Mobilisation/Gard : “Il faut un moratoire sur les entrepôts d’Amazon…”

Delphine Batho annonce bientôt déposer un projet de loi pour un moratoire sur les grands dépôts comme ceux d'Amazon et des grandes surfaces. Photo : DR.

L’ancienne ministre de l’Ecologie sous François Hollande et présidente de Génération écologie est venue soutenir un happening à Fournès, dans le Gard qui a réuni 1 400 personnes, selon les organisateurs, de Attac aux commerçants de France en passant par la Confédération paysanne. Plusieurs autres manifestations sur le même thème se tenaient un peu partout dans l’Hexagone contre ce géant de l’e-commerce accusé de nombreux maux.

Quelque 1 400 manifestants selon les organisateurs (850 selon les autorités) réunis par une dizaine d’organisations, dont une de commerçants, se sont retrouvés ce samedi à Fournès, dans le Gard, pour manifester contre l’implantation de nouveaux entrepôts Amazon. Cette opération s’inscrivait dans le cadre d’une journée nationale de mobilisation dans laquelle Attac s’est, dit-elle, “fortement impliqué”. Ce grand rassemblement a commencé ce samedi matin par la plantation d’arbres sur le site l’entrepôt de ce géant d’internet doit pousser. D’une chaîne humaine et de prises de parole. D’autres actions ou rassemblements visant des entrepôts Amazon étaient notamment organisés à Perpignan (P.-O.), à Carquefou (Loire-Atlantique), Ensisheim (Haut-Rhin), Metz (Moselle), Quimper (Finistère), Rouen (Seine-Maritime) et Senlis (Oise).

“Destruction d’emplois, conditions de travail inacceptables, artificialisation des sols, évasion fiscale…”

Le mot d’ordre ? “Stop Amazon ! Ni ici ni ailleurs” À Fournès, Amazon souhaite construire un entrepôt de 38 800 m² avec une emprise de 14 hectares de terres, proche du Pont du Gard, joyaux classé au patrimoine mondial de l’humanité. Ils entendaient dire leur opposition à Amazon et son univers fait de “destruction d’emplois et des petits commerces, conditions de travail inacceptables, artificialisation des sols, impact sur le dérèglement climatique, évasion fiscale, fraude massive à la TVA, destruction environnementale et du patrimoine…” On se souvient de la campagne publicitaire, baptisée Dans ma Zone qu’avait lancée en 2020 en réaction Carole Delga, la présidente du conseil régional et visant à mettre en valeur nos commerçants dans les territoires.

Nous allons présenter bientôt un projet de loi dans le cadre de la convention sur le climat…”

Delphine Batho

Députée et ancienne ministre de l’Ecologie, Delphine Batho explique, aux côtés de Antoine Maurice, le leader EELV pour les prochaines régionales, pourquoi elle est de cette mobilisation. “Cette affaire a commencé il y a un an, ici à Fournès. Amazon veut multiplier par deux ses entrepôts et ses capacités de vente en France.” Un coup dur pour l’écologie avec ses “camions toujours plus nombreux jetés sur les routes”…  J’ai proposé en octobre 2020 une proposition de loi partie de ce combat à Fournès mais qui a été retoquée par la majorité Larem de l’Assemblée nationale. Mais elle a donné l’envie à d’autres territoires de se battre contre Amazon. Nous allons représenter ce projet de loi dans le cadre de la convention sur le climat.”

Une étude démontre qu’un emploi créé par Amazon en tue quatre ailleurs. Il y a une convergence très forte contre ce genre de projet en France, y compris de l’association des Commerçants de France”

Delphine Batho poursuit son plaidoyer : “Ce genre d’entrepôt est une aberration. Une étude démontre qu’un emploi créé par Amazon en tue quatre ailleurs. Il y a une convergence très forte contre ce genre de projet en France, y compris de l’association des Commerçants de France et tous ceux qui défendent l’économie locale et des personnes qui s’engagent dans les circuits courts et la préservation de la biodiversité. Ce qui se passe à Fournès est très éloquent. De plus, on vient d’apprendre qu’il y aurait un conflit d’intérêt touchant le monde politique. Et qu’une enquête judiciaire est ouverte. Fournès est aussi emblématique d’une volonté de protection d’un terroir ; la qualité des paysages. Depuis juin 2020, je demande, avec plein de gens mobilisés, un moratoire sur l’installation de ces entrepôts et toute nouvelle grande surface qui participent de l’artificialisation de sols.”

