Muriel Robin : “Ces enfants, victimes d’homophobie, m’ont touchée”

Muriel Robin a profité d'un spectacle où elle se produisait à Montpellier pour venir rencontrer les jeunes du Refuge. La comédienne prend une voix un peu plus forte pour le dire autrement : « Il faut mettre de l’amour, les rassurer, ces jeunes. Ces enfants du Refuge m’ont touchée. C’est une montagne qui leur tombe dessus, ce n’est pas un handicap. C’est un élément de vie pas facile. » Et dire, en substance, aux parents : « J’ai un garçon ; – ou j’ai une fille – et je l’aime. Point." Photo : DR.

Seule association de ce genre reconnue d’utilité publique, le Refuge, dont le siège est à Montpellier, vient en aide aux jeunes homosexuels et lesbiennes. Pour répondre à la demande croissante d’écoute et d’hébergement d’urgence, elle lance une campagne nationale de dons que l’on peut faire même par SMS ! C’est Muriel Robin qui en est l’ambassadrice. La comédienne a répondu avec beaucoup d’humanité et de simplicité aux questions de la rédaction de Dis-leur, s’adressant “en priorité aux parents qui rejettent sans raison leurs propres enfants. Il ne faut pas les culpabiliser mais les responsabiliser”, dit-elle. Un vrai plaidoyer.

“Je ne dirais pas que c’est un devoir… Je suis allée les voir, ces jeunes homosexuels, victimes d’homophobie, abrités par l’association le Refuge, à Montpellier ; moi, je n’ai pas vécu ce qu’ils ont vécu ; on ne m’a pas jeté de cailloux quand j’étais jeune, non. Mais quand même…” Avec simplicité et le même franc-parler qu’on lui connaît, Muriel Robin  a été “touchée par ces ados du Refuge”. L’humoriste est la marraine de la campagne de dons de la seule association nationale d’utilité publique, d’aide aux jeunes homosexuels et lesbiennes, en rupture d’avec leur famille.

L’artiste fait oeuvre de paroles apaisantes, compréhensives, mais claires : “Il faut bien comprendre que ces jeunes gens n’ont pas choisi cette différence ; car, c’est juste une différence ! ça leur tombe dessus – on va peut-être me trouver à redire, mais c’est bien ça ! – C’est une tuile, quand même : pour être accepté dans sa famille, au travail, dans toute la vie sociale, quoi. C’est compliqué. Compliqué à gérer. Aucun jeune ne coche cette case-là en naissant. Faut entendre ces jeunes. Faut les aider. Etre à côté d’eux. Et les aimer.

Muriel Robin : “Avant tout, je m’adresse aux parents de ces enfants différents. Il ne faut pas les culpabiliser mais les responsabiliser”

Muriel Robin, ambassadrice de la campagne de dons hivernale du Refuge. Photo : DR.

“Avant tout, poursuit Muriel Robin, je m’adresse aux parents de ces enfants différents. Il ne faut pas les culpabiliser mais les responsabiliser”, dit-elle. “Ce sont des enfants qui ont peut-être davantage de sensibilité que d’autres ; qui ont un autre rapport au monde et qui pourront, d’ailleurs, demain, le changer, l’améliorer. Non, il ne faut pas culpabiliser les parents. Il n’y a pas de culpabilité à avoir de la part des parents concernés. Il faut qu’ils comprennent que, eh bien oui, leur enfant est différent ; qu’il n’est pas comme ils aimeraient qu’ils soient. Et alors ? Ils ont plus besoin d’amour que d’autre chose ! Un homme n’est pas un homme parce qu’il est ou non homosexuel. “PD” n’est pas la pire des insultes.” Et d’ajouter : “Ah, peut-être qu’ils ne seront pas grand-père ou grand-mère ; encore, que c’est faux : il est tout à fait possible d’avoir un enfant pour un couple homosexuel. Il faut que ces parents-là se disent j’ai un enfant. C’est tout.”

“Il faut leur dire qu’ils ne sont pas tout seuls ; il faut qu’ils travaillent sur le pardon ; qu’ils fassent le travail sur soi que leurs parents n’ont pas pu faire.”

Quel message délivre-t-elle aux jeunes rejetés par leur famille ? “Je n’ai pas de conseils à donner aux jeunes homosexuels” (…), dit-elle, avant de se raviser. “C’est compliqué. Qu’ils soient jetés à la rue… c’est quand même pas comme un mec qui a tué, volé, violé... De s’entendre dire par ses parents : “Tu n’es plus notre enfant” parce que l’on est juste différent… En plus, ce sont des jeunes qui peuvent être plus brillants que d’autres. Il faut leur dire qu’ils ne sont pas tout seuls ; il faut qu’ils travaillent sur le pardon ; qu’ils fassent le travail sur soi que leurs parents n’ont pas pu faire.”

