Mois de l’ESS : Plein soleil sur le potentiel d’emplois du Gard

La coopérative Citre sur le territoire de la communauté de communes d'Uzège et du Pont-du-Gard est un modèle sans doute à suivre pour le département du Gard. Philippe Pourchet explique que "tout le monde, citoyens, mairies, collectivités, entreprises... peut devenir coopérateurs de Citre. Photos : DR.

Miné par le chômage, la précarité et la montée de l’extrême droite, le Gard veut promouvoir et développer cette façon d’entreprendre, source d’emplois non délocalisables et de valeurs. Dis-Leur ! braque ses projecteurs sur ce département dans le cadre du mois de l’ESS en Occitanie que 200 événements mettent en exergue.

Berceau de l’économie sociale et solidaire (ESS), le département du Gard veut promouvoir et développer cette façon d’entreprendre, source d’emplois non délocalisables. Conseillère départementale (ex-EELV, membre du groupe Le Bien Commun, coopérative politique à l’échelle de la région), Bérangère Noguier, qui préside le groupe écologistes au département, forme le duopôle d’élus avec le président PS du département, Denis Bouad.

Un service spécifique depuis trois mois

Elle explique que la prise de conscience envers un développement de l’ESS s’est exprimée en 2015, quand s’est renouvelé le conseil départemental du Gard. Sous son impulsion – Bérengère Noguier connaît bien ce secteur : elle était responsable de l’hébergement d’urgence dans un centre, le Siopi – on a créé en juillet dernier un service dans le cadre d’une “délégation spécifique qui n’existait pas avant. Et avec lequel nous cherchons à améliorer la visibilité de ce secteur qui a du sens et qui colle à la volonté du département du Gard de débusquer le potentiel de ce territoire.”

Nous allons rédiger un livre blanc de l’ESS dans le Gard, en pointant l’existence de tous les acteurs, parfois isolés, les bonnes pratiques et un état des lieux des filières à développer, quels moyens à y consacrer. Et quelles sont les priorités.”

Bérengère Noguier, conseillère départementale du Gard.
Bérengère Noguier, conseillère départementale du Gard. DR.

L’élue a concocté un programme (à consulter ICI) avec notamment du 5 au 9 novembre des portes ouvertes au sein de 11 coopératives gardoises (1). Le 27 novembre, à 18h, ce sera “une soirée spéciale aux archives départementales du Gard qui a pour but d’informer sur l’offre de services innovante (…) Du prêt solidaire au financement participatif.

Bérengère Noguier résume : “L’ESS, c’est 10 % du PIB, de la richesse de ce département. C’est l’équivalent de 12 % de l’emploi privé, 4 000 entreprises et 20 000 salariés : ce n’est pas rien !” Mais dans ce département, miné par le chômage, la précarité et menacé par la montée de l’extrême droite,  l’économie sociale et solidaire est une vieille nouveauté qui ne cesse d’être éternellement jeune. Et où se nichent des possibilités de créations d’emplois.

“C’est un secteur finalement peu connu”, dit-elle. C’est l’une des raisons qui pousse ce département à avoir une idée originale : la rédaction d’un Livre blanc de l’ESS dans le Gard, en pointant l’existence de tous les acteurs, parfois isolés, les bonnes pratiques et un état des lieux des filières à développer, quels moyens à y consacrer. Et quelles sont les priorités.” Même si certaines peuvent sembler évidentes à l’instar du sport ou de la culture.

Demain, par exemple, on pourrait aider à développer la production d’énergie renouvelable. Mais est-ce que les acteurs sont bien là ? Peut-on créer de plus ou moins grandes coopératives citoyennes…?”

“L’ESS est aussi un un domaine transversal”, reprend Bérengère Noguier. C’est-à-dire, en substance, que le département favorise naturellement ce secteur – présent dans d’autres secteurs -, sans le savoir en octroyant, comme le fait le département du Gard, 440 millions d’euros par an pour les solidarités (enfance, jeunesse, personnes âgées, handicapés, RSA…, soit 60 % de son budget de fonctionnement). Sans oublier l’aide aux  associations sportives, culturelles ou environnementales qui relèvent d’autres budgets.

