Nature : “Même pour le simple envol d’un papillon tout le ciel est nécessaire”

Les papillons sont en danger, c'est la biodiversité qui tremble... photo d'illustration par ElinaElena pour Pixabay

Comme le souligne la “liste rouge” établie par le comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature : “245 espèces de “papillons de jour” sont à ce jour citées d’Occitanie, soit 80 % de la faune française…” Or le constat est que “les populations des papillons de jour ont fortement chuté en France dans les années 70 et 80, en raison de l’intensification des pratiques agricoles et d’une urbanisation croissante. Ce déclin se poursuit aujourd’hui encore pour de nombreuses espèces.”

La destruction importante des milieux naturels et leurs transformations sont les principales causes de ce déclin. Du fait de leur biologie singulière, les papillons de jour sont en effet très sensibles aux modifications de leur environnement. Par exemple, chez la plupart des espèces, les chenilles ne se nourrissent que sur une seule ou quelques plantes spécifiques, appelées “plantes-hôtes”.

Des papillons “en danger” pour des causes diverses

Le développement des routes et des zones urbaines est également l’une des causes majeures de la disparition et de la fragmentation des milieux naturels propices aux papillons. Ainsi, l’Hespérie du barbon, victime de l’urbanisation du littoral méditerranéen, n’a pas été revue depuis plus de dix ans et a été classée “en danger critique” en France.

Enfin, le changement climatique constitue une menace supplémentaire. L’élévation des températures pousse certains papillons à rechercher des conditions de vie plus favorables vers le Nord ou en altitude. Mais certaines espèces ne trouvent pas de nouveaux refuges et voient leur aire de répartition régresser en France.

Photo d’illustration par Yarscrap pour Pixabay

Les aléas climatiques ont une influence primordiale

Comme le souligne le rapport de l’UICN à propos de l’Occitanie : “Au-delà de la hausse des températures moyennes, c’est la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes qui peut provoquer des chutes brutales d’abondances des populations, jusqu’à provoquer des extinctions locales.”

Explication : “Les sécheresses et canicules plus intenses et plus précoces affectent la survie des œufs, des chenilles ou des planteshôtes, en particulier les espèces de milieux secs comme l’Hermite (qui a subi une régression de ses effectifs de l’ordre de 30% sur les dix dernières années, NDLR). Les températures inhabituellement douces en hiver avec réduction du manteau neigeux, suivies de vagues de froid et forts gels tardifs affectent la survie des papillons montagnards comme l’Apollon.”

Les papillons parmi les “sentinelles du climat”

Photo d’illustration D.-R.

Le programme “sentinelles du climat”, initialement créé en Nouvelle-Aquitaine par l’association Cistude Nature en 2016, mesure l’impact des changements climatiques sur la biodiversité à travers un réseau de sites équipés de stations météo et des suivis à long terme d’espèces indicatrices. Il est également décliné en Occitanie par l’association Nature en Occitanie (dréée en 1969) avec le soutien financier de la Région Occitanie, de l’Office Français de la Biodiversité, ainsi que de la DREAL Occitanie :

“L’Occitanie est un laboratoire d’étude pertinent, car il s’agit d’une des régions les plus riches de France en termes d’espèces et regroupant à elle seule 5 domaines biogéographiques. Les résultats pourront donc avoir une portée nationale, voire européenne, puisque transposables à d’autres territoires. En concertation avec nos partenaires, douze espèces ou cortèges d’espèces « sentinelles du climat » sont retenues dans quatre écosystèmes différents de type sec, humide, forestier et montagnard”, précise Nature en Occitanie.

Informer, éduquer, protéger, montrer…

De nombreuses initiatives associatives ou privées permettent aussi de s’informer, se sensibiliser et agir en faveur des papillons. Telle l’association Gascogne Nature Environnement (labellisée GPIE Pays gersois), à Mirande, qui propose de nombreuses animations pour tous les âges.

Ou la LPO Occitanie qui a publié un poster (téléchargeable) et une liste des papillons de jour observables dans la région : https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/education-a-l-environnement/ressources-pedagogiques/outils-pedagogiques/papillons-de-jour-en-occitanie

Photo d’illustration DR

Dans la région voisine de Nouvelle-Aquitaine, non loin d’Agen (Lot-et-Garonne) La Maison du Papillon s’est donné pour objectif de “protéger et d’attirer les lépidoptères (…) Après 4 ans de travail à cultiver des plantes hôtes, la récompense est au rendez-vous avec des dizaines d’espèces qui colonisent le jardin. Les volières ont aussi joué leur rôle, attirant des papillons sauvages grâce aux phéromones libérées par ceux en captivité.”

A vocation certes commerciale, c’est d’abord le site d’un passionné de papillons vivants, en France. Photographe émerveillé par la nature environnante, son créateur a voulu “faire partager (s)on expérience sur l’élevage de ces insectes majestueux en proposant des fiches d’élevage de papillons réunissant photos, trucs et astuces.”

Il précise que 100% des espèces de papillons cités peuvent être ré-introduites “n’importe où en France sans perturber la biodiversité locale.” Ils sont élevés dans des conditions les plus naturelles possibles et “10 à 60% des papillons issus de l’élevage en captivité seront relâchés dans la nature…”

A Elne, la découverte des papillons tropicaux

Enfin, le printemps étant la saison privilégiée pour découvrir les papillons, il ne faut pas manquer dès le mois d’avril, Le Tropique du Papillon à Elne dans les Pyrénées-Orientales. Pour une découverte “en immersion dans le milieu naturel de centaines de papillons en totale liberté, en provenance d’Asie et d’Amérique latine.”

Pour conclure, laissons la parole à Paul Claudel (1868-1955) de l’Académie française : “Même pour le simple envol d’un papillon le ciel tout entier est nécessaire. Vous ne pouvez comprendre une pâquerette dans l’herbe, si vous ne comprenez pas le soleil parmi les étoiles.”

Philippe MOURET

245 espèces de papillons de jour sont à ce jour citées d’Occitanie : 34 espèces de Zygènes et 211 espèces de Rhopalocères (soit plus de 80 % des espèces françaises). Parmi les 245 espèces soumises à l’évaluation en 2019, 57, soit 23 %, sont considérées comme menacées d’extinction (catégories CR, EN ou VU) en Occitanie. 48 espèces, soit 20% sont quasi-menacées (catégorie NT) et 21 espèces, soit 9% sont classées « DD » (dont une majorité sont probablement menacées ou quasimenacées). Avec seulement 47%, la part du nombre d’espèces relevant d’une préoccupation mineure (LC) n’atteint même pas la moitié des espèces évaluées. Enfin, deux espèces sont considérées comme éteintes dans la région (RE), il s’agit du Faux-Cuivré smaragdin (Tomares ballus) et la Vanesse des Pariétaires (Polygonia egea). Deux espèces ont été placées dans la catégorie non applicable (NA). Il s’agit du Brun des Pélargoniums (Cacyreus marshalli), petit lycène introduit d’Afrique du sud et du Petit Monarque (Danaus chrysippus), migrateur qui se reproduit localement et peut-être de plus en plus régulièrement sur notre littoral.

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