A propos de la transmission des stéréotypes qui se répètent de génération en génération, Muriel Robin ajoute que “le combat est toujours le même”, citant toutefois “une association à Strasbourg qui excelle dans la réflexion auprès des jeunes pour tenter de ne pas reproduire les stéréotypes ; pour que les jeunes – qui seront un jour des parents – aient leurs propres idées du monde. Car les chaines s’enchainent, oui et il faut arrêter ça…”, souffle-t-elle.

La comédienne : “C’est une montagne qui leur tombe dessus, ce n’est pas un handicap. C’est un élément de vie pas facile

La comédienne prend une voix un peu plus forte pour le dire autrement : “Il faut mettre de l’amour, les rassurer, ces jeunes. Ces enfants du Refuge m’ont touchée. C’est une montagne qui leur tombe dessus, ce n’est pas un handicap. C’est un élément de vie pas facile.” Et de dire, en substance, aux parents : “J’ai un garçon ; – ou j’ai une fille – et je l’aime. Point.”

L’association souhaite continuer à “alerter les citoyens sur l’isolement dont souffrent les jeunes gens du fait de leur orientation sexuelle ou de genre. Elle bénéficie pour cela du soutien de Muriel Robin donc et de celui du groupe M6 qui diffusera son spot d’appel aux dons. La Direction centrale de la sécurité publique et plusieurs mairies se sont engagées à afficher la campagne institutionnelle du Refuge sur les murs des commissariats”.

Chaque hiver, c’est le même défi : 75 % des resources financières du Refuge proviennent des dons privés…! Les dirigeants du Refuge se sont fixés un objectif de 400 000 euros à récolter

Chaque hiver, la campagne d’appel aux dons lancée par le Refuge est un “nouveau défi pour l’association nationale de soutien aux jeunes rejetés par leurs proches. Car 75 % de ses ressources proviennent de dons privés… !” Les dirigeants du Refuge se sont fixé cette année un objectif de collecte de 400 000 euros, soit un tiers du budget annuel de la structure. L’association a aussi sollicité l’ensemble des chaînes de télévision pour une diffusion de son spot vidéo, obtenant le concours immédiat du groupe M6. Des communes affichent déjà ou vont afficher la campagne du Refuge, comme elles le font régulièrement dans l’année. C’est le cas en novembre et décembre de Guingamp, Le Mans et Tournefeuille par exemple.

Cette année, le Refuge a ouvert deux nouvelles délégations au Havre et à Cayenne, et poursuit le développement de son réseau de correspondants, 24 personnes ou équipes relais d’information de l’association dans les départements non couverts par les délégations.

Elle a également enregistré 25 % d’appels en plus sur sa ligne d’urgence : 1 352 SOS à fin octobre, contre 1 094 pour toute l’année 2016. Les demandes d’hébergement se font logiquement plus nombreuses : 718 fin octobre contre 651 pour 2016 (1).

Cette année, on peut même faire des dons par SMS ! Il suffit d’envoyer un texto avec le mot clé DON5 au 9 26 26 (l’envoi est gratuit) Le montant est directement débité sur la facture de votre opérateur (Orange, SFR ou Bouygues, impossible  avec Free ou avec un opérateur étranger). C’est à la portée de tous : de 1 euro à 20 euros. (DON1 = 1 euros, DON5 = 5 euros et jusqu’à DON20 = 20 euros).

Olivier SCHLAMA

  • Le Refuge, ce sont plus de 7 000 jeunes accompagnés chaque année, 18 délégations départementales et 88 places d’hébergement. Ce sont également 5 000 adhérents, 320 bénévoles, 16 salariés dont 7 travailleurs sociaux.
  • Pourquoi la demande auprès du Refuge est-elle en hausse ? “D’abord, le Refuge est de plus en plus connu, expliquait Nicolas Noguier, le président de l’association quand la ligne téléphonique d’urgence était menacée ; ce qui fait que l’on fait de plus en plus appel à nous ; il y a aussi de plus en plus de révélations de situations de souffrance. Et encore, nous n’en voyons qu’une faible partie : la plupart des adolescents fait appel au système D.” Il poursuit : “Sur le plan de l’évolution de la société, ça va mieux pour les non-hétérosexuels.  Quand on demande à quelqu’un dans la rue : “Si tu as un enfant homosexuel, comment réagiras-tu ?” La grande partie répond que ça ne le dérangerait pas. Ce n’est pas grave. Mais quand ça arrive vraiment dans une famille, ce n’est pas aussi simple. Il y a peut-etre souvent une homophobie larvée, beaucoup moins révélée et dite qu’on ne le croit. En famille, il y a encore un autre regard… Or, ce n’est pas une maladie ! “