Moustique tigre : “Plus de 88 % de la population régionale est touchée…”

© ARS_OC Crédits photos : Fotolia @ crispyfishimages Aedes Albopictus

Les pouvoirs publics mettent en place une surveillance renforcée pour tenter de limiter les nuisances et d’éviter les maladies, parfois mortelles, transportées par aedes albopictus, à portée de piqûre de 5,5 millions d’habitants de la région Occitanie… Incarnation de la mondialisation doublé d’un tueur en série. Suivez nos conseils !

Quand le soleil darde ses premiers rayons printaniers, le moustique tigre (aedes albopictus), lui, fond sur nos tendres peaux immaculées, à peine sorties de l’hiver. Sa piqûre brûle la peau au fer rouge. C’est un insecte qui ne se mélange pas aux autres espèces de moustiques. Qui vole peu. Et voyage volontiers avec nos moyens de transports : voitures, bus, trains ou avions. Le tigre est un commensal. Commence alors la fièvre de l’été…

Une plaie qui a débarqué en France en 1988, via l’Italie

Femelle de moustique-tigre, espèce originaire d’Asie du Sud-Est et de l’Océan Indien. C’est son corps, noir tigré de blanc, qui lui a donné son nom. En zone tropicale, il peut inoculer une trentaine de virus, propageant le chikungunya, le virus du Nil occidental, l’encéphalite de Saint-Louis, la dengue, le virus zika.

Avec son abdomen rayé, c’est l’insecte qui vit au plus près de l’homme auprès duquel il profite du gîte et du couvert ! C’est une plaie qui a débarqué en 2008 via l’Italie, depuis une cargaison de pneus, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Et dont on ne pourra jamais se débarrasser : l’insecte, star de la mondialisation et de l’adaptation, n’a aucun prédateur naturel capable de l’éliminer à grand échelle… Et seuls quelques répulsifs sont réellement efficaces ICI.

Prévenir l’importation de virus, parfois mortels

Du coup, le moustique tigre est implanté et actif dans de nombreuses régions et dans l’ensemble de la région Occitanie. Comme chaque année, l’ARS (Agence régionale de santé) met en place un dispositif de surveillance renforcée selon trois axes (1) pour tenter de freiner son implantation et prévenir le risque d’importation des virus, parfois mortels, dont il peut être le vecteur (dengue, chikungunya, zika). L’Agence précise notamment les bons réflexes à adopter pour lutter contre l’implantation du moustique tigre et les précautions à adopter par les voyageurs en cas de séjour dans une zone tropicale. Cette période de surveillance renforcée se déroule du 1er mai au 30 novembre.

Occitanie : forte présence dans 1 964 des 4 454 communes

Une forte présence du moustique tigre en Occitanie. En Occitanie 1964 communes sur les 4 454 communes de la région (44 %) sont colonisées. “C’est une problématique saisonnière. Tous les ans, on réactive notre surveillance. Car le tigre passe l’hiver, chez nous, sous forme d’oeufs qui rééclosent dès que la température redevient agréable. Tous les départements d’Occitanie sont concernés depuis 2017.”

“Présent forte dans les grandes villes où il y a le plus d’échanges…”

L’EID Méditerranée avec l’Agence nationale pour la démoustication teste des pièges à moustiques tigre. Photo : Dominique QUET. MAXPPP.

Sa concentration est relativement “hétérogène” : “On a moins de dix communes colonisées en Lozère. En revanche, l’Hérault, le département où il y en a le plus, on doit dépasser les 200 communes atteintes, explique Isabelle Moussion. Ingénieur santé environnement à la direction de la santé publique de l’ARS Occitanie, elle ajoute : “Ce qui est le plus préoccupant au niveau sanitaire, c’est que sur l’ensemble de la région, plus de 88 % de la population régionale soit près de 5,5 millions d’habitants sont concernés. Ce moustique a la particularité de mal voler mais, très anthropophile, il suit l’homme dans ses déplacements. Il est d’abord très présent dans les grandes villes, là où il y a le plus d’échanges.”

L’année dernière, alors que l’on a eu très peu de cas importés, on a quand eu un cas – une transmission locale – autochtone. Hors crise sanitaire ? “En 2020, nous avons eu trois cas autochtones mais distincts suivant trois départs différents. Idem en 2019. Le maximum que l’on ait eu en Occitanie, c’est quatorze cas de chikungunia et dengue. Et une vingtaine de cas en Paca, région voisine très concernée.”

