Méditerranée : Toujours plus d’infractions, mais le Languedoc-Roussillon échappe au tsunami

Contrôle par les Affaires maritimes des papiers d'un usager d'un pilote jet-ski. Dans le cadre de la campagne de sécurité des loisirs nautiques, une vaste opération de sensibilisation est lancée sur tout le littoral méditerranéen, par les brigades de surveillance de la gendarmerie, des affaires maritime et de la marine nationale. L'opération concerne particulièrement les véhicules à moteur dont les jetskis. Photo : Alexandra Alias, Marine Nationale, Défense

La préfecture maritime de Méditerranée pointe une explosion et une ubérisation des loisirs nautiques cet été avec un nombre d’infractions toujours plus important. Le Languedoc-Roussillon échappe à cette tendance. Une singularité qui s’expliquerait par la typologie de touristes moins argentés sur notre côte et qui recourent moins aux plus onéreux des loisirs nautiques.

Dans un contexte d’explosions du nombre d’interventions des secours en Méditerranée, cet été, le Languedoc-Roussillon fait figure de bon élève. Les départements de l’Hérault, du Gard, de l’Aude et des P.-O. voient ainsi, tous, leurs statistiques baisser sensiblement.

La Méditerranée n’est pas un lac sans danger. La préfecture maritime, basée à Toulon, et compétente sur tout le littoral méditerranéen français a constaté qu’il y a de plus en plus d’infractions relevées – mais moins d’infractions en mer en Languedoc-Roussillon, même s’il faut tenir compte d’un biais de taille : la fréquentation y est moins importante qu’en Paca.

“Ubérisation des loisirs nautiques”

Le capitaine de frégate Pierre-Louis Josselin. DR

En tout cas, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 3 258 opérations effectuées en 2022 (en grande majorité cet été, jusqu’au 30 septembre), 176 l’ont été dans les P.-O. ; 108 dans l’Aude ; 188 dans l’Hérault et 82 dans le Gard. Contre, par exemple, 808 interventions dans le Var. Ce qui amène le capitaine de frégate Pierre-Louis Josselin, directeur de la communication de la préfecture maritime, à mettre en relation cette hausse phénoménale à “à l’ubérisation des loisirs nautiques. L’accès y est plus facile. On peut tout réserver par internet ; on est dans une société de consommation à tout-va et les gens consomment du loisir nautique comme ils vont au cinéma.” Les règles de sécurité en mer ne sont pas forcément intégrées. “Il y a 20 ans ou 30 ans, on ne croisait que des propriétaires de bateaux sur un plan d’eau. Depuis, la location s’est accrue et de nouveaux types de loisirs sont apparus : les foils, le kyte surf, les jet ski… Il y a toute une gamme.” Qui dit pratique en hausse dit contrevenants en hausse.

“Dans les Alpes-Maritimes et le Var, il y a beaucoup d’étrangers à fort pouvoir d’achat”

Une famille hélitreuillée à Revelatta, en Corse, à bord d’un hélicoptère Dauphin de la 35F suite aux intempéries du 18 août 2022. Ph. Marine Nationale

Le littoral languedocien se distingue de ces statistiques affolantes. Pour au moins deux raisons : “On peut imaginer deux principales explications”, avance Pierre-Louis Josselin. “La première, c’est que, certes, les infractions baissent sur cette partie du littoral mais finalement peu et ce constat ne repose pas sur de gros volumes d’infractions. Ensuite, peut-être que cette baisse est liée à la typologie de touristes. Dans les Alpes-Maritimes et le Var, il y a beaucoup d’étrangers à fort pouvoir d’achat”. Sous-entendu : la crise touche peu ceux qui ont les moyens de s’adonner à leurs loisirs onéreux, comme la location de bateaux. En Languedoc-Roussillon, la clientèle y est davantage populaire. “Il y a peut-être le fait qu’il y a davantage de touristes à moindre pouvoir d’achat qui se rabattent sur des activités moins onéreuses, en conclut Pierre-Louis Josselin. On a d’ailleurs, dans le même temps, remarqué une hausse du nombre de morts chez les baigneurs et les plongeurs…”

“L’explosion des faits est flagrante, tous les indicateurs ont progressé de 50 %”

Contrôle de papiers d’un bateau par les Affaires maritimes. Photo : Alexandra Alias, Marine Nationale, Défense

