Espèces rares : “Laissez les oiseaux nicher dans les lagunes”

Sterne naine et sterne Caujek ou Pierregarin, avocette élégante ou gravelot à collier interrompu… Ces oiseaux migrateurs, rares, sont en pleine période de reproduction sur les fameux “tocs”, bancs de sable de l’étang de Thau, également fréquentés par les autochtones, désormais libérés du confinement… La réussite de leur reproduction est une étape clef pour la survie des ces espèces à l’échelle de la Méditerranée.

Les “tocs”, ces bancs de sables si caractéristiques posés sur l’étang de Thau, les rendent dingues ! Nombre d’oiseaux, notamment migrateurs, par ailleurs rares, choisissent comme villégiatures les lagunes salées de nos contrées pour venir s’y reposer, reprendre des forces, y nicher à même le sol et s’y reproduire. Le bassin de Thau n’y échappe pas. Et c’est heureux. Maintenant il faut gérer la cohabitation avec les habitués de ces espaces naturels rares et si reposants… pour tous.

Sterne naine © François Nougaret-LPO34

Sterne naine, sterne Caujek ou Pierregarin, avocette élégante, gravelot à collier interrompu…“Ces tocs affleurent dans l’étang de Thau et sur les différents sites tout autour labellisés Natura 2000 comme le Castellas ou les Salins et, durant le confinement, ils ont été occupés pleinement par de nouvelles colonies d’oiseaux laro-limicoles”, explique Camille Pfleger, chargée de mission au Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT). Sur ces bancs de sable, il est facile d’aller observer ces laro-limicoles, des oiseaux migrateurs qui choisissent ces lieux paisibles pour venir y nicher. Remontant d’Afrique, ils restent dans le bassin de Thau quatre mois environ, d’avril jusqu’au mois de juillet.

Cortège de bateaux, familles avec glacières, parasols et chiens en liberté…

Mais depuis le déconfinement, ces oiseaux ont perdu du terrain. Sétois, Mézois, Frontignanais et autres autochtones, comme de tradition, aiment à venir planter leur parasol et y pique-niquer. Ce qui dérange forcément ces oiseaux craintifs. Les sternes naines, par exemple, qui s’ébattent sur des sites exceptionnels comme ceux du Pont-Levis ou de Villeroy, à Sète, qui étaient très calmes durant deux mois de confinement se sont “réveillés” dès le 11 mai, avec une présence de plus en plus forte de promeneurs ou d’aficionados de l’étang. Certes, cette zone des tocs est théoriquement  interdite au mouillage des bateaux comme le dit l’arrêté préfectoral n°55/2009 du 15 mai 2009. Ce qui n’empêche pas de voir régulièrement débarquer les week-end, notamment, un traditionnel cortège de bateaux, familles avec glacières à ras bord, bouée sur le ventre des enfants, et chiens fous appréciant cet incomparable espace de liberté… et affranchis de leur laisse.

Les salins de Villeroy, à la faveur de cette période de confinement, se sont vus abriter par exemple 90 % à 99 % des populations de sterne Caujek en France, soit 2 500 oiseaux”

Camille Pfleger, chargée de mission au Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT).

Ce sont d’ailleurs ces chiens qui, sans vergogne, dérangent gravement les oiseaux quand ils s’en prennent à ces populations qu’ils flairent de loin. “Les salins de Villeroy, à la faveur de cette période de confinement, se sont vus abriter par exemple 90 % à 99 % des populations de sterne Caujek en France, soit 2 500 oiseaux”, souligne Camille Pfleger, chargée de mission au Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT). Idem pour la cinquantaine de couples de sternes naines, de sternes Pierregrains qui aspirent à une forte tranquillité.

Sterne naine © François Nougaret-LPO34

La réussite de leur reproduction est une étape clef pour la survie de l’espèce à l’échelle de la Méditerranée. La période de reproduction est une étape critique chez ces oiseaux migrateurs car ils nichent au sol en bordure des plans d’eau. Ils sont donc particulièrement exposés aux nuisances causées par l’occupation humaine ainsi qu’à la merci de toute sorte de prédateur. “La plus grande vigilance est demandée aux usagers de la lagune. La zone des tocs est particulièrement sensible. Il est recommandé de ne pas s’approcher de ces îlots pour éviter de déranger les adultes en couvée”, explique-t-on au SMBT.

Ces bancs de sable mis bout à bout représentent environ 12 kilomètres ; les oiseaux migrateurs nichent, eux, sur… 1 seul kilomètre. Chacun, familles et oiseaux, devraient pouvoir se les partager…”

“Dans le processus de reproduction, il faut compter 20 jours d’incubation pour les oeufs en général et aussi 20 jours pour que les oisillons apprennent l’envol.” Camille Pfleger milite pour faire passer les bonnes pratiques auprès des habitués des tocs : “Ces bancs de sable mis bout à bout représentent environ 12 kilomètres ; les oiseaux migrateurs nichent, eux, sur… 1 seul kilomètre. Chacun, familles et oiseaux, devraient pouvoir les partager… Nous avons fait de gros efforts de balisage, justement pendant le confinement ; eh bien, certains panneaux ont déjà été démontés…”, souffle Camille Pfleger. La chargée de mission au Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT) ajoute que, justement, “nous avons sortis un site internet grand public, baptisé Thau Nature qui recense les espèces animales sur le bassin de Thau, dans les espaces agricoles, en mer, etc. et pour “distiller les bonnes pratiques”.

Programme de surveillance européen

Les laro-limicoles font l’objet d’un programme de surveillance et de protection depuis une dizaine d’années sur l’ensemble du littoral méditerranéen français (coordination Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon (CEN L-R) et Tour du Valat). De nombreux aménagements ont été réalisés pour assurer un accueil favorable à ces espèces sur le territoire de Thau classé Natura 2000, grâce au soutien de l’Europe, à travers les programmes LIFE+ et à Sète Agglopole.

Et puis, consultez la Météo des oiseaux…

Le confinement a permis à la nature de reprendre ses droits. Sur les plages de notre littoral, les oiseaux y ont davantage niché, comme Dis-Leur vous l’expliquait récemment. Vous pouvez également suivre la présence des oiseaux sur le littoral languedocien avec la “Météo des Oiseaux”développé dans le cadre du programme européen Life + Envol. C’est un outil en open source Lizmap permettant d’avertir la présence d’oiseaux en certains lieux du littoral. Il permet aussi de connaître les périodes sensibles, comme la nidification et de connaître la sensibilité des sites avant d’y pratiquer une activité. Et d’y vivre en bonne intelligence.

Olivier SCHLAMA

Envolez-vous avec Dis-Leur !