“On ne peut pas oublier la question de l’environnement. Il y a une définition brute mais aussi une à considérer sous le prisme des économies d’énergie. Nous avons d’ailleurs créé un appel à projets des initiatives écologiques et solidaires. Il vise à mettre en lumière des actions portées par des associations dans le cadre de la transition écologique. Les projets retenus sont divers : il peut s’agir de recyclerie, jardins partagés, projets d’éducation à l’environnement, etc. Demain, par exemple, on pourrait aider à développer la production d’énergie renouvelable. Mais est-ce que les acteurs sont bien là ? Peut-on créer de plus ou moins grandes coopératives citoyennes…?

Comment un département, une collectivité peut-il ou peut-elle – ou inciter – à prendre part à une société coopérative ? Est-ce pertinent ?”

Autre idée très intéressante à laquelle réfléchit puissamment le département du Gard, “comment un département, une collectivité peut-il ou peut-elle – ou inciter – à prendre part à une société coopérative ? Est-ce pertinent ?” C’est le moment de rappeler quelques fondamentaux de l’ESS, qui en plus d’une solution au chômage, est aussi porteuse de valeurs. “Une coopérative, c’est une gouvernance démocratique. C’est un homme = une voix. La décision est prise ensemble. On recherche l’intérêt collectif.  Les emplois sont non délocalisables…” Et ça marche. Bérengère Noguier cite des réussites locales : Itinéra à Alès (agence de voyages) ; Scopélec (électricité), une scoop de couture et de formation…

Aider ceux qui veulent s’y investir à s’y retrouver dans l’entrelacs d’interlocuteurs et dans un maquis de dispositifs compliqués…

L’élue chargée de l’ESS dans le Gard soutient qu’il “faut organiser cette filière aux nombreux atouts. Il y a de vraies opportunités, dit-elle. De vraies innovations à soutenir.” Et, parfois, des financements très spécifiques. Il faut aider ceux qui veulent s’y investir à s’y retrouver dans l’entrelacs d’interlocuteurs, dans le maquis de dispositifs compliqués… Qui sait que la région Occitanie offre la possibilité d’un dispositif innovant octroyant un euro à chaque euro investi dans un projet ESS ?

Bérengère Noguier amène à réfléchir aux rapports entre collectivités et citoyens, via une forme juridique adaptée aux initiatives locales. Les SCIC (sociétés civiles d’intérêts collectifs), par exemple, peuvent être un bon moyen d’investir à tous les sens du terme. Et pour tous. Pécuniairement et philosophiquement. “Comment une collectivité peut-elle prendre part à une Scic, se demande-t-elle ? Ou comment le département peut-il inciter certains territoires à le faire ? C’est un mode d’association nouveau auquel il faut réfléchir.”

Tout le monde, citoyens, mairies, collectivités, entreprises… peut devenir coopérateurs de Citre. Au 30 octobre, nous sommes déjà 179 coopérateurs et nous avons déjà collecté 78 900 euros.”

Philippe Pourchet, président de Citre.

Philippe Pourchet, président de la coopérative de production d’énergie Citre (Citoyens pour la transition et la reconversion énergétique), lauréat en 2017 de l’appel à projets des initiatives écologiques et solidaires, ne dit pas autre chose. Un modèle sans doute à suivre pour le département du Gard. Philippe Pourchet explique que “tout le monde, citoyens, mairies, collectivités, entreprises… peut devenir coopérateurs de Citre. Au 30 octobre, nous sommes déjà 179 coopérateurs (160 personnes physiques et 19 communes, syndicats, mairies) et nous avons déjà collecté 78 900 euros. La part de base de la souscription est de 50 euros pour 99 ans et elle peut se revendre. Pour chaque entreprise, la souscription minimale est de trois parts.”

A chaque fois qu’un citoyen investit 100 euros, on lui promet une rémunération dix ans plus tard de 134 euros”, précise Philippe Pourchet. L’investissement citoyen rapporte ainsi 3 % jusqu’à 500 euros investis et 2 % au-delà.”

