Occitanie : Les budgets des collectivités ont bien résisté à la crise

Région Occitanie. Photo : Olivier SCHLAMA

Surprise ! “Les collectivités ont même eu un peu de marge laissant envisager un rebond de l’investissement local en 2021”, a qualifié Marie-Aimée Gaspari, présidente de la Chambre régionale des comptes.

On ne sait pas si le nouveau variant Sud Africain Omicron changera la donne. Mais, en 2020, les principales collectivités d’Occitanie, les 27 plus importantes et soumises au contrat financier avec l’Etat, ont bien résisté à la crise sanitaire (1). C’est la conclusion de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie dans son tout récent rapport.

Une dette française de 270,6 milliards d’euros !

En 2020, la dette publique augmente de 270,6 milliards d’euros  ! Et s’établit à 115,7 % du PIB, et en 2020, le déficit public s’élève à 9,2 % du PIB, la dette notifiée à 115,7 % du PIB, selon l’Insee, l’institut de la statistique. “S’agissant de la tendance 2021, l’analyse des budgets et des données comptables provisoires suggère un rebond de l’investissement local en 2021”, précise Didier Gory, magistrat à la CRC Occitanie.

+ 209 M€ de dépenses d’investissement

Carole Delga en visite aux Nouvelles Grisettes. DR.

Les collectivités, qui avaient en 2019, une “situation financière globalement satisfaisante”, ont dû investir massivement l’année dernière vis-à-vis de la crise sanitaire, souligne Marie-Aimée Gaspari. Avec, au total, une hausse de 209 M€ des dépenses d’investissement, du fait de la poursuite du plan régional d’investissement et du soutien au tissu économique. “Au 31 décembre 2020, explique Marie-Aimée Gasparini, la présidente de la CRC, la situation financière des collectivités en France est plutôt mesurée (2). Avec des perspectives favorables pour 2021. On s’attendait à une dégradation plus importante au vu de la conjoncture. En Occitanie, nous constatons que ces collectivités ont fait preuve de résilience.”

Coût de la crise pour la Région Occitanie : 280 M€ !

Prenons la Région Occitanie. Le coût net de la crise pour cette collectivité a été de 280 M€ pour un budget de 4,9 milliards d’euros. Cela est dû à une hausse des dépenses d’investissement et surtout elle a apporté un certain nombre de mesures de soutien à l’économie régionale, dont Dis-Leur ! vous a déjà parlé. Cette même région Occitanie qui se lance dans un plan de relance, “une région plutôt mobilisée”, pointe Marie-Aimée Gaspari.

Région Occitanie. Photo : Olivier SCHLAMA

“Les ratios financiers sont en deçà des seuils d’alerte, dit-elle. Par exemple, la capacité de désendettement de la Région, elle a certes un peu augmenté, mais elle est de 5,3 ans à fin 2020 et inférieure à la valeur médiane des régions qui est de 6,3 ans et loin du seuil d’alerte qui est, lui, de 9 ans.” Et d’ajouter : “”Les collectivités ont même eu un peu de marge pour 2021 pour s’engager dans la phase de relance.”

Hausse de la taxe liée aux acquisitions foncières

La présidente de la CRC complète : “Pour les départements, c’est le même constat. Et ils ont des perspectives financières plutôt favorables, malgré les facteurs de risques évoqués en début de crise : la forte progression des dépenses sociales, dont le RSA, l’allocation personnes handicapées ou l’aide à la personne”, souligne Marie-Aimée Gasparini. Ces dernières vont certes continuer à augmenter (+ 4 % en 2020) “mais sans doute moins qu’attendu”. Et des recettes nouvelles sont apparues, “notamment une hausse des droits de mutation à titre onéreux liée aux acquisitions immobilières (DMTO). Les départements avaient anticipé une baisse. Ce fut le contraire. On ne sait pas si cette augmentation sera pérenne. Mais pour 2020 et 2021, nous n’avons pas constaté de baisse.”

Confirmation d’un premier constat des magistrats

Hermeline Malherbe, présidente des P.-O. Photo : Département des PO.

Parmi les 27 collectivités, aucun mauvais élève. “Certaines étaient dans une situation moins confortable que d’autres mais la crise ne les as pas fait basculer dans une situation totalement dégradée.” De la même manière, “cela bouge très peu dans leur capacité de désendettement…” Pour les collectivités un peu plus tendues, “comme celle de Perpignan, par exemple, la situation ne s’est pas aggravée de façon dramatique…”

Ce rapport conforte un premier constat qui avait été fait en décembre 2020 où, déjà, presque en temps réel – une prouesse – la CRC avait déjà montré, lors d’une première analyse, que les collectivités ont relativement bien encaissé le choc de la crise sanitaire. Un an après, cela n’est pas démenti.

“Un rebond de l’investissement local envisagé”

Marie-Aimée Gaspari rappelle qu’il y a une réforme fiscale en cours mais qui a été “neutralisée par l’Etat” (suppression de la taxe d’habitation pour les agglos et la taxe foncière sur les propriétés pour les départements) ; l’État s’engageant dans un plan de relance à mettre en oeuvre, il y a des aides importantes pour les collectivités territoriales. “Les budgets 2021 nous laissent envisager un rebond de l’investissement local. La région Occitanie a, par exemple, anticipé une légère progression de ses dépenses et un effort très marqué en investissement avec des crédits en hausse de 13 %. On est, bien sûr, dans la poursuite de la mise en oeuvre du plan de relance ; il y a même un plan régional spécifique en faveur du rail. Sa capacité de désendettement serait, sur les données 2021, portée à six ans.”