Au niveau de la totalité de la façade méditerranéenne, ce n’est pas la même chanson : le bilan général de la saison estivale 2022 en Méditerranée française fait virer les alertes au rouge, avec un nombre d’opérations coordonnées par le Cross similaire à 2021. La préfecture maritime a comptabilisé 3 258 opérations en 2022, contre 3 151 en 2021. Mais, par rapport à 2019,”l’explosion des faits est flagrante ; tous les indicateurs ont progressé de 50 %.” Comment cela s’explique-t-il ? “Les Français ont réorienté leur choix de vacances. Ils sont moins partis à l’étranger et se sont davantage “rapatriés” sur le littoral méditerranéen.” Et comme beaucoup sont des novices, peu habitués, à la mer, ils peuvent avoir des comportements dangereux, y compris par méconnaissance. “Chaque année, on a des baigneurs coupés par des hélices de bateau qui se sont aventurés dans la bande des 300 mètres. Parfois, il y a des décès…”

1 577 vies sauvées et 35 décès

Entraînement à l’hélitreuillage entre un hélicoptère Panther de la flottille 36F de la BAN Hyères et le canot tous temps (CTT) SNS 078 “Batonnier Alphonse Granval de la station SNSM de Hyères en Méditerranée. Photo : Marine Nationale

On apprend aussi que 7 958 personnes ont été “impliquées” (7 591 en 2021), dont 35 sont décédées (26 en 2021) et que 1 577 vies ont été sauvées (1 316 en 2021). Avec une particularité avec les intempéries en Corse, en août 2022 (+ 110 opérations en une journée). Mais, au-delà de ces mois d’été, la tendance est à la hausse depuis 2019″ : les opérations coordonnées par le Cross Méditerranée sont en hausse de 57 %, le nombre de personnes décédées suit la même courbe exponentielle avec + 169%. Idem pour les personnes blessées (+ 48 %).

“On cible surtout la vitesse et les zones d’interdiction”

Face à ce phénomène, “nous avons multiplié nos efforts : nos contrôles ont augmenté de 50 % depuis 2016, atteignant presque 15 000 à ce jour, précise Pierre-Louis Josselin. Attention, tous ces contrôles ne donnent pas lieu à verbalisation. D’abord, parce que l’on fait d’abord de la pédagogie, surtout auprès des novices qui connaissent mal les règles en mer. On cible surtout la vitesse et le respect des zones d’interdiction de navigation. Depuis 2019, on a relevé ainsi plus de 75 % d’infractions en plus.”

“Il n’y a pas de sanction immédiate comme l’immobilisation du bateau…”

Surveillance des côtes pour contrôle des jet-skis au large de Marseille par les agents des Affaires maritimes. Ph. Alexandra Alias, Marine Nationale,

Que risque, par exemple, un contrevenant dans la bande des 300 mètres ? “Il n’y a pas forcément de peine immédiate, comme sur la route. C’est transmis à la gendarmerie. Et cela dépend de la gravité. Si c’est une atteinte au mouillage ou une vitesse dépassée, ce n’est pas pareil. Mais il n’y a pas de sanction immédiate comme l’immobilisation du bateau, par exemple. C’est, d’ailleurs, l’une des pistes que nous avons : faire évoluer cette réglementation. Mais, déjà, des arrêtés préfectoraux existent déjà pour réguler le bruit et la vitesse en mer, ce qui n’existait pas avant.” C’est pourquoi, ajoute-t-il, “on travaille à compléter peu à peu l’arsenal législatif. Mais aussi les outils : les gendarmes maritimes, par exemple, sont capables de contrôler en mer si la personne s’il a, ou pas, son permis bateau. Ce qui n’était pas le cas avant. On va vers davantage de contrôles ciblés. On a besoin de s’adresser à une tranche très large de la population en touchant le vieux voileux comme le petit jeune. C’est notre défi.”

Olivier SCHLAMA

👉 A savoir : La notoriété du numéro de téléphone 196 est relativement importante : 38 % des alertes passent par ce canal. Le principal motif d’alerte (34%) reste lié à des avaries diverses. Selon la préfecture maritime, il y a une hausse significative des alertes pour des situations indéterminées (+ 56%).
Ces 3 dernières années, le facteur humain (inexpérience, comportements individualistes et dangereux, manque de rigueur dans la transmission des alertes, etc.) est l’une des causes principales de déclenchement des opérations en Méditerranée dont la conduite est souvent complexifiée par des alertes données tardivement ou des témoignages imprécis.

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