Fièvre, courbatures, articulations douloureuses, boutons…

Moustique tigre. Femelles Aedes albopictus prenant son repas de sang sur la peau d’un homme.

Quand il y a une découverte d’un cas suspect, c’est le médecin qui demande un prélèvement biologique pour confirmer. “Car les signes de ces maladies sont extrêmement banaux : grosse fièvre, courbatures, articulations douloureuses, boutons, démangeaisons… Des signes communs à beaucoup de maladies. Dès lors, on mène l’enquête pour savoir par où le patient est passé. On envoie alors notre opérateur qui n’est plus l’EID – qui intervient avec ses avions sur les autres espèces de moustiques, notamment – des marais mais pour savoir s’il y a une présence active du moustique tigre.”

“Très présent en ville car il a besoin de gîtes très particuliers”

“S’il y a un cas avéré, on pulvérise autour du foyer un biocide, du deltaméthrine, à base de la même molécule active utilisée contre les tiques et les puces des animaux domestiques. Sinon, on ne traite pas. Notre nouvel opérateur, qui intervient une fois ces cas déclarés, a été choisi sur marché public pour quatre ans. C’est l’entreprise Altopictus dont l’action est complémentaire de celle de l’EID (Entente interdépartementale de démoustication) qui continue, elle, ses traitements préventifs contre la nuisance. Altopictus, elle, ne va traiter que le moustique tigre qui présente une problématique différente : il est très présent en ville car il a besoin de gîtes très particuliers ; il ne va pas grandir ni se développer dans les zones de marécages parce qu’il y a trop d’eau et que la concurrence ne lui convient pas. Du coup, les modes de traitement ne sont pas les mêmes.”

Pas d’épidémie dans les pays tropicaux

L’été 2022 sera-t-il un été à moustiques ? Serons-nous très importunés ? “Je ne me hasarderai pas à un pronostic ; j’en serais incapable. En revanche, on espère ne pas avoir trop de cas de maladies apportées par le tigre par au moins une raison : il n’y a pas d’épidémies dans les pays tropicaux.” Et donc les Français qui se rendent dans ces pays-là, auront moins de chance de ramener l’une des maladies tropicales. Une bonne nouvelle car le moustique, pris au sens large, est un sérial killer ! Comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Largage de moustiques stériles par drones…!

Une expérience pilote a été menée à Prades-le-Lez (Hérault) cet été dont les résultats sont encourageants. Pour la 1er fois en France, des scientifiques montrent que l’on peut stériliser des palanquées de moustiques tigres mâles pour qu’ils n’aient aucune descendance et les épandre à 50 mètres du sol. Photo : EID.

Pas question d’éradiquer ce moustique tigre. Les pouvoirs publics tente tout un éventail de solution pour limiter les effets de cet insecte, comme le largage de moustiques stériles par drones (à lire ICI) ! Une expérience pilote a été révélée en novembre 2021 à Prades-le-Lez (Hérault). Elle s’était déroulée à l’été 2021 dont les résultats sont encourageants. Pour la première fois en France, des scientifiques ont montré que l’on peut stériliser des palanquées de moustiques tigres mâles pour qu’ils n’aient aucune descendance et les épandre à 50 mètres du sol. Il reste toutefois des écueils à franchir avant de valider et d’utiliser cette méthode féconde.

Incarnation de la mondialisation doublé d’un tueur en série

En clair, le moustique, c’est l’ennemi public Numéro 1 : il se reproduit frénétiquement, est présent partout, s’adapte à tout. Indétrônable. Bref, c’est l’incarnation de la mondialisation doublé d’un tueur en série. Ce qui donne des frissons et pas seulement à cause des fièvres qu’il peut transmettre. Le moustique est, de loin, le porteur de maladies le plus dangereux, pouvant donner chikungunya, dengue, fièvre de la vallée du Rift, fièvre jaune, Zika, encéphalite japonaise, fièvre du Nil Occidental, filiariose lymphatique. Sans oublier le paludisme, 400 000 trépas par an… La dengue ? Elle menace juste plus de 2,5 milliards de personnes sur la planète dans une centaine de pays… Une malédiction fascinante.

