la fin 2019 par Pôle emploi, les missions locales, les employeurs ont été destinataires d’une lettre sur ce sujet dans les envois de l’Urssaf, etc. On a transmis l’info dans les organismes consulaires, les clubs d’entreprises. Dans la Région, on a testé avec succès ces emplois francs en Haute-Garonne. Mais l’un des freins pour le jeune c’est de dire qu’il vient d’un quartier, qu’il vient de la Paillade, à Montpellier, ou du Mirail, à Toulouse.” L’une des limites de la discrimination positive.

“Il faut le demander !”

Côté entreprise, la difficulté est d’être au courant que ce dispositif existe et “qu’il faut le demander ! Bien sûr, des entreprises ont été ciblées, comme à Saint-Gaudens”, nous apprend encore Damienne Verguin. Par exemple, chez Arcométal, qui réalise des meubles haut de gamme pour la restauration et qui avait embauché le premier emploi franc de Haute-Garonne en 2019.

“Nous n’avons pas regardé s’il y a des aides avant d’embaucher quelqu’un ! Avant tout, ce sont ses qualités que nous avons regardées. Sinon, c’est de la discrimination !”

Sophie Lebrec, dirigeante du Super U de Castelnau

Après deux ans de formation, Sophie Lebrec et son mari ont repris en mai 2016 le Super U de Castelnau-le-Lez d’une surface de 3000 m2 et 100 salariés, à parité entre hommes et femmes, essentiellement des jeunes de moins de 26 ans. En janvier 2020, ils ouvrent le premier drive piéton U de France, place de la Comédie, à Montpellier. Ils ont reçu, depuis janvier 2020, 56 déclarations d’embauche. Et viennent de salarier leur premier emploi franc, Tom Ferrer, en CDI. Il préparera notamment les commandes. Cette entreprise revendique avoir “le plus gros quota de produits bio dans l’Hérault”.

Sophie Lebrec témoigne du processus : “Nous n’avons pas regardé s’il y a des aides avant d’embaucher quelqu’un ! Avant tout, ce sont ses qualités que nous avons regardées. Sinon, c’est de la discrimination ! Nous n’avons appris que nous étions éligible à cette aide qu’au bout de deux mois par un coup de fil de Pôle emploi. Et puis, je ne sais pas si c’est une bonne chose pour la vie en entreprise du nouveau salarié en emploi franc : tous ses collègues vont savoir qu’il vient d’un quartier difficile…”

“Tellement dur de recruter…”

La dirigeante poursuit : “Comment on l’a recruté ? Sa mère travaille dans un magasin à côté. Elle est venue me trouver. Je lui ai dit que son fils dépose un CV à l’accueil comme des dizaines d’autres le font.” Elle ajoute, à propos du recrutement : “C’est tellement dur de recruter et de conserver ses salariés dans ce secteur des grandes surfaces… Chez nous, on peut commencer sa journée au milieu de la nuit. Difficile de mettre son réveil tous les jours à 3 h 30 du matin… Ils sont payés au Smic… Cela reste toutefois un emploi à 35 h et Tom finit ses journées à 11 heures du matin”, souligne Sophie Lebrec qui avait été l’une des premières à aider les couturières des Grizettes dont Dis-Leur a retracé l’aventure.En leur achetant leur première production de masques.

Aucun ne pouvait profiter des dérogations faites aux soignants pour laisser leurs enfants à l’école. Certains, sans solution de garde, ont travaillé de nuit pour pouvoir les garder le jour…”

Sophie Lebrec en profite pour “saluer l’engagement et la solidarité de nos salariés dont seulement six sur cent se sont arrêtés pendant le confinement et pour de bonnes raisons. Chez nous, on n’a que des Gilets jaunes. Aucun ne pouvait profiter des dérogations faites aux soignants pour laisser leurs enfants à l’école. Certains, sans solution de garde, ont travaillé de nuit pour pouvoir les garder le jour… J’ai un seul regret – parce que c’était tellement la guerre…- c’est de n’avoir pas pensé à aller voir des politiques pour obtenir cette dérogation pour tous ceux qui ont travaillé. Ça donne des trémolos dans la voix…”

“L’accent cet été sur les personnes fragilisées…”

Directeur de Pôle emploi dans l’Hérault, Joseph Sanfilippo explique que, “justement, nous mettons l’accent cet été sur les personnes fragilisées dans les quartiers et les zones rurales. Hier nous avons lancé le programme Diversidays ; nous poursuivons les emplois francs : un a été signé aujourd’hui sous le patronage du préfet ; cinq demain à Agde ; quatre autres sont prévus avec Carrefour à Lattes, etc. Et nous continuons le 9 juillet où l’on parlera au club de la presse d’un beau programme mis en oeuvre avec les Ateliers Google de Montpellier en faveur là aussi des jeunes des quartiers.”

Olivier SCHLAMA

À lire aussi sur Dis-Leur !