Départements : politique d’investissement volontariste

Et pour les départements ? “Les dépenses sociales et notamment le RSA vont continuer à progresser, note Marie-Aimée Gaspari. Il faudra précisément l’évaluer de façon définitive car le nombre de bénéficiaires du RSA au premier trimestre 2021, au niveau national, est inférieur à celui du trimestre précédent. ce que l’on voit aussi ce sont des prévisions de recettes prudentes parce que l’on ne sait pas si les DMTO, une taxe liées aux acquisitions foncières, vont continuer à se maintenir. Les départements ont une politique d’investissement très volontariste visant à soutenir cette phase de relance.” 

Olivier SCHLAMA

(1) Région Occitanie, départements : Ariège, Aude, Aveyron, Gers, Gard, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Hérault, Lot, Lozère, Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne. Métropoles de Montpellier et de Toulouse. Communautés d’agglo du Grand Alès, du Muretain et communauté urbaine de Perpignan. Communes : Béziers, Montauban, Montpellier, Narbonne, Nîmes, Perpignan, Sète et Toulouse.
 Dans les 322 collectivités qui ont servi de panel à l’étude nationale, on constatait en décembre 2020 une “progression des dépenses de fonctionnement de 0,3 % seulement entre 2017 et 2019”. Idem pour les 27 collectivités d’Occitanie. Avec une identique stratégie de désendettement.
(2) La Cour des comptes a fait le calcul à l’échelle nationale sur un panel de 321 collectivités dans un contexte où l’Etat français a vu bondir sa dette de 270 milliards d’euros !

De 2014 à 2019, investissements en baisse

La CRC Occitanie a aussi contribué à un rapport national sur l’investissement du “bloc communal” de 2014 à 2019. “Il s’agissait de dégager les principales tendances”, précise Didier Gory, magistrat. Au plan national, “les dépenses d’investissement sont globalement inférieures à la précédente mandature. En Occitanie, c’est un peu la même tendance. Néanmoins, dans cette région, les communes ont un peu plus investi que des collectivités équivalentes au plan national.” Comment l’explique-t-on ? “La principale raison tient aux cycles d’investissement et de la situation plus favorable au renouvèlement d’équipements, notamment”, répond Didier Gory.

Les communes de moins 20 000 habitants et les métropoles ont porté l’essentiel des investissements

Le centre historique de Montpellier… © Ville de MONTPELLIER

Autres constats au niveau national : les investissements, portés par les intercommunalités, les Métropoles et les communes représentent un poids conséquent. “Ce sont les agglos de taille moyenne [de 20 000 à 80 000 habitants] qui ont, proportionnellement, le moins investi de 2014 à 2019. Ce sont les communes de moins de 20 000 habitants ou les Métropoles qui ont porté l’essentiel des investissements. Par ailleurs, ce “bloc communal” a vu son épargne nette s’améliorer.  Pour plusieurs raisons : un meilleur accès à l’emprunt ; parce que l’Etat a augmenté son concours aux collectivités, ce qui permis de peut-être déclencher des opérations avec une stratégie plus importante.”

Contrats bourgs-centres

Le développement des contractualisations territoriales, ce qui est le cas par exemple entre EPCI et communes ou entre une Agglo et la région Occitanie. La communauté d’agglo Hérault Méditerranée a ainsi signé l’un de ces contrats avec la région qui a abouti à la conclusion de contrats bourgs-centres avec cinq communes de cette agglomération.

Autre constat national : des lacunes de l’information financière que l’on retrouve aussi en Occitanie. La commune de Muret, près de Toulouse, par exemple, a une comptabilité analytique qui lui permet, en théorie, de connaître précisément le coût d’exploitation de ses équipements. Mais il n’était pas utilisé pour piloter le suivi opérationnel des projets d’investissement.

Le golf appartient à Montauban, Tarbes gère le haras

“Il y a aussi des décisions d’investissement mal préparées”, pointe Didier Gory soulignant également des “incohérences dans la définition de l’intérêt communautaire. Illustration : la ville de Montauban est propriétaire d’un golf, la commune de Tarbes gère le haras, dont le coût cumulé d’acquisition et d’aménagement depuis 2016 est proche de 6 M€. “L’intérêt de ces deux équipements n’est pourtant pas d’intérêt strictement communal”.

Autre exemple, de Pamiers et de la communauté de communes des Portes d’Ariège  où certains équipements “dépassaient le strict cadre de la commune”. Recommandation de la CRC : mettre en œuvre un projet de territoire et un pacte financier et fiscal. L’ancien président de cette intercommunalité s’était engagé à mettre en œuvre cette recommandation, engagement repris par le nouvel exécutif (la crise a ralenti le processus). Le conseil communautaire du 30 septembre 2021 a délibéré, dans le cadre du suivi des recommandations, pour une mise en œuvre en février 2022.

Au plan régional, ajoute Didier Gory, “des collectivités ont essayé d’intervenir davantage pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, comme des réhabilitations thermiques. C’est le cas de Muret, encore une fois, qui avait mis en place un programme de travaux pluriannuels pour résoudre un problème de surchauffe estivale pour ses groupes scolaires”…

O.SC.

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