Il y a désormais une vraie coalition contre Amazon et une vraie coordination de luttes locales en France”

Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France

Pour symboliser leur refus de la bétonisation des terres agricoles, les manifestants ont commencé par planter dès 9 h 30 des arbres sur le site en écrivant Stop Amazon. De con côté, Raphaël Pradeau, porte parole d’Attac France, se dit “très content de cette mobilisation qui a compté 1 400 personnes. Ce n’était pas gagné d’avance. Cela montre qu’un mobilisation est possible, dans une large diversité, des écolos en passant par les commerçants, les syndicalistes, Gilets jaunes, etc. Il y a désormais une vraie coalition contre Amazon et une vraie coordination de luttes locales en France. Nous voulons empêcher Amazon de se développer et aussi lutter contre son évasion fiscale et notamment à la TVA…”

Au départ ce happening devait s’organiser le jour du Black Friday, le 28 novembre mais la crise sanitaire a dicté un autre agenda et la date de ce samedi convenait à tous. Conseiller politique de Delphine Batho et référent Génération écologie, le Séto-mézois Angélo Giordano est “agréablement surpris de la mobilisation qui aura des répercussions nationales…”

22 % de parts de marché dans le e-commerce en 2019

Lors des précédents confinements, notamment le premier au printemps dernier, les petits commerces dénonçaient la concurrence déloyale favorables aux hypermarchés et à Amazon. En France, Amazon dépasse de loin ses concurrents : le site US détient 22 % de parts de marché pour les dépenses en ligne en 2019, selon Kantar worlpanel. soit 7,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 17 % par rapport à 2028). Pour un bénéfice qui s’envole. À mettre en parallèle la destruction de 7 900 emplois en France : elle serait responsable de la perte de 1,9 à 2,2 emplois en France à chaque fois qu’elle en créé un, selon une note intitulée Amazon, vers l’infini et Pôle emploi de Mounir Madjoubi, député LREM et ancien secrétaire d’Etat au numérique.

Emplois supprimés, impôts contournés, pollution… Il y a un an, un rapport sans concessions d’Attac étrillait également les groupes du CAC 40, à la veille de l’ouverture du forum économique mondial de Davos. L’association altermondialiste y affirmait que les dirigeants s’augmentent fortement ; que ces sociétés sont dans l’évitement fiscal et que leurs émissions de gaz à effet de serre sont en hausse…

Olivier SCHLAMA

  • Ce rassemblement est organisé par de nombreuses associations et syndicats opposés à l’implantation d’Amazon : les associations gardoises Adere et Primavera, mais aussi Alternatiba, les Amis de la Terre, ANV-COP 21, Attac, Extinction Rebellion, la Confédération Paysanne, Solidaires 30, avec le soutien de la Confédération des Commerçants de France, de la Confédération Nationale du Travail et de Terre de Liens.

La réaction d’Amazon

La réaction d’Amazon n’a pas tardé. Le géant du e-commerce se défend dans un communiqué de toutes les critiques le visant.

D’abord, sur le plan économique. “Les critiques attaquent Amazon sur de nombreux sujets, et nous sommes devenus une cible pour certaines organisations qui souhaitent faire connaître les causes qu’elles représentent. Dans les faits, notre activité bénéficie aux territoires dans lesquels nous opérons : plus de 11 000 entrepreneurs et commerçants français s’appuient sur Amazon pour développer leurs activités et leurs emplois. Nous avons investi plus de 9,2 milliards d’euros dans nos activités françaises depuis 2010 et employons plus de 9 300 personnes en France, au service de nos clients.”

Et de poursuivre : “Les emplois que nous proposons s’accompagnent d’un salaire et d’avantages sociaux compétitifs ainsi que d’excellentes opportunités de carrière, le tout dans un environnement de travail positif, sûr et moderne. Nous invitons chacun à comparer ces rémunérations et avantages sociaux avec le secteur.” Et d’ajouter : “Selon l’Insee, entre 2000 et 2018 l’emploi dans le commerce de détail a progressé (+ 271 000 postes) ce qui contredit les critiques qui évoquent des destructions d’emplois liés au e-commerce.” Peut-être aurait-il été plus important ?

Au sujet de ses implantations futures, le géant de l’e-commerce souligne “étudier régulièrement de nouvelles opportunités” que “nous ne pouvons confirmer un projet qu’une fois qu’il a atteint un certain niveau de maturité. Nous ne spéculons pas sur d’éventuels projets à venir et n’avons rien de spécifique à annoncer aujourd’hui en France.” (…) nous n’avons pas de projet concret à annoncer à ce jour.”

S’agissant des impôts et de la contribution d’Amazon au financement des services publics, cela “se chiffre en centaines de millions d’euros chaque année”.

Ce n’est pas tout.  Amazon dit “développer” des projets ambitieux pour protéger l’environnement et atteindre la neutralité carbone dès 2040 dans le cadre du Climate Pledge, engagement qui comprend “100 % d’énergie renouvelable d’ici 2025 pour toutes nos activités (Amazon est aujourd’hui le plus grand acheteur d’énergies renouvelables au monde). Des investissements majeurs dans des flottes de véhicules électriques (100 000 véhicules électriques, plus grosse commande jamais réalisée au monde).”

Amazon ajoute : “Nos sites intègrent les dernières avancées en termes d’efficacité énergétique et d’utilisation responsable des ressources (ex. certification Very Good par Breeam, référence de l’évaluation environnementale). D’autres entreprises ont déjà rejoint Amazon dans le Climate Pledge, notamment les entreprises françaises ATOS, Seb et Scheider Electric. Ces engagements sont pris alors même que les études montrent que l’empreinte carbone d’un achat e-commerce serait 20 % inférieure à un achat en magasin selon le MIT.”

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