Créée en 2017, cette coopérative cumule les bonnes ondes. Pas encore de salariés. Mais Citre met tout en place pour que ce soit bientôt le cas. Pour l’instant, premier étage de la fusée pour remplir les caisses pour ensuite, dans un second temps, proposer de la formation et de l’éducation à la transition énergétique. Et en plus c’est une bonne affaire, mieux rémunérée que le Livret A de la Caisse d’épargne ! “A chaque fois qu’un citoyen investit 100 euros, on lui promet une rémunération dix ans plus tard de 134 euros”, précise Philippe Pourchet. “L’investissement citoyen rapporte ainsi 3 % jusqu’à 500 euros investis et 2 % au-delà.”

On a comme objectif d’accompagner le territoire du Pont-du-Gard et d’Uzège dans la transition énergétique.”

 

Citre a déjà réalisé la couverture de plusieurs toits, notamment d’écoles (à Sanilhac-Sagriès ou à Dions, par exemple) en panneaux photovoltaïques. L’électricité ainsi produite est revendue. Le toit du foyer communal de Garrigues-Sainte-Eulalie a ainsi été équipé de la sorte. En novembre, ce sera celui du syndicat mixte des Gorges-du-Gardon. “On a comme objectif d’accompagner le territoire du Pont-du-Gard et d’Uzège dans la transition énergétique”, confie-t-il.

Un territoire proposant 27 000 mètres carrés équipables

Et le potentiel est immense. “Rien que dans la communauté de communes du Pont-du-Gard, 27 000 mètres carrés sont équipables en panneaux solaires. Nous avons plus de projets que d’argent pour les réaliser“, formule le président de Citre qui en appelle aux citoyens. “L’idéal, confie-t-il encore c’est que nous devenions une sorte d’Agence de la transition énergétique sur ce territoire.” Pour cela, les mairies doivent jouer le jeu. Ce qu’elles feront peut-être, si également le département du Gard, entre dans la danse.

“L’idée, c’est de créer quelque chose de citoyen qui produise une énergie propre en équipant les services publics d’un territoire donné. Et de la revendre pour le bien de tous.”

Olivier SCHLAMA

(1) Les portes ouvertes concernent les coopératives suivantes : Design New Style, Ircaf Réseau, Scopelec, Huilerie coopérative de Beaucaire, Cave coopérative La Belle Pierre, Caveau d’Héraclès, Mine de Talents, Itinera Voyages, Meex, Metal Forme Tradition, Nymphéas le Spot.

A LIRE L’INTERVIEW DE CHRISTOPHE ITIER, Haut-Commissaire à l’ESS

A LIRE AUSSI : Chômage : Derrière le fléau, la pépite de l’économie citoyenne 

ET ENFIN : ESS : 700 000 emplois à pourvoir d’ici 2025

Deux cents événements en Occitanie

L’ESS en Occitanie, c’est 10 % des entreprises régionales ; 17 800 entreprises et 12,1 % de l’emploi régional, soit 214 000 emplois salariés. Enfin, c’est 5,4 milliards d’euros de rémunérations brutes. Un vrai poids et une vitalité souvent méconnus.

C’est pour “accroître sa visibilité” que s’organise la 11e édition du mois de l’économie sociale et solidaire grâce à un ensemble de manifestations organisées pendant le mois de novembre par les acteurs et les partenaires de cette économie. Forum, portes-ouvertes, salon, festival, rencontres… Ce mois labellisé ESS rassemble un peu partout en Occitanie deux cents événements dans de nombreux secteurs d’activité : santé, alimentation, recyclage, numérique, culture…

Entreprises audacieuses récompensées

Chaque année, un programme regroupant les manifestations des treize départements inscrites ICI réalisé par la Cress Occitanie, il est téléchargeable ICI  Par ailleurs, des prix récompenseront les entreprises de l’ESS qui ont de “l’audace”.

Cette année quatre lauréats, un pour chaque prix (Utilité sociale, Egalité : Focus 2018 Egalité Femmes-Hommes, Transition Ecologique, Coup de Coeur) seront désignés en région. Chacun recevra une récompense (1000 euros pour le prix régional). En Occitanie, la remise des prix aura lieu le 21 novembre 2018 au matin dans le cadre de l’événement Financements européens et entreprises de l’ESS : des synergies gagnantes, à l’Hôtel de Région de Toulouse.

O.SC.