Éliminer les idées reçues et suivez nos conseils

Biffons une idée reçue : les lumières artificielles, la nuit, n’attirent pas les moustiques, contrairement aux papillons. C’est l’homme et le dioxyde de carbone qu’il dégage en transpirant qui les poussent à s’approcher. L’odeur joue aussi un rôle comme la température du corps. A noter que les femmes enceintes, les consommateurs d’alcool, les fiévreux et sportifs qui dégoulinent d’effort sont des proies de choix. Prenez une douche, savonnez-vous et mangez peu, cela vous donnera une chance face aux piqûres volantes…

Attention aux gadgets inutiles…!

Attention aux gadgets inutiles… Les huiles essentielles ? Trop volatiles, trop fugaces. Ainsi l’eucalyptus citriodora (ou citriodiol) fonctionne mais avec des additifs chimiques. Torches, bougies à la citronnelle ? C’est esthétique et odorant mais ça ne sert à rien ! Bracelets, lampes à ultraviolets et autres appareils ou appli à ultrasons . Des arnaques qui donnent l’illusion d’être protégés et vous exposent davantage !

Notre conseil : portez des vêtements amples, aux manches et aux pantalons longs, pour éviter que la trompe de la femelle moustique traverse les tissus, même votre jeans. Ne pas lésiner sur la longueur des manches et des pantalons. Les moustiquaires sont utiles et peu chères.

Vider les eaux stagnantes…

Quant à votre terrasse et votre jardin, vider les eaux stagnantes (coupelles de pots de fleurs, jouets oubliés, gouttières, intérieur de piquets de parasols…), sites de pontes privilégiées des femelles et le développement de leurs larves. En revanche, un vrai bassin est d’un secours intéressant avec sa collection de libellules, notonectes, grenouilles et petits poissons (comme la gambusie) se régalant de moustiques. Enfin, éviter les pesticides permet de préserver d’autres prédateurs et compétiteurs des moustiques, qui sont autant d’alliés : les chironomes, tipules (dits cousins), libellules, hirondelles, martinets et chauves-souris.

Olivier SCHLAMA

  • (1) Une sensibilisation des personnes résidant dans les zones où ces moustiques sont présents et actifs. La lutte contre ces moustiques et leurs larves constitue l’un des principaux moyens d’éviter la transmission de virus. C’est un réflexe à acquérir chez soi pour se protéger de manière collective.
  • C’est aussi Une surveillance médicale renforcée des cas humains des maladies que ce moustique peut véhiculer : chikungunya, dengue et zika (surveillance épidémiologique).
  • Cette surveillance mobilise les professionnels de santé de toute la région pour qu’ils effectuent le signalement immédiat à l’Agence régionale de santé de tout patient présentant des symptômes de dengue, chikungunya ou zika. En cas de confirmation d’un cas suspect, et après une enquête entomologique visant à verifier la présence de moustique tigre, un traitement insecticide est organisé dans les lieux de passage du malade.
  • Conseils aux voyageurs : en zone tropicale : soyez vigilants sur place et à votre retour. Consultez votre médecin en cas de symptômes (fièvre brutale, douleurs articulaires, courbatures, et/ou éruptions cutanées…) jusqu’à une semaine après votre voyage en lui signalant votre voyage et lieu de séjour. En Occitanie, en 2020, la majorité des cas de dengue signalés était des voyageurs de retour des départements et régions d’Outre-Mer qui faisaient face à une épidémie.
  • En 2021 : 24 cas d’arboviroses importées (voyageurs) ont été signalés (128 en 2020). Un cas autochtone de dengue (ayant contracté la maladie sans avoir voyagé en zone contaminée) contre trois en 2020. Ces signalements ont donné lieu à 17 enquêtes autour des lieux fréquentés par les cas (32 en 2020). 24 traitements autour des lieux fréquentés par les personnes infectées où la présence de moustique tigre était confirmée contre 125 en 2020.

À lire également sur Dis-Leur !

Répulsifs : Les produits vraiment efficaces !

 

Dossier exclusif : Moustiques… La maudite fièvre du siècle

 

Moustique tigre : L’Occitanie défie la fièvre de l’été